Éclats de vie
Entre le 25 avril et le 13 mai, soit 18 jours calendaires, je n’aurai travaillé que 3 jours au bureau et 3 demi-journées à distance, chez moi. Cela représente, sur la période, un jour sur quatre consacré au labeur rémunéré. C’est peu. L’immixtion de 3 jours fériés s’ajoutant aux 3,5 jours de repos par semaine que m’octroie une retraite progressive a produit cet appréciable résultat.
J’ai donc disposé d’un temps libre conséquent. De quoi me donner un avant-goût de ce que pourrait être mon rythme de vie si je cessais totalement de travailler. Depuis un an que j’ai atteint l’âge de « faire valoir mes droits à la retraite », je reporte ma décision. Je crois qu’il ne se passe pas une semaine sans que je ne réévalue le choix : j’arrête… ou je continue ? Quitter le monde professionnel et la dynamique qu’il entretient… ou poursuivre encore, tant que je trouve plaisir dans le travail d’équipe et ses défis stimulants ? Accessoirement, et ça compte, tant que j’empile les trimestres j’augmente le montant de ma future pension. Mais viendra un moment où cet enjeu ne pèsera plus dans la balance : j’aurais suffisamment de revenus pour couvrir mes dépenses. À quoi bon gagner davantage ?
Durant ces 18 jours j’ai effectué un bref séjour en Normandie (responsabilités associatives), reçu mes enfants et leurs familles (plantation de patates pour le potager familial), passé du temps avec une de mes petites-filles (parents en vadrouille), jardiné, photographié, lu… et passé pas mal de temps dans l’écriture et la lecture autobiographique. Sans compter les moments passés « à ne rien faire » : repos méditatifs, balades contemplatives, pensées papillonnantes. Et, bien sûr, j’ai continué à suivre ce que j’appelle « la marche du monde », qui boite notablement. Bref : malgré un surcroît de temps libre, j’aurais bien su l’utiliser si j’en avais eu davantage.
Pour le moment j’ai annoncé que je ne quitterai pas mon poste avant janvier 2025, mais que je pourrais encore ajouter un an selon l’intérêt que j’y trouve. Et surtout si je sens les valeurs portées par mon employeur en accord avec les miennes. Car j’ai aujourd’hui le luxe du choix : si je ne me retrouve pas dans des valeurs qui m’importent, je me sens libre de partir. Sans conséquence aucune.
Il y a toutefois une dimension que j’ajouterais bien aux considérations financières et aux valeurs éthiques : le relationnel. Et là je pense en particulier à certaines de mes collègues féminines, avec qui les échanges se colorent souvent d’un plaisir auquel je suis sensible. Le jour où je « prendrai ma retraite » je perdrai le plaisir des brèves discussions impromptues, souvent régénérantes et à même de faire pétiller ma journée. Moments de connivence, sourires généreux, regards complices, silhouettes émoustillantes… tout cela je ne l’aurai plus. Et quand on a, comme moi, le plaisir et la liberté de vivre seul, ce genre d’éclats de vie pourrait bien être un des ingrédients qui me manqueront.
Mais je saurai bien trouver d'autres sources de satisfaction...