Il ne dépend que de moi...
Woufff, quel claque ! Un commentaire de Plume m'a saisi au réveil, faisant surgir en un instant tout ce que je m'efforce d'apaiser. Secouage salutaire. J'aime...
Ainsi je n'échapperai pas à ce que je dois approfondir. Je ne demande pas mieux ! Ce n'est pas dans le silence et la retenue que je pourrai avancer. J'ai besoin, et envie, d'échange variés avec des personnes venues d'horizons divers. Hormis les amitiés proches, qui connaissent beaucoup de moi, il y a aussi le partage avec ces inconnus qui s'expriment librement en ignorant mon histoire. J'apprécie ce regard, en apparence "neutre". La confrontation à votre altérité, lecteurs qui vous exprimez, est un accompagnement vers ce que j'ai à découvrir de moi. La réflexion en solitaire est nécessaire, mais ne vaut que lorsqu'elle s'exprime. A quoi bon garder en moi ce que je découvre ? A quoi bon le découvrir si je ne le partage pas ? Je crois que l'appropriation de soi se fait dans le partage.
Alors, sûr d'aimer toujours ?
Non.
Oui.
Toujours n'existe pas davantage que jamais. Ce sont deux concepts absolus, donc inatteignables. La seule chose que je puisse dire, en accord avec Socrate, c'est que je ne sais pas. Je ne sais pas si l'amour peut durer toujours ou bien s'il ne dure jamais toujours. Et personne ne peut être sûr de l'un ou de l'autre sans se leurrer lui-même. Ce redoutable déterminisme semble, hélas, fréquent.
Ce que je sais, en revanche, c'est que je suis libre de mes choix. Libre de croire que l'amour peut durer toujours, ou qu'au contraire il ne dure jamais. Je suis un être doué de raison et à ce titre je peux choisir le sens que je donne à mon existence. Je peux donc choisir de consacrer mon énergie à des causes en lesquelles je crois. Ce peut être l'amour.
Je peux décider, non pas d'aimer toujours, mais de faire en sorte d'aimer toujours. L'un est passif, l'autre est actif. Or je ne vois pas l'amour passif très porteur de sens...
Inversement je peux aussi décider que l'amour ne dure jamais, ou que cet amour-là n'est pas pour moi, que je n'en veux pas, ou ne m'en sens pas capable, ou pas digne. Ce sont des choix, généralement peu conscients, voire totalement inconscients. Ils conduisent à la réalisation d'autoprophéties : en agissant ainsi je me débrouille pour que ma vie corresponde à ce en quoi je crois. Ou autrement dit: « la vie me donne ce que j'attend d'elle ». Pour le meilleur ou le pire, je suis l'acteur du destin que je me choisis. Vertigineux, non ?
Alors, "amour toujours" n'existerait pas ?
Aimer, on le sait, est un mot vague aux significations multiples. De quel amour parlons-nous dans ce "toujours" ? Du sentiment amoureux, c'est à dire de cet "amour" passif qui nous "tombe dessus", qui peut fluctuer, aller et venir, naître et disparaître. En fait il s'agit là davantage de désir de partage que d'amour. Aussi beau et merveilleux puisse t-il être, il est quand même assez "bête": il s'impose, nous prend et nous emporte sans qu'on n'y puisse rien. Il a quelque chose de primitif, d'animal, bien qu'adapté à notre humanité: il a une large part de cérébral pour envelopper le pulsionnel.
Compter sur le toujours de cet amour serait irresponsable et très naïf. Je ne pense pas que quiconque y croit sérieusement, passé l'adolescence, même si la plupart d'entre nous en rêvent tout en s'en défendant. On aimerait y croire... Mais on sait bien que le désir et les sentiments se nourrissent, se travaillent, demandent qu'on y consacre de l'énergie et du temps. Cet amour désirant s'entretient. Il ne va pas de soi, il demande des efforts. Et c'est là que se situe le choix de la durée.
Jusqu'où entretenir l'amour amoureux ? Jusqu'à quand y croire ?
Si l'amour est un choix, il recquiert une volonté. Et celle-ci dépend de la persévérance, de la capacité à résister aux aléas et forces contraires. Accepter la différence de l'autre est un défi. La capacité à croire en soi, en l'autre, et surtout en un "nous" est posée comme fondations et évolue avec le parcours de vie.
L'amour amoureux demande une énergie et celle-ci n'est pas inépuisable. C'est une ressource renouvelable... à condition d'être nourrie en retour de façon équivalente. On ne donne pas indéfiniment sans s'assécher, mais on ne reçoit pas en excès sans être noyé. Dans les deux cas on y perd le désir, ce fragile équilibre entre manque et satisfaction. Trop ou pas assez, ce n'est qu'une appréciation subjective, la marque d'un décalage dans les attentes. L'amour amoureux est avant tout fondé sur le principe de désir conjoint, sous forme de réciprocité, qui est la forme la plus subtile de communication.
Sans cette communication intime, l'énergie qui conduit vers l'autre vient à manquer.
L'amour en meurt.
Vraiment ?
Je crois qu'il existe une autre forme d'amour: celle du don désintéressé. Aimer l'autre pour ce qu'il est, quel qu'il soit. Aussi différent soit-il de moi. Cet amour là est d'un autre registre puisqu'il n'attend pas de retour, ni d'être nourri autrement que par la paix ressentie à aimer ainsi. Il se nourrit de lui-même. De ce qu'il offre. Il va de l'intérieur vers l'extérieur.
Et puisqu'il n'a besoin de rien, que sa source est en lui-même, qu'il résulte d'un choix et d'une progression spirituelle, je crois que cet amour peut durer toujours. Même si parfois il ne peut, ni ne doit s'exprimer.
C'est aussi le plus difficile à atteindre, parce qu'il ne dépend que de soi.
[PS: c'est quand même vachement mieux quand l'amour est réciproque, hein !!!]