Je m'excuse de te demander pardon...
Excuses, regrets, pardon, culpabilité, honnêteté, franchise... voila de quoi il a été question dans les quelques commentaires qui ont suivi le petit accrochage que j'ai relaté ici. L'ensemble que forme ces termes entre en forte résonnance avec mon vécu personnel et mes pensées du moment. Je n'imaginais pas que mon laïus sur le texte de Coumarine, de suite en suite, m'amènerait sur ce terrain sensible. Et je suis certain que l'abbé Pierre y pensait encore moins en s'exprimant sur sa sexualité !
Sujet sensible parce que ces notions, plus ou moins liées, me rappellent des correspondances fort intéressantes que j'avais eues avec ma partenaire amoureuse, il y a quelques années. Hélas nous ne les avons pas suffisamment approfondies... et cette lacune devait se révéler, je le réalise depuis quelques temps, extrêmement lourde de conséquences. Le hasard (synchronicité) à fait que j'ai retrouvé tout à l'heure dans mes archives une de ces conversations. Avec le recul il est assez hallucinant qu'on ne soit pratiquement jamais revenu sur un sujet aussi fondamental pour une relation de couple. Car lorque chacun n'appréhende pas ces notions de la même façon, des décalages invisibles, mais radicaux, peuvent mener à des incompréhensions totales selon l'importance et le sens accordé aux excuses, au regrets ou au pardon.
En fait tout dépend de la façon dont on considère l'erreur: une faute ou un moyen d'avancer. La notion de faute amène vite à celle de culpabilité, et ça c'est a priori à éviter. Cependant l'erreur, même quand elle est constructive pour celui qui l'a commise, peut avoir des conséquences sur l'entourage. A ce moment là je considère qu'il est nécessaire de signifier un regret. Celui de faire porter sur l'autre mes propres tâtonnements, et non pas celui de m'être trompé. En matière relationnelle mes erreurs touchent aussi l'autre.
Je crois que c'est sur cette subtilité que se jouent énormément de choses. « Je ne regrette pas mon erreur, mais je regrette qu'elle ait pesée sur toi ». Tandis que se limiter à la première partie de la phrase passerait aisément pour un égoïsme dur, si ce n'est de l'arrogance...
Le risque des regrets, excuses, et pardons, que j'avais évoqué ultérieurement avec ma partenaire, c'est qu'ils peuvent encourager à la récidive: je fais une erreur, je me fais pardonner... et je peux recommencer. C'est un abus possible, mais généralement dans un rapport de confiance l'erreur sert justement d'apprentissage et, normalement, ne se répète pas. Je n'imagine pas recevoir une nouvelle fois un courrier critiquant mon manque de réponse à des mails...
L'autre inconvénient du pardon, c'est que celui qui le donne bénéficie d'un pouvoir (temporaire) d'absolution. De son bon plaisir dépend la levée de la culpabilité de celui qui présente ses excuses. Si là aussi il peut y avoir des abus... je les imagine mal dans un rapport de respect mutuel.
La culpabilité s'associe souvent à l'erreur, et pourtant je ne suis pas coupable de mes erreurs. Je les fais parce que je n'ai pas su faire autrement. En les faisant j'apprends. Nous sommes tous faillibles et cette culpabilité-là est donc inutile, voire parasite. Cependant refuser obstinément la culpabilité me semble être une dérive à éviter. Il est nécessaire que je me sente coupable du mal que je peux faire à autrui. C'est une maladresse dans le respect qui lui est dû. Faute excusable si je la reconnais, si j'en regrette les effets.
Et c'est là qu'il y a, ou non, le "courage" dont il a été question dans les commentaires: exprimer des regrets, acte d'humilité, pour une faute dont je reconnais qu'elle porte préjudice à l'autre. Qu'il sache s'en protéger ou non est une autre affaire dont je n'ai pas à préjuger. Le minimum est bien de présenter des excuses. Ce n'est pas si fréquent...
Présenter mes excuses, c'est aussi faire confiance à l'autre et lui donner les moyens de pardonner plutôt que de garder le poids de ce que je lui ai fait porter. Dans l'exemple qui a suscité ce billet, en acceptant les excuses qui m'étaient présentées j'ai pu rétablir l'équilibre de "l'erreur" qui avait pesé sur moi en créant un certain malaise. Et les deux protagonistes peuvent continuer leur route légers... et rapprochés de cette confiance mutuelle échangée.
[Oui, je sais, on dirait un prêche religieux...]
Dans le cas contraire lorsque je me trouve confronté à des gens qui ne reconnaissent pas qu'ils ont pu faire porter sur moi une part de leur mal-être existentiel, je porte durablement ce déséquilibre. C'est une charge, elle entrave mon avancement, traîne comme un boulet pesant et me fait zigzaguer sur ma route. Parce que je ne comprends pas, ou que cela réactive des souffrances, ou génère une culpabilité dont j'ignore le sens. Et parce que je ne suis pas assez fort pour dépasser cela, je leur en veux et la confiance en est atteinte. C'est le genre de lien pollué qui peut exister avec des parents "sourds", par exemple, ou toute personne qui ne veut pas revenir sur un passé qui ferait ressortir ce genre de choses. Il est là aussi le courage, pas si naturel et évident qu'il devrait l'être.
J'espère que ce texte n'est pas trop confus mais il m'a été difficile de poser ces mots dans un ordre cohérent. C'est un peu en vrac et pas vraiment développé, mais je ne peux pas explorer plus loin maintenant...