Non-dits
Je parle souvent du silence des non-dits. Je me demande si, en dehors de la situation particulière que j'évoque ici, je n'ai pas été marqué par le silence. Je crois que j'ai appris à me taire, faute de pouvoir exprimer ce que je ressentais. J'ai compris qu'en étant silencieux, en évitant d'exister, j'étais protégé de la maltraitance exercée par mon père...
C'est un peu caricatural parce que je n'étais pas un enfant taciturne. Seulement discret. C'est en entrant dans l'adolescence que je suis devenu "effacé", très timide et introverti. En écrivant abondamment ici, et devant autant de regards, je prends une sorte de revanche.
Je crois que je n'ai jamais évoqué mon enfance ici. Pourtant je crois savoir que certaines choses s'y sont nouées. Je le sens de l'intérieur et lorsque certaines émotions me submergent, mais ne sais pas encore de quoi il s'agit. Quelque chose en moi se serait cassé, de l'ordre de l'élan de vie, de la créativité, de la spontanéité. Toutes choses que je ne sais pas vraiment vivre et que j'essaie de faire naître fort tardivement, avec d'énormes difficultés. Tout cela est bridé, mais je ne sais pas par quoi. Tant que je n'aurai pas trouvé, une injonction inconsciente me retiendra. Mais une autre traquera les origines de ce frein, pour tenter de le faire sauter.
Ailleurs c'est Samantdi qui évoque son enfance et le silence qui aura entouré une part de ses origines. Elle redonne la parole à la petite fille qu'elle était, elle cherche à mettre des mots sur le silence et les non-dits.
Ils sont terribles ces non-dits. Ils expriment quelque chose que l'on capte, mais comme si c'était une langue étrangère. Un expression muette et incompréhensible auquel on ne peut donner de sens. Et pourtant, quelque chose passe...
Il y a peu une spécialiste me disait qu'on considère que le langage non-verbal représente 60 % de l'expression. Davantage que le contenu du message. Les jeunes enfants sentent très bien ce langage là, qui a été la première forme d'expression à laquelle ils ont donné un sens. Ou plutôt, c'est le sens qui s'est fondé sur ce langage-là. Ce n'est qu'en grandissant qu'on élabore, puis privilégie le sens littéral. On se déconnecte peu à peu de cette expression spontanée, bien qu'on la perçoive toujours. Et c'est lorsque verbal et non-verbal ne concordent pas qu'on sent bien que quelque chose ne va pas. Il y a dissonnance, parfois non perçue par celui qui croit s'exprimer selon les seuls mots qu'il prononce.
De plus en plus je cherche à me mettre à l'écoute de ce langage. Autant en moi qu'avec autrui. C'est loin d'être évident...
Et euh... l'écrit ne m'y aide pas beaucoup.