Syndrome de l'imposteur
Par le hasard des réseaux sociaux je suis "tombé" sur la page d'une ancienne connaissance, datant de l'époque ou j'exercais un autre métier, dans des sphères professionnelles dont les vicissitudes de l'existence m'ont aujourd'hui détourné.
La curiosité m'a poussé à voir ce que cette personne, pas revue depuis une quinzaine d'années, exprimait dans le domaine d'intérêt qui nous réunissait jadis. Là, presque étonné, j'ai vu qu'elle était encore en relation avec des connaissances communes alors que de mon côté, sans l'avoir voulu, j'ai délaissé ces liens. Nous étions tous des passionnés. Collectionneurs et producteurs d'arbres, nous échangions nos découvertes botaniques, nos observations, nos essais, nos erreurs et réussites. Un microcosme de spécialistes qui, à l'échelle du territoire national, se rencontraient très régulièrement. Je n'en fais plus partie.
Quinze ans plus tard, j'ai donc pu suivre des traces de conversations actuelles entre ces personnes qui, visiblement, n'ont rien changé de ce qu'elles étaient. C'est à dire depuis près de... trente ans, lorsque je les avais connues au tout début de ma première reconversion professionnelle. Elles étaient là avant que je les rejoigne et le sont encore bien après que je les ai quittées. Elles sont restées fidèles à une passion et aux liens par elle établis.
Pas moi.
Probablement parce que, de mon côté, j'ai toujours traîné une tendance au "Syndrome de l'imposteur". Face à ces personnalités connues, fortes de connaissance et d'expérience, je me sentais toujours un néophyte (et de fait, je l'étais), malgré l'attention et le respect sincères qu'elles me portaient. Ces quelques grands noms qui, dans leur domaine, faisaient référence, parfois médiatisés et parfois infiniment humbles malgré l'étendue de leurs connaissances, m'impressionnaient.
Plutôt du genre discret, lorsque j'ai changé de métier... je me suis effacé. Je n'ai pas cherché à garder le contact, sans doute un peu mal à l'aise d'abandonner la cause commune. Peut-être un peu gêné d'aller vers un emploi salarié, plus sûr, contrebalancé par beaucoup moins de passion professionnelle. Mais surtout je me suis effacé parce que je me sentais peu important aux yeux des compagnons d'autrefois.
Automne 2005, Journées des plantes au château de Courson (Essonne)
À peu près à la même époque j'ai bénéficié d'une minuscule petite place dans le milieu de l'autobiographie, notamment parce que j'avais fait partie de la seconde vague des "pionniers" du diarisme sur internet. Là encore j'ai brièvement cotoyé quelques modestes grands noms, très impressionné d'être à la même table. Par je ne sais quelle audace j'ai même accepté à plusieurs reprises de m'exprimer devant un public, y trouvant une satisfaction certaine. J'avais des choses à dire et elles semblaient intéresser. J'eus même l'honneur de participer à un documentaire sur France-culture et d'entendre des fragments de mes textes admirablement lus par un comédien. Pour moi, une sorte de consécration [comme y s'la pêêête !]. Mais tout cela m'a fait un peu peur... Il m'est difficile - presque insupportable - de me savoir "visible" [ne me demandez pas pourquoi je me suis rendu visible sur internet et persiste dans cette voie...].
Aujourd'hui, autour d'un tout autre centre d'intérêt, je côtoie régulièrement des personnes qui s'expriment dans les médias, écrivent des bouquins, font des conférences [so what ?]. Et de nouveau je me sens presque illégitime parce que je n'ai pas leur savoir, leur expérience, leur compétence, leur... assurance. J'ose à peine prendre la parole, craignant de dire des banalités, de ne rien apporter d'original. J'écoute, observe, analyse... mais doute toujours de ma singularité.
C'est une limite. C'est ma limite. J'ai fait en sorte de bien m'en accomoder... mais il est assurément dommage de s'auto-limiter ainsi.