Responsable mais pas coupable
On se souvient de cette formule rendue célèbres par Georgina Dufoix lors du scandale du sang contaminé. Pour ma part c'était la première fois que je faisais attention à cette distinction entre deux concepts parfois confondus et pourtant fondamentalement différents.
Comme il en a été question dans les commentaires de mon texte précédent, je suis allé voir ce que je trouvais à ce sujet sur le net.
Wikipedia pose les bases:
« Le terme culpabilité possède deux sens différents selon qu'on l'envisage sur le terrain juridique ou psychanalytique.
En droit la culpabilité est un état déterminé à l'issue d'un jugement porté sur le comportement d'une personne.
En psychologie ou en psychanalyse la culpabilité est un sentiment qui affecte un sujet que cette celui-ci soit justifié ou non. On distingue le sentiment de culpabilité conscient du sentiment de culpabilité inconscient.»
Je crois qu'il y a déjà là de quoi réfléchir sur l'association qui est souvent faite entre culpabilité et faute, concept issu du droit.
Ensuite, dans la culpabilité qui se développe au sein des relations interpersonnelles, il apparait bien cette distinction entre sentiment conscient et sentiment inconscient. On peut se croire dégagé de toute culpabilité, par une construction de l'esprit, tout en agissant sous l'influence d'une culpabilité refoulée.
Sur le toujours intéressant Redpsy, on trouve une autre distinction: la "bonne" et la "mauvaise" culpabilité.
La saine culpabilité serait « l'expérience que je vis quand je pose délibérément un geste qui est en désaccord avec mes valeurs. »
L'autre forme, appellée "culpabilité-camouflage" serait « un déguisement de mon refus d'assumer mes propres désirs, sentiments ou choix. »
Dans le premier cas elle sert à comprendre que « l'action que j'ai posée a créé un déséquilibre en moi. Ce déséquilibre consiste essentiellement en un désaccord avec moi. La culpabilité m'indique donc que j'ai été infidèle à moi-même dans une situation où j'avais le choix d'être fidèle à moi. »
Dans le second, elle sert à « me donner bonne conscience et contrôler la réaction de l'autre. Elle est pernicieuse parce c'est un subterfuge pour éviter de s'assumer. »
La première est utile est constructive, tandis que la seconde produit les effets inverses. Voila peut-être une explication à quelques malentendus sur le sujet.
Il y a tellement de mots importants qui ont des sens multiples...
Enfin, on peut aller plus loin en lisant sur psycho-ressources ce que des psychologues et philosophes en ont dit. On y découvre que la culpabilité appartient, selon la psychanalyse, aux fondements de la construction de la pensée... et en lien direct avec l'amour sous sa forme la plus primitive (nourrisson avec sa mère). Autrement dit : on n'est pas prêt de l'évacuer de soi !
On peut constater que les théories de Winnicot et Mélanie Klein sont tout à fait éclairantes à ce sujet, et expliquent tout ce qui se joue ultérieurement dans toute relation à l'autre, et notamment dans le lien amoureux.
Parmi toutes les intéressantes contributions, je retiendrai celle de Engel et Ferguson « quand une personne ne se sent pas capable de faire quelque chose, elle se sent coupable de son incapacité. Inversement, lorsqu'elle se sent coupable, cela la rend souvent incapable d'agir. »
Pour finir, je laisse la parole à Spinoza (qui la mérite cent fois plus que moi...): « C'est ce sentiment [de culpabilité] qui provoque la prise en charge de soi par soi (la responsabilité). »
Et voila, entre culpabilité et responsabilité, la boucle est bouclée...