Amitié: des âmes mises autour de soi
Une de mes amies, connue sur un forum il y a quelques années et rencontrée en face à face (rien ne remplace le face à face pour créer un lien authentique qui s'ancre en profondeur), a expédié un mail collectif pour exposer la situation difficile dans laquelle elle se trouve. Les réponses n'ont pas trainé, chacun ayant apporté ses réflexions comme autant de pistes à explorer. Je ne connais pas toutes ces personnes, confidentes de mon amie, mais j'ai parfois longuement correspondu avec certains d'entre-elles. Je connais leur capacité à se poser des questions pour avancer, à être attentif à l'autre, à se responsabiliser. De belles personnalités, à la fois franches et authentiques, respectueuses des différences même si parfois des désaccords importants nous ont mis à distance. Il y a même eu de grosses colères réciproques (oui, je sais parfois me mettre en colère...). De la part de ces personnes vis à vis de notre amie commune j'ai senti une empathie, une solidarité, une humanité. Ce cercle constituant "la garde rapprochée" de mon amie, selon l'expression d'un des intervenants.
J'ai été touché à plus d'un titre par ces échanges, qui se poursuivent depuis trois jours. D'abord par la confiance que nous faisait cette amie. En exposant quelque chose de fort concernant le devenir de son couple, elle offre d'elle une part infiniment précieuse: son intimité. Tant dans ses sentiments que dans ses espoirs, ses fragilités, ses attentes, elle s'est mise à nu devant nous. La nudité de l'âme, ce n'est pas rien ! Pour moi c'est toujours émouvant.
J'ai aussi été sensible à ces présences qui se sont manifestées pour venir en aide auprès de celle qui en a besoin et l'exprime. Avec beaucoup de respect et d'attention dans les réponses, chacun ayant le souci de ne pas être "conseilleur", sans non plus minimiser les ressentis, sans dire « c'est pas si grave ! ». Non, il s'agissait d'une vraie écoute et de propositions... à suivre ou à laisser. Il se trouve que les personnes qui ont répondu ont, pour celles que je connais, eu à affronter des situations de couple difficiles, souvent dans la douleur (on ne peut l'éviter...). Ce qui leur donne un recul et une humilité que j'apprécie. Avec aussi toujours la lueur d'un avenir qui redeviendra apaisé. Ni déprime, ni fatalisme, ni résignation. Non: le lâcher prise comme première solution, la reconstruction ensuite. Se protéger de ce qui fait souffrir. Se préserver.
Mais je ne vais pas me lancer ici dans un traité relationnel à l'usage des personnes de bonne volonté. Des spécialistes le font fort bien et, de toutes façons, chacun ne l'apprend que par l'expérience et le "travail" sur soi.
Non, ce qui me fait évoquer cela c'est l'idée d'amitié et de solidarité, à laquelle je suis particulièrement sensible. Le hasard des circonstances fait que, pas plus tard que le week-end dernier, j'y ait fait appel pour un aspect beaucoup plus matérialiste: un coup de main. Depuis plusieurs jours je travaillais par intermittence à vider l'incroyable fatras d'objets accumulés dans une vieille grange que nous (ma future-ex et moi) vendons. Au rythme où ça allait il y en avait pour des semaines. Ou au minimum une semaine de boulot à plein temps. Alors on a appellé à la rescousse quelques couples de copains-famille pour une journée de nettoyage. Plusieurs d'entre eux ont répondu à l'appel, accompagnés de quelques uns de leurs ados.
Tout le monde a retroussé les manches (façon de parler, vu la météo superbe d'un retour d'été...) et à plongé dans la poussière (façon de parler aussi...). Vingt-quatre bras ça abat un travail considérable ! En trois ou quatre heures on avait vidé, jeté, rangé, déplacé, nettoyé. Du bon boulot efficace. Et sympathiquement puisque chacun pouvait discuter entre les nuages de poussière. Le repas s'est fait dans le jardin, à une grande tablée, autour d'un repas préparé la veille conjointement par Futurex et moi.
Mais ce que j'ai trouvé amusant, et dont je me demande si cela tient vraiment du hasard, c'est que chaque personne présente était seule représentante de son couple. Ce qui veut dire que chacun d'eux est venu "en célibataire", attitude suffisamment inhabituelle pour que je la remarque. Ironie, nous étions donc, avec Futurex, le seul "couple", aussi séparé soit-il. En outre, chaque représentant des demi-couples était celui que nous connaissions avec le plus d'ancienneté. C'est à dire des amis d'adolescence, connus chacun de notre côté avant notre mariage. Le premier cercle, les vétérans, les fidèles d'entre les fidèles. La "garde rapprochée", en quelque sorte, réunie ici parce que notre "couple" partage encore quelque chose en commun.
Alors je me suis rendu compte que les conjoints d'amis restent souvent "pièces rapportées": amis parce que conjoints. L'implication affective reste généralement moindre. J'en viens à me demander quels liens demeureraient si ces couples, à leur tour, se séparaient. Finalement, l'amitié est peut-être plus souvent circonstancielle que ce que j'imaginais. Et l'amitié entre couples probablement largement bâtie sur des liens conjoncturels à l'illusoire pérennité.
