1000 euros
« - Monsieur est ouvrier et il gagne 1300 euros par mois. Sa compagne est sans emploi. Leur apport personnel est de 10.000 euros et ils empruntent 88.000 euros sur une durée de 25 ans...
- Ils n'ont pas cherché à négocier le prix ?
- Si, mais pas de négociation ! On ne va pas négocier pour 1000 ou 2000 euros... »
L'homme qui lit l'énoncé du compromis de vente est agent immobilier. Si pour lui 1000 ou 2000 euros c'est pas grand chose, c'est quand même environ un mois de salaire de l'ouvrier ! Mais ça n'avait pas l'air de lui poser des problèmes de conscience, à l'agent immobilier. Lui il empoche ses 8000 euros de commission. Soit six mois du salaire de l'ouvrier. Ou, autrement dit : l'ouvrier aura bossé pendant six mois pour faire tourner la boutique de l'agent immobilier. C'est aussi 80% de l'apport personnel du jeune couple, qui a économisé pendant combien de temps pour réunir cette somme ? Sur le coup je n'ai pas réagi, mais tout ça ne me semble pas très moral...
Normalement ces 8000 euros étaient censés permettre une certaine "marge de manoeuvre" pour la négociation. Et nous, vendeurs naïfs, ça nous semblait être judicieux. Bon, si les acheteurs étaient manifestement aisés, je ne me serais pas posé davantage de questions. Après tout, mieux le bien est vendu et plus on gagne d'argent. Mais là... je ne me sentais pas très à l'aise.
Moi je suis le vendeur, avec Futurex. Nous non plus on a pas beaucoup de sous, mais justement, on sait que c'est pas facile de ne pas en avoir...
Faire de l'argent sur le dos des autres, c'est pas un métier que je pourrais faire. S'il est normal que la prestation de l'agent immobilier soit rémunérée, il y a peut-être certaines données humaines qui pourraient entrer en ligne de compte. Ne serait-ce que faire "un geste"...
D'ailleurs, c'est peut-être pour ça que j'ai toujours eu une difficulté à vendre le résultat de mon travail. Si je ne le vends pas assez cher j'ai l'impression de me minimiser, et si je le vends bien... j'ai l'impression d'être un voleur. Je ferais volontiers des prix à la tête du client [ou plutôt l'épaisseur du portefeuille], si je pouvais ! Et le pire c'est que c'est parfois ceux qui ont le plus d'aisance financière qui me demandent des réductions, alors que je retire péniblement des revenus bien moindres que les leurs...
Non, décidément, je ne suis pas à l'aise dans mon rapport avec l'argent.