Un dernier café avec toi
- Voulez-vous un café ?
- Oui, je veux bien, merci.
Elle me laisse quelques instants et je retourne voir ma mère sur son lit, débarassée de ses perfusions et de son masque à oxygène, devenus inutiles. Elle paraît apaisée, tout comme durant cette nuit que j'ai passée à ses côtés. Elle respirait alors calmement, sans bruit, de plus en plus profondément endormie sous l'effet conjugué de la morphine et d'un sédatif.
L'infirmière revient avec le café et me laisse seul dans la chambre. Je reviens auprès de ma mère et lui évoque l'aube naissante, que je vois par la fenêtre sur fond de montagnes enneigées. Le ciel est clair, il fait très beau. Dans les couloirs tout est calme, le monde des vivants ne s'est pas encore réveillé. Je regarde ce jour qui se lève et qu'elle ne verra pas. Je reviens vers elle, lui caresse le visage, lui embrasse le front. « Tu te refroidis, Maman ».
Ce jeudi 10 mars, à 6h15, l'infirmière m'a réveillé « Monsieur... voilà, votre maman est partie ». « Ah ? Oui, merci », fis-je en me redressant. C'était attendu. Et même espéré. Trois quarts d'heure plus tôt je m'étais approché pour vérifier : elle respirait encore. Je songeais déjà à la nouvelle journée de calvaire qu'elle et nous allions peut-être passer, comme la veille.
Depuis quelques jours chacun de nous avait pu passer plusieurs heures avec elle et partager ce moment si particulier avec celles et ceux qui étaient présents. Chacun avait pu lui parler - sans être sûr qu'elle entendait. Elle avait réussi à dire quelques mots, à peine audibles, avant de replonger dans cette sorte de coma, un profond sommeil qui lui maintenait les yeux mi-clos. Nous avions insisté auprès de l'équipe médicale : pas d'acharnement. Là où beaucoup tiennent à ce que la médecine sauve, nous demandions le contraire.
Durant ces quelques jours nous nous sommes relayés auprès d'elle, souvent en nombre. Nous avons parlé, nous avons ri, avons évoqué "l'après" qui déjà se dessinait. Entendait-elle ? Sentait-elle notre présence ? Quelle conscience avait-elle de ce qui se vivait là, elle dont le regard fixe semblait vide ? De rares fois, sortant de son immobilisme à cause d'une respiration manquante, elle a ouvert les yeux en grand, suivant du regard celui ou celle qui lui parlait. Elle semblait alors capter la situation. Elle semblait vivre. Le reste du temps cela ressemblait à la mort en sursis.
[ébauche inachevée]