Un tiroir oublié
J'ai profité de la touffeur estivale pour faire du rangement, au frais dans la maison. Je prévois de changer l'affectation d'un ancien bureau et j'ai été amené à trier des tas de papiers dont la conservation ne présenterait aucun intérêt. Un travail généralement long et peu efficace puisque je dois d'avouer être un grand conservateur, attribuant une valeur affective à moult objets et documents propres à faire resurgir des souvenirs.
C'est donc dans un tiroir délaissé depuis dix ans - lorsque j'ai cessé mon activité indépendante - que j'ai (re)découvert, non sans surprise, un hétéroclite fourre-tout constitué d'annotations griffonées sur les papiers les plus divers. Parfois au dos d'une facture ou d'une enveloppe, sur des prospectus colorés ou des tickets de caisse. J'avais totalement oublié l'existence de ces traces confuses de mes cogitations, annotations, tentatives de mises en mots émises durant une période de trouble et de pénible incertitude. Alors travaillé par de grandes interrogations, j'avais besoin de comprendre ce qui, à mes yeux, était dénué de sens. Ayant opté, par le jeu des circonstances, pour une certaine solitude, écrire était un procédé simple et efficace. À cette époque je griffonais donc des bouts de papier, en plus de tenir un abondant journal auto-analytique et un blog évasif (celui-là même). En termes de partage, outre les commentaires du blog, j'avais quelques correspondances suivies et m'épanchais auprès d'un psy, en thérapie longue...
Période pas facile, en vérité. Ma soif de comprendre n'était assouvie qu'au compte-goutte improbable des suppositions et hypothèses. Un aride travail de recherche, en somme, doublé d'une profonde remise en question.
Ce matin, en retrouvant ces papiers en vrac noircis de lignes en quête éperdue de compréhension, j'ai ressenti à quel point « j'en ai chié. » (l'expression m'est sortie de la bouche à voix haute). Et pourtant, une douzaine d'années plus tard... tout cela est "oublié", enfoui, profondément sédimenté, rentré dans l'ordre des choses. J'ai peu à peu cessé d'écrire, de penser, d'analyser. J'ai résolu ma difficulté. Mes difficultés.
Allez... ce n'est pas dans mes habitudes mais je dois reconnaître que je ressens une petite fierté à être ainsi allé au bout des questionnements. Du moins au plus loin de ce qui était à ma portée. J'ai accepté de ne pas tout comprendre, j'ai admis mes limites et compris que tenter de les dépasser ne ferait que m'éloigner de qui je suis.
Aujourd'hui je m'accepte tel que je suis.
J'irai même jusqu'à dire que je m'aime tel que je suis. Avec mes imperfections, particularités, vulnérabilités, sensibilités et incapacités. Avec les aptitudes adaptatives que j'en ai tiré, aussi, qui font de moi un discret sauvage sociable. Bref, tout ce qui fait ma singularité, dont je n'ai pas nécessairement conscience mais que quelques personnes apprécient. Et c'est bien suffisant.
Si je raconte cela c'est à titre d'encouragement envers celles et ceux qui seraient engagés dans un processus de conscience et de connaissance de soi. Même si ça paraît sans fin, ne laissez pas tomber. Persistez aussi longtemps que nécessaire : le résultat en vaut la peine ;)