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Alter et ego (Carnet)
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1 mars 2024

Une question d'importance

Quelle importance le contenu de cet espace d'expression personnelle a t-il pour moi ?  

 

La question s'impose alors que, au moment où j'écris ces lignes, tous les commentaires que j'ai laissés depuis l'origine ont disparu. Pas ceux des centaines de personnes qui se sont exprimées ici : seulement les miens ! La situation pourrait n'être que temporaire, le temps que soit achevée la migration des quelques dizaine (centaines ?) de milliers de blogs antérieurement hébergés par Canalblog, désormais rapatriés sur une autre plateforme d'hébergement et publication

 

Cet espace d'expression, je l'ai ouvert il y a bientôt 19 ans, sans savoir si l'expérience me conviendrait. Assurément ce fut le cas, bien que depuis quelques années une certaine désaffection soit apparue. Aujourd'hui, si ce blog n'existait pas [hypothèse absurde], je ne crois pas que je serais tenté par l'ouverture d'un espace d'expression de ce genre. Cela ne m'est plus nécessaire. Il est cependant là et ce qu'il représente est important à mes yeux. Non pour ce qu'il est encore [fort dispensable] mais pour ce qu'il a été. Je pense en particulier au contenu des échanges de commentaires, qui ont notablement enrichi l'expression initiale de mes réflexions.

 

Certains des sujets que j'explorais, une fois déposés ici, prenaient de l'épaisseur grâce aux éclairages et contrepoints offerts par un lectorat attentif, plus ou moins identifié, généralement assez fidèle quoique se renouvelant au fil des ans. Cette matière-là est, à mon sens, le trésor caché du blog. Pas tout, bien sûr ; il faudrait en extraire les meilleurs filons, les plus belles pépites. C'est un projet que j'avais vaguement à l'esprit et qui s'est récemment ravivé à propos de la démarche qui consiste à imprimer le contenu d'un blog. Dans un de mes derniers billets la question de la conservation des commentaires avait été abordée : que faire de cette masse considérable, elle-même née d'une profusion de billets d'intérêt inégal. La question était restée en suspens...

 

Or, coïncidence, à peu près au même moment, l'hébergeur historique de ce blog adressait un courrier rassurant annonçant la transition des blogs « en douceur ». Ayant antérieurement copié en archive l'intégralité de mes écrits, je n'ai pas vraiment porté attention au courriel. Par mesure de sécurité j'ai quand même voulu garantir la conservation des quelques longs fils de commentaires ayant suivi mes billets explorant les motivations et conséquences du silence au sein d'une relation. J'ai donc illico copié-collé des pages et des pages de commentaires (jusqu'à 600 pages !) qu'il me semblait important de ne pas risquer de perdre. J'avais dans l'idée de continuer ce travail quelque peu fastidieux mais, fort occupé par une formation en cours, j'ai reporté et laissé passer les jours. Jusqu'à ce que je découvre, cette semaine, alerté par une fidèle lectrice, que mon blog était en partie inaccessible. J'ai compris que la "migration" annoncée avait été effectuée.

 

Le lendemain j'ai rapidement été rassuré de constater que l'intégralité du contenu du blog semblait bien avoir été conservée, de même que les précieux commentaires... Sauf les miens, donc ! Je ne peux qu'espérer que ce soit une phase temporaire, la "migration" ayant été annoncée comme devant durer plusieurs jours. Je redoute un peu que la conservation des commentaires des auteurs de blogs n'aient pas été considérées comme étant d'importance capitale [et néanmoins toute relative].

 

Si la correspondance un peu particulière qui s'est échangée au fil de mes publications est définitivement inaccessible... et bien soit. J'accepterai la perte, tout à fait supportable. Je préfèrerais cependant que ce précieux contenu puisse être restauré afin que je puisse - éventuellement - l'explorer un jour et en extraire les meilleures parts.

 

Je ne peux m'empêcher de prolonger un peu la réflexion autour du désir de conservation, ici concernant l'émotionnel-intellectuel. J'ai l'impression que si la plupart des gens considèrent comme normal de conserver des photos de famille ou d'évènements, l'archivage des écrits est moins courant. Moins ouvertement affiché. Probablement parce que cela touche à l'intime... qui est pourtant, à mes yeux, le plus essentiel. Pour ma part j'assimile une part des "correspondances par commentaires", quand elles sont un peu approfondies, à l'approche personnelle, sensible, subjective, projetée qui fait la saveur et l'onctuosité de la rencontre.

 

Je prends conscience, en l'écrivant, que c'est ce que j'ai cherché depuis mes débuts en écriture intime "publique". Bien peu avide de signes superficiels de convivialité j'ai, au contraire, aimé rencontrer l'altérité des ressentis et perceptions. En profondeur, partager, échanger, effleurer l'intimité de l'autre dans le contexte feutré d'une extimité respectueuse, à l'abri des regards trop nombreux. La dimension un peu désuète des blogs, très rapidement et largement supplantés par les voraces et expansifs "réseaux sociaux", a sans doute convenu à l'atmosphère plus confidentielle dont j'avais besoin.

 

C'est la trace de cela que j'ai envie de conserver. Parce que c'était bon.

 

Et parce que j'ai le pressentiment que c'est le reflet d'une époque heureuse qui pourrait ne pas durer.

 

* * *

 

En rédigeant ce texte, j'ai constamment gardé à l'esprit ceux qui, pour diverses raisons tragiques, perdent toute trace matérielle de leur passé.

 

Commentaires
C
Il me semble qu'il y a peu j'ai fait une remarque sur la richesse des commentaires qui accompagnent tes écrits...comme quoi!<br /> C'est une masse d'informations qui constitue ton blog, l'archivage me semblerait quasi-impossible mais bon je te sais tenace et rigoureux alors pourquoi pas ! <br /> Garder trace...toujours et encore pour qui? pourquoi? dans quel but?<br /> Bon dimanche Pierre
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P
C'est tout à fait exact : c'est bien toi qui m'as fait cette remarque et je l'avais trouvée pertinente. En quelque sorte tu validais ainsi la vague impression qui m'habitait. J'avais peut-être besoin d'être conforté dans cette idée.<br /> <br /> Un mauvais coup du sort fait que peu de temps après tout cela a disparu (en attente d'une éventuelle restauration ?).<br /> <br /> L'archivage n'est (n'était ?) assurément pas impossible et je pourrais fort bien m'y employer (lorsque je disposerai d'un peu plus de temps) mais tu rappelles bien les questions que cette éventualité soulève. Face à elles, les notions de "lâcher prise", de"laisser aller" et "d'instant présent" laissent tinter leur musique légère. Elles offrent une voie de simplicité : à quoi bon ?<br /> <br /> D'un autre côté, si l'on résonne en termes d'utilité, nombre de nos actions, de nos réalisations, de nos créations, de nos rencontres, de nos voyages, pourraient se voir opposer ce "à quoi bon ?". Mais finalement, l'instant présent, n'est-ce pas une succession de sensations, d'émotions, de perceptions, de fulgurances qui n'ont d'autre "utilité" que nous permettre de nous sentir exister ?<br /> <br /> Les réponses aux questions que tu soulèves pourraient se résumer ainsi : est-ce que faire un travail d'archivage (et donc de sélection) m'apporterait satisfaction ? Est-ce qu'il pourrait, de quelque façon que ce soit, "nourrir" quelqu'un d'autre que moi ? Fondamentalement, pour moi, tout est là : est-ce que cela me permettrait de partager des sensations, des émotions ?<br /> <br /> Merci de m'inspirer, Calamity, et bonne semaine à toi.
J
Merci Pierre pour tes précieuses précisions ! <br /> <br /> PS Ta dernière phrase me parle : "En rédigeant ce texte, j'ai constamment gardé à l'esprit ceux qui, pour diverses raisons tragiques, perdent toute trace matérielle de leur passé."<br /> Tragiques ou autres...<br /> C'est tout pour aujourd'hui ☺️
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P
Il y a aussi toutes les personnes qui n'ont jamais eu de traces matérielles de leur passé. Ni écrits, ni photos, ni maison... ni parents, parfois. Et tous les exilés qui n'ont pas eu d'autre choix que de tout laisser sans se retourner.<br /> <br /> J'ai des préoccupations de privilégié :/
J
Coucou Pierre,<br /> Merci pour ta longue réponse, je suis honorée 😊<br /> Quant au silence, fais-en bon usage ; juste tiens-nous au courant :)<br /> Petite indiscrétion : on peut aisément s'en douter que foison d'échanges aussi riches qu'ici, mais de vive-voix, ont pû enrichir ton réel. Comment gérés tu leurs traces, leurs éphémèrité ? <br /> Bonjour dimanche.<br /> Julie
Répondre
P
Les échanges oraux ont évidemment leur particularité et leur puissance : fluidité, instantanéité, spontanéité (avec tout ce que cela offre d'inattendu). Ils permettent surtout une perception intuitive de ce qui émane de l'autre à travers le non-verbal (regards, intonation de voix). De cela il ne reste aucune trace tangible, seulement la perception émotionnelle. Et c'est énorme. Irremplaçable.<br /> <br /> L'écrit offre une complémentarité : davantage de réflexion, la possibilité d'être plus précis, peut-être plus juste. Mais il y a aussi l'autocensure... L'avantage de l'écrit c'est qu'il fixe l'instant, du moins pour sa partie transcrite. D'une certaine façon l'écrit reste une base "fiable" alors que le souvenir des échanges oraux évolue dans le temps.<br /> <br /> Donc, pour répondre à ta question, il m'arrive de garder trace de certains échanges oraux en... les restituant par écrit (forcément partiellement, et en les déformant inévitablement). De façon moins directe je sais que s'incorpore dans ma pensée ce qui s'est élaboré dans des échanges oraux et cela constitue un amalgame de perceptions qui s'actualisent à chaque sollicitation.
J
"Bon" dimanche 😀
J
Bonjour, Pierre :)<br /> Je compatis sincèrement à la disparition (l'espère provisoire) de tes réponses aux commentaires. Le cas échéant, ça va être un véritable casse-tête pour toi de trouver le pourquoi d'une telle réaction, remarque etc, lorsque plusieurs interventions provenant de la même personne s'enchaînent :)<br /> <br /> 600 pages ?! Impressionnant comme le silence peut engendrer des mots... :)<br /> <br /> Bon courage, et agréable weekend quand-même.<br /> Bises Pierre,<br /> Julie
Répondre
P
Bonjour Julie<br /> <br /> Tu parles du silence qui peut engendrer des mots et cela m'a instantanément fait penser à une formulation : « Un silence qui fait parler », titre que j'avais donné à un de mes billets il y a exactement neuf ans, repris d'un commentaire de lectrice, déjà : http://alteretego.canalblog.com/archives/2015/03/01/31614609.html<br /> <br /> Dans ce texte de 2015 j'analysais l'étonnante suite de commentaires suscitée par le billet initial, daté de 2006. C'est dire la longévité du sujet ! Et son intemporalité. Et peut-être son universalité.<br /> <br /> Un texte qui a entraîné plus de 600 commentaires (près de 1000 si je compte les miens) sur une durée de 10 ans, est en soi un objet hors-norme. C'est ce qui m'amène à penser que je peux peut-être en extraire quelque chose d'intéressant, sous une forme à définir, indépendamment de ce journal. <br /> <br /> Quant aux autres suites de commentaires, si elles devaient être définitivement privées de mes propres contributions, il serait frustrant de ne pas pouvoir reconstituer ce qui manque. Ce serait comme disposer d'une correspondance à laquelle il manque la moitié des lettres échangées ;)<br /> <br /> Belle journée à toi, Julie.