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Alter et ego (Carnet)
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1 novembre 2019

Une note d'espoir

En prenant de la distance avec l'écriture j'ai libéré un temps que j'utilise à m'informer abondamment et laisser ma conscience s'imprégner de ce que je sais. J'ai aussi laissé émerger les axes que j'allais suivre, tant pour ce qui me concerne que ce qui concerne mon rapport au monde. Il y en a au moins trois : me préparer à ce qui s'annonce (psychologiquement et pratiquement), informer qui veut bien écouter, agir "politiquement".

Pour ce qui est de me préparer, c'est un travail de fond, donc considérable. Déconstruction de ma vision de l'avenir, recomposition de mon imaginaire, mise en action personnelle d'une réduction continue de mon empreinte écologique.

Informer, je le fais par différents canaux dans les sphères dans lesquels j'ai pris place : principalement au travail, dans la municipalité à laquelle je participe, et au sein d'une association dédiée au thème qui m'occupe.

Agir politiquement, outre ce sur quoi j'ai déjà pu influer depuis ma toute petite place de conseiller municipal au sein d'une intercommunalité, c'est m'engager une nouvelle fois dans l'aventure élective (alors que je me réjouissais d'arrêter bientôt...). Cette fois avec un projet résolument engagé dans ce qui me tient à coeur et la volonté de peser sur les choix de l'intercommunalité.

Dans ces trois axes je me heurte à la force pesante et puissante de l'inertie. La mienne tout d'abord : il m'est difficile de changer rapidement dans un monde qui ne change qu'avec une extrême lenteur. Face aux autres, ensuite : il m'est difficile de tenter d'informer en me cognant sans cesse à l'insouciance, à l'inconscience, au scepticisme, y compris parmi ceux qui se disent sensibles à la cause écologique. Il m'est tout aussi difficile de me taire et de me sentir, là encore, en grand décalage avec la plupart des gens.

Si j'étais seul, je crois que je me sentirais dépassé par l'ampleur du déni général. Heureusement je peux échanger sur le sujet avec d'autres "lucides", proches ou pas. Partager sans susciter dénégations ou minimisations. Sans se voir considérés comme des "pessimistes" ou "catastophistes" obnubilés par des sujets sinistres. Divers réseaux conviviaux se sont constitués, qui nous permettent d'observer l'immobilisme et tenter d'en comprendre les mécanismes. Notre perplexité et notre sentiment d'impuissance s'allègent dans le partage, et même une certaine jovialité.

 

De plus en plus c'est la dimension psychologique du déni qui retient mon attention. Avec cette intrigante question : qu'est-ce qui fait que l'on ne croie pas ce que l'on sait ? Avec, en corollaire, une autre question, loin d'être superflue : est-ce utile de savoir ? Est-ce que la connaissance change les comportements ? Si la réponse est négative, à quoi bon informer ? Ou, autrement dit : faut-il chercher à éveiller les consciences de ceux qui n'y sont pas prêts ? Ou de ceux qui ne veulent pas savoir ? Comme je ne veux pas forcer les gens, il me faudrait susciter leur curiosité, induire leur envie de s'informer... et éventuellement être prêts à accueillir l'inquiétude qui ne manquera pas d'apparaître.

 

Au terme de conférences dressant le constat sombre de l'état du monde, sourd forcément une inquiétude dans l'auditoire non averti. Pour peu qu'ait été introduite un peu de prospective en considérant l'accélération continue du processus de destruction de la biosphère, une part de l'assistance se sent lourdement plombée. Comme étourdie après un coup de massue. Intervient alors, quasi systématiquement, l'inévitable appel à l'aide : « J'ai l'impression, après vous avoir écouté, qu'il n'y a pas d'espoir... ». De même, lorsqu'un journaliste interroge quelque auteur ou scientifique sur le même thème, l'entrevue ne saurait se terminer sans une quelconque version de cette phrase à visée délivrante :« Pour conclure, donnez nous une note d'espoir ».

Le constat étant trop rude, il s'agit trouver une échappatoire. En quelque sorte, effacer immédiatement ce qui vient de percuter la pensée. Retrouver au plus tôt l'insouciance qui préside à nos vies.

Mais de quel espoir s'agit-il ?

En filigrane il apparaît clairement : l'espoir que l'on puisse échapper à ce qui vient d'être décrit comme inéluctable. Étonnante propension de l'humain à ne pas vouloir savoir ce qui le menace. Puissant mécanisme protecteur du déni de réalité qui permet de sous-entendre, sans en percevoir l'absurdité : « j'ai bien entendu ce que vous nous avez dit [et, parce que ça me fait peur], dites-moi maintenant que ce n'est pas vrai ».

Récemment confronté à ce genre de réaction, j'ai voulu revenir sur le terme "espoir". Au simple fait de sa formulation dans ma phrase, j'ai vu des sourires illuminer les visages. Alors j'ai demandé quel espoir était attendu. Si c'était celui de continuer comme avant... alors cet espoir serait forcément déçu, tôt ou tard. Par contre, s'il s'agit d'espérer quelque chose de bénéfique et d'agir en ce sens... alors oui, il y a des pistes d'action. En quelque sorte, l'espoir ne vaut que s'il pousse à l'action.

 

L'étymologie du terme "espérer" signifie : « attendre quelque chose comme devant se réaliser »Espererar, en espagnol, a d'ailleurs conservé le sens de "attendre". En français il a un double sens subtilement différent :

1. « Attendre avec confiance un bien que l'on désire; considérer comme possible et probable sa réalisation; considérer comme certaine une chose dont on n'est pas scientifiquement, objectivement sûr. »

2. « Avoir confiance dans l'avenir, dans la vie; entrevoir que la vie ne se termine pas dans le néant mais qu'il y a survie de l'individu (par la descendance, la vie future); entrevoir une issue favorable à la situation actuelle »

Quand il est demandé des raisons d'espérer, ou cette fameuse "note d'espoir", c'est clairement la deuxième option qui est sous-entendue. Quelque chose de nettement moins certain que la première définition. « Attendre avec confiance » indique un haut degré de certitude, alors qu'avoir simplement « confiance dans l'avenir » laisse entendre que c'est un pari.

Pour ma part, je me méfie de ma proposension à espérer. Je ne veux la relier qu'à une action. Certes il y a l'espoir de réussir... mais pas sans implication personnelle. En cela je fais ma part... acceptant qu'elle ne pourra contribuer qu'en partie au résultat attendu. Et pour ce qui concerne le futur de nos vies, je sais que mes actions devront être jour après jour plus engagées. Ce sera sans fin parce que l'objectif à atteindre nécessite d'ores et déjà des efforts constants et de plus en plus exigeants.

Honnêtement... il m'est devenu difficile de rester impassible quand je me trouve face à des personnes qui, sans plus d'implication, affirment qu'elles préfèrent rester optimistes, qu'elles veulent garder espoir ou considèrent que l'homme trouvera bien une solution.

 

 

IMGP7598

 Vercors, un automne ensoleillé (2016)

 

Commentaires
K
La photo du Vercors est magnifique. est-ce vous qui êtes à l'origine de cette photo ?
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C
Bonjour Pierre, il me semble que pour éviter le mur qui se rapproche, il faudrait des mesures drastiques que personne ou presque (individus ou états) n'est apte à appliquer.<br /> <br /> Diminuer son empreinte carbone, ceux qui te lisent tentent de le faire...et encore. J'ai du mal avec les propos d'occidentaux aisés que nous sommes...Nous nous sommes gavés de l'économie mondiales au détriment de bien des autres à qui nous voulons maintenant donner des leçons ou tout du moins asséner des vérités. <br /> <br /> Oui, toi, moi et d'autres avons voyagé parfois au bout du monde, pour découvrir, pour s informer, pour s'isoler égoïstement sans s 'occuper de tous ceux qui ont voyagé et voyagent encore (migrent) pour garantir leurs survies et de retour chez nous , bien au chaud, nous nous informons et consommons.<br /> <br /> La société s'accélère, la violence s'accélère en parallèle, les inégalités sont criantes, surtout la violence sous toutes ces formes. <br /> <br /> Que font ces idiots qui consomment pas chers des articles chinois qui viennent du bout du monde? je me fais l'avocat du diable, ce sont peut être (et je parle des européens) des travailleurs qui ne touchent que le smic et sont malmenés dans leurs vies, mais qui souhaiteraient aussi quelques petits plaisirs fussent ils chinois...et ceux qui gagnent un peu plus souhaitent voyager meme si c'est dans des séjours charters, surchargés, bondés, tassés comme des bestiaux qui ont l'impression néanmoins d'être comme ceux qu'ils voient sur instagram, fb et cie, est ce qu' on doit leurs reprocher? <br /> <br /> Tout le monde voit tout, ici, ailleurs au fin fond de la brousse ou de la jungle, tous espèrent, envient la consommation. Les poches de ceux qui ont bien compris se remplissent, on construit des stades climatisés dans le desert, des patinoires chez nous alors qu'il fait 10 degrés, on utilise l'électricité nucléaire, charbonneuse a tout va, l'eau n'en parlons pas, les révoltes pour avoir sa part du gâteau explosent, des révoltes pour les survies explosent elles aussi, tout cela étalé sur le net, dans les réseaux etc etc<br /> <br /> Alors l'espoir? j'avoue je n'en vois pas beaucoup globalement. Individuellement certainement, à petite échelle, dans nos microcosmes locaux. Carrément insuffisant. <br /> <br /> Greta peut traverser les océans en voilier, relier les pays en train, alerter, crier même, essayer de faire converger les bonnes intentions, le rythme manque, l'échelle temps nous joue des tours. L'imbécile regarde le doigt...<br /> <br /> Que rajouter à mon "pessimiste" ambiant parce que coupable de mon inertie antérieure, j'ai pourtant bossé dans l'environnement pendant 20 a, insuffisant, décourageant, rajouter quelque chose qui va t énerver puisque tu dis ne pas pouvoir rester impassible a ce genre de propos, je pense, j'espère, je veux croire que les générations en âge d'évoluer vont explorer, découvrir des pistes nouvelles, mettre la science et le bon sens au service commun de la planète, et nous au delà de quarante ans nous suivrons parce que nous sommes coupables de cet état lamentable, nous sommes coupables de cette violence quotidienne, nous suivrons n'en doutons pas. Je passe la patate chaude, je sais, à la jeunesse ça ne me déculpabilise pas pour autant, je vis petitement à mon échelle, royalement pour d'autres, ça ne me réjouit pas ces différences. <br /> <br /> Bonne journée Pierre
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H
C'est, il me semble, que votre volonté active s'oppose, comme vous le constatez, à un désir intrinsèque de se donner bonne conscience, en quoi consiste l'essentiel de la motivation des écologues. J'en ai longtemps parlé et disserté : l'homme est une créature qui ne se sacrifie point, mais qui sacrifie volontiers les autres à ses idées. Ce n'est pas un hasard si on n'a jamais envisagé sérieusement la perspective d'empêcher les naissances tant que nos consommations de ressources ne sont pas à l'équilibre avec ce que la nature fournit. M'est avis que vous préchez dans un néant, comme vous le pressentez, et qu'il vaut mieux s'en apercevoir très vite pour s'épargner de grandes désillusions sur nos contemporains.
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J
Je suis entièrement d'accord avec tout ce que je viens de lire j ai changé ma façon de vivre au quotidien mais je me sens si seule face aux autres que je me demande a quoi cela va servir puis après je redeviens optimiste et je me dis que ma conscience est joyeuse du peu que je fais et que certains font aussi merci
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M
Bonsoir Pierre.<br /> <br /> <br /> <br /> Nous avons certainement le pouvoir de changer les choses.<br /> <br /> Certains d'entre nous le font chaque jour à travers des gestes et attitudes de bienveillance écologique. <br /> <br /> Nous n'avons cependant pas encore donner "le pouvoir" de changer notre mode de fonctionnement. <br /> <br /> Nous n'avons pas mis le "pouvoir" entre les mains de quelques hommes qui penseraient et agiraient décroissance. ..<br /> <br /> Là reste encore "l'espoir " d'une gouvernance un peu plus verte...<br /> <br /> Car quoiqu'il arrive un orchestre tout aussi professionnel et motivé qu'il soit à besoin d'un "chef d'orchestre "qui donne le la, qui définit une vue, un objectif,un enthousiasme. <br /> <br /> L'histoire nous montre que nous savons changer les choses quand la volonté est là, dessinée et orchestrée. <br /> <br /> Là encore reste cet espoir....<br /> <br /> Bonne soirée à toutes et tous.
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F
Bonjour Pierre :-)<br /> <br /> Je pense que si l'on veut que les gens agissent et réagissent, il faut leur parler d'espoir, leur dire que c'est possible. Si on leur dit que tout est foutu, ils baisseront les bras et déprimeront, ce qui n'arrangera rien. Je crois, et tu le sais car j'en ai déjà parlé, aux bienfaits pour la Terre des ondes positives. Si les gens sont trop négatifs, déprimés, ils n'agiront pas. Ce sera pire...<br /> <br /> Je pense souvent à toi et à ce que tu écris dans tes billets (même s'ils se font rares). Le fait d'informer les gens ne les fait pas réagir forcément tout de suite, mais les mots prononcés font leur chemin et un jour ou l'autre ils prennent un autre sens. Les mots ne sont jamais inutiles même s'ils ne percutent pas dans l'instant. Voilà. :-)<br /> <br /> Bel après-midi à toi, Pierre.
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J
Bonjour Pierre.<br /> <br /> Oui, c'est en ventant (les mérites etc) qu'on devient vert... est-poire d'y croire le contraire ! D'accord ? j'ai un peu (faute de mieux pouvoir faire) simplifié :)<br /> <br /> Merci pour tes mots toujours percutants et la beauté de ta photo.<br /> <br /> Bon samedi. Bise.
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C
Effectivement c’est un texte dense. Il m’a fallu le relire plusieurs fois et ce qu’il ressort de ma lecture est surtout le sentiment que l’urgence de la situation a complètement investi ton être, au point que cela semble constituer l’essentiel de tes sujets de réflexion et d’action. En soi bien évidemment, ce n’est pas une mauvaise chose mais il me semble (bien sûr ce n'est qu'un ressenti qui ne correspond pas à ta réalité) que tu n’as plus de vie personnelle. Je ne suis pas certaine que beaucoup de gens soient capables, comme toi, de concentrer toute leur énergie sur ce seul plan de la préparation à l'effondrement. Tu as raison de souligner les mécanismes de défense par le déni dont nous sommes tous capables à un moment donné pour nous protéger de quelque chose de trop difficile à accepter, ou de trop effrayant.<br /> <br /> Pourtant bien sûr tu fais ce que chacun devrait faire, mais l’on se trouve constamment confronté aux limites d’un tel engagement.<br /> <br /> Lors des obsèques du petit enfant décédé dans des circonstances dramatiques cet été, la température de 40° a fait prendre aux gens qui organiser la cérémonie la décision de mettre des petites bouteilles d’eau en plastique à la disposition des quelques 200 personnes s’étaient rendues à l’église. Je ne me serais pas vue, dans cette circonstance exceptionnelle, faire la leçon d’écologie à des gens dont le principal souci, ponctuellement, n’était absolument pas le futur effondrement de la planète ou du moins de ses habitants, mais la dévastation de leur propre chagrin.Et pourtant, je suis certaine que parmi ces gens beaucoup sont convaincus qu’il faut agir pour changer les choses. L’espoir, pour moi, doit rester un moteur pour motiver les générations futures à changer complètement de paradigme. S’ils pensent que tout est foutu, ils ne feront rien. Tu soulignes à juste titre qu'il s'agit de bien définir l'espoir : ce n'est pas celui de pouvoir continuer à vivre dans cette opulence indécente, bien évidemment. Mais simplement celui qu'un autre monde sera possible un jour, pour les survivants, quand le capitalisme sera effondré.<br /> <br /> Alors bien sûr, tu vas me dire que ma solution demande du temps puisqu’il s’agit de changer les mentalités des enfants qui seront les adultes de demain. Et que du temps, on n’en a plus. Et tu auras sans doute raison.Au stade où j’en suis actuellement de ma réflexion et de mes actions, je sais que le principal levier sur lequel on peut agir c’est nous mêmes: faire notre part, parler aux gens, semer des graines, Trier, économiser, recycler, revoir à la baisse encore et toujours notre mode de vie, bref donner aux jeunes un modèle de vie davantage basé sur l’être plutôt que l’avoir, sur la sobriété heureuse, le contact avec la nature, le respect des autres, la solidarité, le bien commun. Mais sur le plan mondial, je n'y crois plus, parce que le pouvoir politique est aux mains de fous et de psychopathes de l'argent.<br /> <br /> Que faire d’autre ? Un nouveau système inédit reste à inventer, mon seul espoir c’est que mes petits-enfants seront encore vivants au moment de ce grand changement.<br /> <br /> Mais rien n'est moins sûr.<br /> <br /> Difficile en effet, de rester impassible devant ces considération qu'un peu de bon sens rendrait accessibles à tout un chacun...<br /> <br /> •.¸¸.•*`*•.¸¸☆
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K
Il me faudra relire ton texte. Plusieurs éléments m'ont interpellée et ça demande du temps pour absorber son contenu selon ma compréhension à moi. Mais ce qui me vient sur le moment est que l'extérieur est le reflet de l'intérieur. Étant donné l'état du monde extérieur actuel il est facile d'imaginer ce qui se passe à l'intérieur des humains en général. Quand le respect de sa propre vie n'a pas beaucoup de poids : de plus en plus de problèmes d'obésité (manger n'importe comment et prendre des statines ensuite) de diabète, de consommation d'antidépresseurs (plutôt que d'essayer d'aller à la source des problèmes), de santé mentale, etc., alors la survie de l'ours blanc, des abeilles, des océans et même de sa propre espèce a encore bien moins de chance d'avoir de l'importance. Il faut d'abord commencer par être important pour soi-même pour que le reste le devienne.
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