Oser... et s'imposer ?
Ce qu'on pourrait appeler "le hasard" m'a fait un petit clin d'œil, voire m'a donné un bon coup de coude ! « Hééé, réveille-toi ! ». La proposition inattendue de m'engager un peu plus fermement dans l'univers de la photographie "publique" a ravivé une sorte de rêve tenace qui demeurait en latence : oser proposer mes photos. Croire suffisamment en moi, et en ce que je fais, pour "prendre une place". Pas si simple, pour moi, de me dire « j'aime bien faire ça, je crois que je peux apporter un regard singulier, j'ai envie de prendre une place... alors je la prends ! ». Et pourtant il n'y a pas d'autre chemin possible : un jour il faut oser se lancer.
S'agit-il de croire en soi, de suivre ses envies, de braver la modestie, d'affronter la peur de l'échec ? Sans doute un peu de tout ça...
Ouais, pas vraiment spontanée la confiance en mes capacités ou éventuels "talents"...
Il y a une vingtaine d'années j'ai tenté une première expo, dans mon village. Mes photos avaient eu un certain succès et j'en avais vendu suffisamment pour me rembourser des frais engagés. Pourtant j'en suis resté là. Faute de temps, faute d'énergie, faute d'audace. Faute de culot, aussi. Je crois qu'on ne prend pas une place sans un certain culot. Cela demande d'avoir suffisamment confiance en soi...
Mais peut-être ai-je eu d'autres engagements, devenus prioritaires ? J'étais jeune père de famille, donc ayant autre chose à vivre...
Pendant ces années de vie familiale il m'est arrivé d'avoir de vagues projets, que je n'ai pas réalisés. Pour les mêmes raisons que celles évoquées à propos de la photo : il faut du temps et de l'énergie pour s'engager dans un projet et le mener à son terme. Parfois il faut de l'argent aussi, ou la promesse que le projet en rapportera.
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?!
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Euh... en y réfléchissant bien je devrais parler de projets que, jusque là, je n'ai pas encore réalisés. Car rien ne dit que je ne le ferai pas un jour. Le moment venu.
Parce que si je regarde en arrière je constate que j'ai réalisé pas mal de projets auxquels je tenais vraiment. Des aventures parfois audacieuses, et même un peu folles. Des trucs assez insensés au vu de l'énergie et du temps que cela pouvait demander. Je pense notamment à mon grand projet qui exigeait engagement, persévérance et... fidélité. Non non, je ne parle pas de l'aventure conjugale et familiale mais d'une réalisation, l'œuvre d'une vie, devrais-je dire, qui, normalement, perdurera bien après ma mort et celle de mes enfants. À l'échelle de la vie des arbres. C'est le fruit de ma première passion [que j'évoque de façon sibylline dans un souci d'anonymat].
Il y a aussi eu, dans un domaine d'activité directement en lien avec cette passion, la création de ma petite entreprise [j'en étais le patron et unique employé...]. Première reconversion, après avoir passé le diplôme nécessaire par correspondance. J'avais alors une trentaine d'années et une sacrée motivation. Quinze ans plus tard, ayant acquis une notoriété microcosmique mais n'en vivant pas, je cessais : fatigué mais comblé. J'étais allé au bout de ce rêve. Au bout de ce qui m'avait intéressé dans ce rêve : être capable de sa réussite. Assurément ce n'était pas pour la réussite économique, ni la notoriété. Pourtant ces deux-là m'ont parfois attiré, mais pas suffisamment pour que j'engage les efforts et compromissions que cela demande. Je n'ai pas surfé sur la vague qui, à un moment donné, aurait pu me porter. Je crois que j'avais perçu que cette forme de "reconnaissance" par les autres, fondée sur le paraître, ne comblerait pas celle que je n'ai jamais vraiment osé m'accorder...
Aaaaah, la reconnaissance ! Quand celle-ci a fait défaut dans la jeunesse, il est long et difficile d'acquérir plus tard la précieuse estime de soi...
Oui, il y a avait sans doute un besoin de reconnaissance parmi les moteurs d'avancement. J'avais envie d'être "connu" et je me souviens du petit orgueil que j'ai ressenti lorsque le nom de mon entreprise a commencé à être cité dans la presse spécialisée, puis reconnu par les professionnels et les connaisseurs; lorsque j'ai été considéré comme spécialiste du domaine que j'avais choisi; lorsque j'ai pu entrer sur un salon censé sélectionner "l'élite de la profession", considéré comme le must et rendant admiratifs nombre de ceux qui exerçaient le même métier que moi. Ou lorsqu'une équipe est venue faire un reportage télé pendant une journée pour une émission qui s'intitulait "Côté jardin". Mes enfants se sont régalés à revisionner un nombre incalculable de fois la cassette de l'émission qui m'avait été envoyée...
Ouais, bon, je ne nierai pas que tout ça m'a fait plaisir. C'est flatteur. Mais cultiver cela, non. J'en ai trop vu qui avaient la tête enflée parce que la presse s'intéressait à eux, citant complaisamment parmi leurs client quelques vedettes... D'ailleurs je n'ai pas été de ceux qui appellent tout leur entourage pour dire « regarde, je passe à la télé ! ». Et là, rien que d'étaler devant vous ce petit palmarès me gêne un peu...
Mais tout cela est loin maintenant : il y a quelques années, plus ou moins aiguillé par les circonstances de la vie, j'ai décidé de changer de métier. D'aller vers les autres. J'ai entrepris une reconversion, payée de ma poche, et dans quelques mois, si tout se passe bien, je serai prêt à prendre ces nouvelles fonctions. Là encore, un sacré projet de vie ! J'ai suivi mes aspirations profondes.
En quittant mon métier je suis redevenu un "anonyme", repartant quasiment de zéro au point de vue reconnaissance. Le contraste a été décapant au début, quand j'alternais entre ma fin d'activité et le nouveau travail. Je passais d'une ambiance friquée et snob au bas-fonds de l'échelle sociale, effectuant avec les salariés en insertion que j'encadrais des tâches aussi exaltantes que ramasser les détritus sur le bord des routes ou vider les caves encombrées des rebuts de la société de consommation. Woufff, j'ai parfois eu du mal...
Mais j'y trouve mon compte. D'abord parce que je travaille aussi dans des lieux naturels, ce qui me plaît beaucoup. Ensuite parce que ce passage obligé m'a ouvert à d'autres horizons, m'a laissé le temps de me reconstruire. Et de financer ma reconversion !
En fait, quand j'y songe... je me dis que ce que je voulais vraiment, je l'ai réalisé ! Parfois avec du temps, beaucoup de temps, mais j'y suis parvenu. Comme s'il fallait ce temps de maturation, de gestation. Jusqu'au moment où je me sens prêt. Quand les circonstances sont favorables.
Alors je me dis que d'autres projets en latence depuis longtemps verront peut-être le jour le moment venu. Photo, écriture, voyages... il ne tient qu'à moi de les réaliser. Finalement, c'est assez grisant ! Me dire qu'il ne dépend que de moi de vivre mes envies. Ça m'oblige aussi à préciser ces envies, établir des priorités.
Bon... cette petite rétrospective, dont je concède la tonalité complaisamment narcissique, m'aura fait prendre conscience que j'ai peut-être de quoi avoir confiance en mes capacités...
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Pour finir je vais vous dire ce qui a suscité ce billet-bilan : j'ai reçu hier le mail d'un photographe qui, lui aussi, voudrait venir prendre des photos chez moi ! Si si, j'vous jure ! Et sans aucun lien avec la demande évoquée dans mon précédent billet !!! [le "hasard" doublé me donne là carrément un bon coup de pied au derrière...]. Or il se trouve que ce photographe s'est spécialisé dans un des domaines que j'affectionne : les écorces. Il a parcouru le monde [mon rêve...] et publié un livre qui, apparemment, est un franc succès ["Écorces", je ne met pas de lien vers son site mais Google vous aiguillera]. Bel ouvrage que j'avais feuilleté en librairie en pensant que l'auteur avait réalisé, lui, ce que je n'avais jamais osé faire. Ou autrement dit : il m'avait piqué mon idée ! [non, je ne suis absolument pas jaloux ni envieux !!!]. Bref, il avait osé prendre une place inoccupée...
Il a eu bien raison : « l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt », me disait mon papa. Lui qui n'a jamais osé lancer le magasin de bricolage de ses rêves, à l'époque où ça n'existait pas en France. Il était certain que c'était promis à un grand avenir après avoir découvert cette nouvelle forme de commerce aux États-Unis au début des années 60. Messieurs Castor*m* et L*roy-M*rlin, eux, ont osé...
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Éclosion
(Magnolia 'Léonard Messel')