Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Alter et ego (Carnet)
Alter et ego (Carnet)
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
10 décembre 2021

Pour la bonne cause

Il y a une quinzaine d'années je me rendais régulièrement, une ou deux fois par mois, chez mes parents restés seuls dans la maison familiale. Avides de visites, ils savaient être accueillants autour d'un repas simple mais alléchant. À trois, nous avions des conversations agréables et variées, selon les inclinations de chacun, suivant un rituel informel et relativement immuable.

Un premier temps était consacré à échanger des nouvelles des enfants, de la famille, du travail, puis à discuter autour des questions sociétales du moment. Un peu de politique, un peu d'écologie. Mon père y participait activement, jusqu'au temps de rupture du café qui faisait systématiquement glisser la conversation vers des échanges plus personnels, plus approfondis. Avec ma mère, nous partagions cette prédilection commune pour le registre relationnel-intime. « Je vous laisse parler de psychologie », disait alors mon père en s'éclipsant, peu enclin à aborder le continent des sentiments et émotions. Pour ma part, j'appréciais ces moments de conversation tacitement privée avec celle qui m'a offert la vie, bien que je ne sois pas toujours d'accord avec les orientations qu'elle avait données à la sienne. Je pense en particulier à sa vie de femme et d'épouse, plus soumise-résignée qu'émancipée-joyeuse. Elle me racontait ses réflexions, parfois tourmentées, en faisant confiance à mes capacité d'écoute. Je sentais bien n'être pas le meilleur interlocuteur - parce que trop proche - et il m'est arrivé de lui suggérer qu'il lui serait certainement profitable d'aller voir un "psy". Moi-même ayant longtemps été suivi en thérapie, elle avait pu constater à quel point j'avais su me libérer de nombre de mes carcans. M'émanciper, précisément, en devenant homme plutôt épanoui, serein dans son existence malgré les traces laissées par quelques douloureuses déconvenues sentimentales.

À mes proposition la réponse de ma mère fut systématiquement fuyante : « il est trop tard ». Ajoutant même, une seule fois, « cela remettrait trop de choses en question ». Un aveu par lequel elle reconnaissait ne pas avoir le courage suffisant pour s'affranchir d'une bonne part de ce dont elle se plaignait. Je n'ai pas insisté dans cette direction, un peu déçu tout de même de la voir résignée. Mais, après tout, elle avait fait au mieux de ce qui lui était possible. Elle avait fait les meilleurs choix : ceux dont elle était capable à un moment donné. La fuite est parfois le salut.

Finalement, des années plus tard, elle aura bien été suivie par une "psy"... pour accompagner l'arrivée de sa dégénérescence mentale. À ce moment-là, oui, il était « trop tard »

Je n'ai pas encore l'âge qu'avait ma mère lorsque je lui proposais de faire face à ses difficultés mais, assurément, je ne me sens pas "trop vieux" pour renoncer à la perspective d'un mieux-être. Sauf que les questions d'ordre psychologique n'étant plus dans mes préoccupations, je ne ressen(tai)s nul besoin d'y revenir ! Il aura fallu que cela m'arrive par un chemin détourné, "par hasard", l'an dernier, après avoir voulu en savoir un peu plus sur l'éventuel atypisme de mon mode de pensée. À la fois surpris et rassuré par les résultats, j'ai laissé décanter avant d'aller plus loin. Six moins plus tard j'ai finalement pris rendez vous avec... une "coach", conseillée par celui qui m'avait fait passer les tests. Je ne l'ai fait que pour servir une cause utile : apprendre à défendre mes convictions quant au désastre écologique en cours. Je voulais trouver l'assurance qui me fait défaut dès qu'il s'agit de parler à un public potentiellement critique, voire hostile. Je me sais manquer rapidement de confiance en moi face à certaines personnalités, surtout si elles font preuve d'autorité ou que je leur en attribue une.

Après 6 séances de coaching, durant lesquelles j'ai pu exprimer mes attentes et mes doutes, puis mettre en lien tout ce (et ceux) qui m'importe(ent), je suis parvenu à un résultat éloquent, sous la forme graphique d'un "Arbre de vie" par moi dessiné. Beau et bon, plein de sens. Au terme d'une récapitulation gratifiante de tout ce qui m'était apparu, ont spontanément jailli de ma bouche ces mots improbables : « finalement, je crois que je suis une personne intéressante ». Cette simple phrase, jamais sortie auparavant, balayait avec force les traces de la proposition inverse, qui avait hantée mon adolescence et même le début de mon âge adulte. Étonné de mon audace, je crois que j'en fus ému. Il venait de s'accomplir une petite révolution.

Juste après, madame coach m'a demandé quelles actions j'allais maintenant pouvoir mettre en place pour servir mon objectif. Là, par contre, "quelque chose" s'est interposé. Un verrouillage. Une incapacité à penser. J'ai senti que, quoi que je puisse tenter d'imaginer, il demeure une défaillance dans la confiance que je peux avoir en moi face à des figures d'autorité. La coach a essayé diverses pistes pour contourner l'obstacle mais il n'y a rien eu à faire : quelque chose se montrait bloqué. Me bloquait. J'ai essayé d'analyser ce qui se passait et, en le décrivant, j'ai immédiatement fait le lien avec des zones de haute sensibilité que j'ai identifiées depuis fort longtemps sans pouvoir/vouloir les explorer plus loin. Le jaillissement émotionnel qui m'a submergé était sans équivoque : c'était "intouchable".

La coach a honnêtement reconnu son incapacité à m'accompagner plus loin, alors qu'il était prévu que nous nous revoyions encore une ou deux fois. Elle m'a alors proposé de tenter l'hypnose thérapeutique, pour aller au contact de cet "intouchable". N'y étant pas prêt j'ai laissé passer quelques mois, le temps d'en accepter l'idée. Le temps de m'assurer que ce pourrait effectivement m'être utile d'aller farfouiller dans ces zones tellement sensibles qu'elles me sont toujours restées inaccessibles.

Si je raconte cela ici, alors que j'évite désormais les épanchements intimes, c'est pour solliciter d'éventuels avis. Si toi qui me lis te sens inspiré·e pour partager ton expérience au sujet de l'hypnothérapie, je suis preneur.

 

IMGP7344

 

 

 

Commentaires
U
Bonjour, je suis impressionnée car vous êtes toujours au rendez vous. Bravo
Répondre
K
J'ai eu un suivi il y a un certain temps et lorsque j'ai vraiment commencé à toucher cet "intouchable" dont tu parles, c'est le psy qui n'a pas pu me suivre, probablement parce que lui meme n'était pas en mesure d'aborder son propre intouchable, malgré ses années d'études universitaires dans le domaine. Alors il m'a dit que je faisais une dépression. Dommage ! j'étais sur la bonne voie. Pour ceux qui sont redus à la porte de l'intouchable, un jour ou l'autre il faudra l'aborder,... pour s'en libérer. Je ne connais pas l'hypnose. Si parfois toi tu t'y engages et que tu en ressens des bénéfices, plusieurs pourront en bénéficier ici, dont moi. kéa
Répondre