Souvenirs présents
Petite promenade fraîche, ce matin. Les -20° dans un air très sec étaient parfaitement supportables. Vivifiants. Il est rare que le thermomètre descende aussi bas, même dans ma région de montagne. Je sais ainsi que me sentir bien avec quelqu'un avec qui je partage le plaisir de la rencontre est ce qui me procure les plus grands bonheurs. Je sais aussi que c'est la part éphémère et exceptionnelle de ces bonheurs qui en fait toute la préciosité. En totale contradiction avec mon aspiration à faire durer l'instant...
La neige a crissé sous les pas, sèche et poudreuse, déjà cristallisée en surface. Autant de facettes qui renvoient l'éclat du soleil en scintillant. Comme bien souvent j'étais seul à me promener dans les chemins blanc et sous les arbres cotonnés. Nulle trace ne me précédait.
Immanquablement ce genre de froid sec sur la neige me rappelle mon séjour à Montréal, il y a bientôt deux ans. C'est avec un doux plaisir que je retrouve ces souvenirs qui restent très vivaces dans ma mémoire. Mes sens manifestent leur réminiscence intrinsèque: le froid sur les joues, l'odeur de la neige, la couleur du gel... J'ai comme un sourire en laissant revenir des pastilles de ces moments magiques. Je les suce lentement et elles continuent à me délivrer leur saveur amoureuse. Ce n'est pas de la nostalgie, mais du passé qui dure dans le présent. Avec elle je savais que je vivais des moments d'éternité, et c'est bien ainsi qu'il se sont inscrits dans ma mémoire vivante. Ils restent présents en abondance, s'éveillent avec les stimuli adéquats, et le temps n'a guère d'emprise sur eux.
C'est curieux comme certains souvenirs s'incrustent en détail dans la mémoire, alors que tant d'autres ne durent guère au delà de leur vécu. Sans doute parce que les premiers correspondent à quelque chose de particulièrement sensible, en correspondance profonde avec l'essence de ce que je suis. Heureux ou douloureux, ils sont indicateurs de ce qui me touche et m'émeut.