Internet, une affaire de séduction ?
Dans les remous de notre rencontre relatée à 18 mains, est venue sur quelques blogs l'idée des rapports de séduction qui se produisent par l'écriture. Je ne parle pas là de la séduction au sens classique, tendance fantasme derrière l'écran (quoique...), mais de la séduction au sens le plus large.
L'écriture personnelle proposée à un public est-elle une démarche de séduction ? « J'écris d'abord pour moi » lit-on souvent. Mouais... d'abord pour soi... mais devant les autres.
Ce sont bien ces autres qui font que l'on écrit en ligne. Et si ce n'est pas clairement défini au départ, très rapidement, dès le premier lecteur ou le premier commentaire, on écrit aussi pour l'autre. Pas que pour l'autre, pas que pour séduire par les mots ou les idées, mais aussi pour cela. A tel point qu'on ne sait plus très bien qui, du lecteur ou de l'écrivant, est le premier destinataire.
A l'instant où je pose ces mots... c'est évidemment le lectorat qui me guide. Sinon je me garderai tout ça dans ma p'tite tête. J'estime donc avoir quelque chose de suffisamment intéressant [bonjour la modestie !] à écrire pour y passer du temps. La contrepartie étant que j'espère intéresser... et recevoir quelques échos favorable me le confirmant.
Ainsi mon égo avide de reconnaissance sera content : mes idées auront intéressé quelques personnes. Je pourrais même me payer le luxe d'imaginer que certains ont lu, apprécié, mais n'en ont rien dit... [waow, les fantasmes à fond !]
Mais là n'était pas mon propos [notez les effets de style, évidente démarche de séduction].
Euh... mon propos était donc... [nouvel effet de style, visant à pourfendre l'effet précédent]
Bon, t'accouches ! [hi hi, la palette des effets est étendue...]
Hé oh ! tu fais chier avec tes effets [on ne s'en lasse pas...]
Ahem... revenons à notre sujet : la séduction par blog interposé.
Une question était posée dans un commentaire de blogami : « mais qu'est-ce qu'on cherche tous sur internet ? ». Vaste sujet, n'est-il pas ?
Pourquoi passe t-on autant de temps à lire, écrire, commenter, communiquer avec des inconnus qu'on ne renc... qu'on finit parfois par rencontrer ? Qu'est-ce qu'on trouve dans ces rapports dématérialisés, "hors la vie"... et pourtant tellement "vivants" de l'intérieur ? Pourquoi se lie/lit t-on avec des gens qui habitent parfois à l'autre bout de la planète [choisir plus près, de préférence...] alors qu'on n'a pas la même proximité avec nos plus proches ? Parfois même nos conjoint ?
Serait-on dans une démarche partagée de séduction, s'entrelisant, s'entre-encourageant, s'entre-comprenant, s'entre-appréciant ? En l'autre ne trouvons-nous pas une part d'alter ego [tiens tiens...] qui nous plaît et à qui nous plaisons ? Ces affinités, parfois très poussées, ne sont-elles pas fondées sur une séduction mutuelle. Tu me plais, je te plais, continuons. Non, sans aller jusqu'aux rapports amoureux, bien que... on sait très bien que cela peut rapidement y mener. Ah, le plaisir inneffable de se sentir apprécié par qui on apprécie...
Ce qui m'amène à revenir sur ces présences dans nos vies, qui comptent parfois beaucoup. Et qui peuvent inquiéter, à plus ou moins juste titre, les conjoints. Quels sont ces rapports d'affinité et d'intimité que nous entretenons à l'insu de ceux-ci ? Et finalement, que devient la notion d'intimité lorsqu'on communique sur internet dans le registre personnel ?
Je pose ces questions du haut de mon expérience, après que mon couple ait éclaté consécutivement à ce genre d'échanges [hééé voui cette invention du diable a réussi son coup...]. D'autres se les posent alors que le couple n'est pas menacé... parce que la discrétion est de mise. Comment réagiraient nombre de conjoints s'ils savaient la nature des échanges, les sujets abordés ? Bien souvent cette "séduction" qui peut exister entre nous est devenue habituelle. Nos intimités sont dévoilées avec aisance, bien davantage que nous ne le ferions avec des "proches". Curieuse inversion des notions de proximité et de distance, entre présence physique et murmures internautiques.
Il semble que bien souvent internet est considéré comme étant un jardin secret. On y rencontre des personnes considérées par le néophyte comme "virtuelles", donc pas vraiment manaçantes en dehors de quelques fantasmes anxieux (celui du pervers cherchant à tromper de jeunes ingénues pour les trucider). Vite balayés d'un revers de manche par l'internaute intimiste : « non sur internet on rencontre de vrais gens, avec de vrais échanges !». Il n'empêche que ces "relations virtuelles" intriguent un peu. Entre les amitiés lointaines, sans danger, et les confidences qui peuvent mener aux rencontres... il n'est pas forcément aisé de comprendre ce qui se passe pour qui ne pratique pas. On peut vite passer du clan de blogueurs, genre de famille avec qui on est en contact quotidien par blog interposé, à une sorte d'adultère à domicile. Le flou concernant la définition dudit adultère étant avantageux... tant qu'on ne demande pas à son conjoint ce qu'il en pense. Or on sait bien, ou devrait savoir, que celui qui décide des limites de l'infidélité est celui qui s'en sent victime...
Bon, j'élucubre tout ça mais moi je ne suis plus concerné : libre séduction pour les célibataires !
Et finalement, c'était peut-être cette liberté que je recherchais lorsque j'entretenais des liens très proches avec mes amitiés d'internet. Liberté d'échanger avec qui me plaît, dans le registre qui me plaît, et aussi loin qu'il est conjointement désiré. Séduction illimitée... peut-être pour me plaire à moi-même et vivre au plus près de ce que je suis ? À la rencontre de l'autre, qui me révèle à moi-même. Aimez-moi pour que je m'aime...
Et si c'était soi-même que l'on cherche sur internet ?
Sur le même genre de sujet, et ayant inspiré ma prose, voir les rebonds de Pati et les rencontres blogosphériennes d'Alainx