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Alter et ego (Carnet)
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31 janvier 2021

De l'incertitude de l'existence

« Je ne suis pas homme de certitudes. »

Voilà la phrase-clé qui m'est venue, ce matin, en repensant à ce que j'ai publié ici hier. Mais pensécrire une telle affirmation, fleurant bon l'oxymore, suscita instantanément mon doute : en suis-je certain ?

Hier j'écrivais que je n'avais plus le temps ou l'esprit disponible pour écrire mes états d'âme. Paradoxe scriptural dont l'incongruité m'étonna avant même la publication. Ainsi mes "certitudes" du moment peuvent vaciller peu après, voire aussitôt après les avoir mentalisées. Pour la fantaisie, il m'arrive parfois de déclarer que « ma seule certitude, c'est de douter ». J'aime assez, aussi, la notion d'impermanence. D'ailleurs il m'arrive régulièrement d'ajouter « pour le moment » quand il s'agit de déclarer une intention, un souhait, un projet. Je sais l'incertitude de l'existence et la variabilité des pensées. La vérité de l'instant ne sera peut-être pas la même quelques temps plus tard.

Si l'incertain peut avoir quelque chose d'inconfortable, et même d'angoissant pour certaines personnes, pour ma part je m'y sens plutôt à l'aise. Dans le sens que l'incertitude ne m'effraie pas. Je n'ai pas besoin d'être rassuré, je n'ai pas besoin qu'une décision soit rapidement prise. Je m'accomode assez bien du flou.

Au vu des réactions outrées que suscitent les hésitations gouvernementales à propos de la gestion de crise sanitaire, je mesure à quel point, pour pas mal de gens, cela engendre de l'inquiétude, de la révolte, de la colère. Ce n'est pas mon cas : je m'adapte aisément à l'imprévisible. Surtout si je l'ai prévu...

Mais là n'est pas mon propos. Je voulais avant tout revenir sur cette affirmation qui clôt mon précédent texte : « avec tout ça je n'ai plus guère le temps de cogiter et d'écrire ». Aussitôt écrite, le doute m'a assailli : est-ce bien vrai ? le manque de temps est-il la seule raison ?  Cette hésitation transparait dans le paragraphe suivant : « Même si je sais que, pour le bien-être de mon esprit, il serait bon que je revienne sur divers éléments de mon rapport à autrui ».

Oui, il serait peut-être bon que je ne me coupe pas de cette forme de réflexion-élaboration que permet la mise en mots. La "pensécriture", pourrais-je tenter en mot-valise. Un mode de réflexion souvent autocentré, certes, mais directement en lien avec mon rapport à autrui., donc ouvert au monde. C'est l'essence même de ce blog, affichée en sous-titre.

Ce blog... lui même émanation parallèle d'un journal en ligne qu'il n'a jamais totalement supplanté. Les deux coexistent, s'entremêlent et fluctuent, sans que l'un n'ait tué l'autre. D'autres expérience d'écriture partagée n'ont pas duré. Nécessaires à un moment donné, elles devinrent inutiles plus tard. Je n'ai pas décidé de les arrêter : elles se sont éteintes toutes seules.

Je ne suis pas homme de certitudes. Pour cela il m'est difficile de trancher. Difficile de supprimer. Difficile de rendre irréversible. En fait, je n'ai pas besoin de certitudes.

C'est peut-être un trait de caractère particulier ?

Professionnellement mes collaborateurs me demandent de trancher, de décider, d'arbitrer. Je ne saurais le faire sans consulter les avis de chacun, de façon à être le plus juste possible entre diverses options. C'est une question d'équité, de logique, de pragmatisme. Et cela me demande parfois du temps...

Autrefois mon épouse m'a demandé de choisir entre deux modes de vie : exclusivité ou liberté. Autrement dit, à cette époque : avec elle ou sans elle. Voulant la liberté... avec elle, je n'ai tranché en faveur de la seule liberté que parce que j'y ai été contraint. Être poussé dans mes retranchements m'a obligé à extraire d'une gangue de doutes une de mes rares certitudes : la liberté avant tout.

J'en ai une autre, assez viscérale : l'athéisme, en conclusion d'un cheminement spirituel et intellectuel. C'est important, pour moi, de ne pas "espérer" je ne sais quelle providence influençable par la volonté humaine.

Une autre, plus récente et assez perturbante : le monde dans lequel je vis - et tous ceux avec qui j'y vis - fonce vers son naufrage. C'est une certitude non choisie, fondée sur les lois de la physique et de la thermodynamique, qui n'offre aucune échappatoire. Les seules incertitudes concernent l'échéance et la rapidité du naufrage. Cette perspective est... anxiogène. Profondément. Elle fait peur à la grande majorité de la population, qui préfère ne pas y penser. Et pourquoi pas ? Vivre l'instant présent, profiter aussi longtemps que possible, c'est entendable. "Le Syndrome du Titanic", pour reprendre le titre d'un livre de Nicolas Hulot : le navire est insubmersible, à quoi bon s'inquiéter ? Là encore, sur l'attitude à avoir, je n'ai pas de certitudes. À quoi bon se restreindre, puisque la menace n'est pas encore palpable ? Et si on avait le temps d'en profiter sans vergogne, laissant à nos enfants le soin de se débrouiller avec une pénurie croissante de ressources dans un climat perturbé ? Après tout, peut-être échappera t-on aux affres du manque ?

Je ne fonctionne pas comme ça. Du moins... je ne le fais pas sans vergogne : il m'est difficile de me voir "pris" dans une société du gaspillage et de l'exubérance. Sauf que... si je veux m'en extraire cela revient à me marginaliser. Il est difficile de vivre sobrement dans un monde installé dans l'opulence. Ne serait-ce que pour me déplacer. Autrefois, en milieu rural (qui était majoritaire) on trouvait à peu près tout dans un rayon de 5 kilomètres, soit une heure de marche. Aujourd'hui, sans voiture, on y est isolé. La famille, les amis, sont loin, dans des lieux eux-mêmes mal desservis, voire pas desservis du tout par des transports en commun. Mon travail est à 25 km, ce qui se fait relativement aisément en vélo l'été... plus difficilement l'hiver, de nuit, avec le froid et la pluie.

Je sens bien que je ne suis pas cohérent, congruent, entre ce que je sais et ce que je fais. Je suis certain que je n'agis pas comme je le voudrais. Mais je doute que le moment soit venu d'entrer dans la radicalité nécessaire. Je ne tranche pas. Je m'accroche à je ne sais quel mode de vie que je sais dépassé. Il m'est tout simplement difficile de renoncer d'un coup au confort de l'abondance énergétique et de tous les avantages qu'elle offre. Ne serait-ce que de me servir d'un ordinateur pour publier sur internet mes réflexions et, ici où là, participer au questionnement collectif qui se dresse devant nous : comment faire pour accepter de décroître ?

 

IMGP5194Petit matin d'hiver

 

 

Commentaires
D
Bonjour. Et si on était beaucoup à se marginaliser? Le marginal deviendrait la norme... Suis-je une douce rêveuse? ;-)
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C
Ta dernière question est essentielle et seule elle compte. C'est bien le problème comment faire sans souffrance? Impossible adéquation
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