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Alter et ego (Carnet)
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11 mars 2006

Militante !

Le vendredi soir voit revenir les enfants étudiants, avec les nouvelles de leur "vie d'ailleurs". Je suis donc allé chercher ma fille à la gare, encore toute émoustillée par sa semaine. Ce ne sont pas ses études qui l'avaient mis dans cet état d'excitation, mais le mouvement étudiant contre le très controversé CPE (Contrat Premier Emploi). Ma fille s'est sérieusement impliquée, participant aux manifs' géantes et autres "sit in" au milieu des avenues, bloquant les universités dès l'aube, participant aux Assemblées générales ou réunions nocturnes, et occupant même les locaux en dormant dans un amphi. Il paraît qu'on la vue à la télé et une copine lui a dit qu'elle était en photo dans le journal, bien reconnaissable grâce à sa grande écharpe orange.
Elle est donc revenue pleine d'enthousiasme, ma belle jeune fille, les yeux brillants, remontée à bloc contre le gouvernement, avec des idées pour changer les choses [voire le monde...] plein la tête. Ça me faisait vraiment plaisir de la voir tellement engagée dans son idée...

Bon, moi, vieux con un peu ringard [c'est moi qui le dit, pas elle] je me suis bêtement empressé de lui dire que ça n'allait pas être aussi simple que ça. Que les discours syndicalistes étaient quand même simplificateures et utopistes, que les lois économiques, la mondialisation, bla bla... J'ai senti que j'étais un peu contrariant et casse-moral avec ma résignation. Je la voyais déçue, ébranlée, émue. Alors je me suis ressaisi et l'ai encouragée à persévérer dans son idée. Que de toutes façons ce n'était qu'en se mobilisant que les choses pourraient changer.

Hum... je me suis senti "vieux".


Dans ma jeunesse je ne me suis jamais engagé dans aucun militantisme. Je n'ai d'ailleurs pas le souvenir qu'il ait existé de grands mouvements étudiants à l'époque où... je n'étais pas étudiant. Je n'ai jamais fréquenté les bancs de l'université. Et de toutes façons, à ce moment-là, je n'avais aucune conscience politique. Mouais, c'est un peu triste quand j'y pense... Je n'ai pas eu ces grands élans, ces désirs de changer le monde. Déjà résigné d'avance. Ce n'est que très tardivement que je me suis ouvert au monde qui m'entoure. Et encore... je ne vois les choses que de loin. Issu d'un milieu privilégié, fréquentant des amis du même milieu, habitant à la campagne, je n'ai longtemps eu connaissance des difficultés économiques que par ce que les médias en disaient. C'est à dire une version lointaine, aseptisée, tronquée, parfois orientée. Je reste peu conscient de la réalité palpable, de la misère, des injustices. Peut-être par manque de courage, ou par sensiblerie. C'est presque un autre monde, abstrait, que... ben je n'ai pas très envie de voir. Comportement de fuite. C'est plus facile de simplement vaguement savoir que ça existe...
En même temps... il est vrai que cet "autre monde" est loin du mien: je n'habite pas en ville, y vais rarement, et ce n'est pas derrière les facades des centre ville que je saurai ce qui se passe dans des zones plus défavorisées. Alors quoi ? M'engager dans des actions bénévoles à caractère social. Toucher les difficultés du doigt. J'avoue que ça me fait un peu peur. Car c'est aussi le monde que j'ai fui.

Pourtant je suis loin de disposer d'une aisance financière. Avec trois enfants, le salaire de fonctionnaire de ma future ex, et mes revenus propres qui sont largement inférieurs au SMIC (Salaire Minimal), c'est quand même pas glorieux pour faire vivre une famille. Mais mon statut, choisi, fait que je ne peux rien revendiquer. Je ne suis pas salarié, dépendant du bon vouloir de mes clients et de la conjoncture économique ainsi que des très impondérables aléas climatiques. Beaucoup de variables que je ne maîtrise pas. La sécurité de l'emploi, je ne connais pas. Et je n'ai pas droit aux allocations de chômage, puisque je ne suis pas salarié.
Alors il est vrai que lorsque j'entends que des jeunes exigent de disposer dès la sortie de leurs études de la sécurité de l'emploi... ben ça me chiffonne quand même un peu. Je trouve que ça manque un peu d'audace et de goût du risque. Je vois une demande de sécurité et de garanties dont, en tant que créateur d'entreprise, je n'ai pas bénéficié. Moi si je me plante, il n'y aura personne pour me ramasser.
Quand j'entendais ma fille répéter un discours sur les patrons exploiteurs et profiteurs, je tentais de relativiser en rappellant que pour une immense majorité de petites entreprises c'est quand même le patron qui prend les risques, qui ose, qui entreprend. Pas le salarié... Certes il y a aussi des groupes tentaculaires qui sont basés sur le profit et pour qui le salarié n'est qu'une variable d'ajustement. Il y a bien une exploitation de main d'oeuvre, avec toutes les dérives que l'on sait. Je ne maîtrise pas suffisamment ces sujets pour aller très loin, mais j'avoue être un peu surpris par une certaine frilosité de cette jeunesse qui, par ailleurs, ne se pose pas la question de la liberté de démission du salarié. Problème négligeable pour une grande entreprise, il l'est nettement moins quand un jeune formé par son patron le quitte sans état d'âme.

Je me méfie de tout manichéisme, et j'avoue que certaines généralisations sur le « pauv' salarié exploité par cet enfoiré de patron profiteur » me semblent parfois manquer d'un minimum d'objectivité. Ceci dit, je n'accepte pas non plus le principe d'une économie qui négligerait l'aspect social. En fait, c'est peut être cette dualité qui fait que je n'ai jamais été militant: cela demande une détermination et des certitudes [oserais-je parler d'aveuglement...] que je n'ai sans doute pas. A vouloir comprendre tous les points de vue, il devient très difficile d'être catégorique dans ses convictions. Même si, par ailleurs, je sais très bien que ce n'est pas le doute qui fait avancer les choses...

Bref, voila qui explique pourquoi je me consacre à d'autres formes de rapport à l'humain, pour lesquels je me sens d'avantage de compétences et de "certitudes".

Commentaires
B
Tu sais quoi?..."Le fruit ne tombe jamais loin de l'arbre!"...<br /> <br /> :))
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L
Ben...moi non plus...si ce n'est de leur remonter le moral en espérant que la chance sera de leur côté. <br /> L'important est d'être au bon endroit au bon moment avec le bon bagage...<br /> Pas facile...
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I
Lablonde, ce que tu décris pourrait être l'avenir de mes enfants dans peu de temps...<br /> <br /> CDI, CDD, CPE... je ne suis pas certain que ça change grand chose au marché de l'emploi. C'est à un autre niveau qu'il faudrait envisager les changements. Le problème n'est pas que dans la forme du contrat de travail...<br /> <br /> Tout à fait d'accord avec toi sur la difficulté de créer son entreprise. Ce n'est pas, loin de là, une solution miracle. Je ne pense pas non plus que ce soit facilement envisageable sans expérience...<br /> <br /> Euh... j'avoue que je n'ai pas de solution ;o)
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L
Mes deux filles cherchent un emploi. L'une d'elle a trouvé un job dans un bar réputé d'Uriage les bains. Elle a un CDI de deux ans (sic). Mon autre fille cherche désespéremment un job aussi, mais rien de très sérieux comme propositions. AH, pour faire des photos, elle est contactée très souvent par des chercheurs de têtes...pardon de corps et même à des heures assez tardives, son téléphone sonne. <br /> Alors la désillusion est très grande même pour des diplômés qui ont l'impression d'être rejetés de cette société qui est la leur tout autant que la notre. Heureusement que j'ai un CDI pour pouvoir encore les assumer. <br /> Pour créer une entreprise, encore faut-il qu'il existe quelques fonds "derrière" afin de démarrer dans de bonne conditions sans risquer la faillite un an plus tard. Pas facile la vie pour nos jeunes...
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I
Riri, je ne pense pas que la recherche du CDI corresponde vraiment au goût du risque ;o)<br /> <br /> Mais je comprends bien que ce goût-là ne soit pas pour tout le monde, voire même être perçu comme un luxe.<br /> Je n'ai pas dit que j'adhérais au principe très contestable du CPE, mais que certains des arguments avancés ne me semblaient pas forcément pertinents. Tu connais mon goût immodéré pour les nuances et les entre-deux. Tout blanc ou tout noir, pauv' salariés contre vilains patrons, ça n'a jamais été mon truc (pas davantage que l'inverse). <br /> Et les allocations chômage ne sont pas un privilège, mais un droit dont ne bénéficient pas certaines catégories professionnelles qui, en contrepartie, ont une liberté d'action. Sécurité ou risque, on est un peu obligé de choisir...<br /> <br /> Je sais bien que nous vivons dans un monde de brutes et que les salariés ne sont pas du bon côté du manche, donc ont besoin d'être protégés de la précarité.<br /> <br /> Salut à toi, chère et nécessaire contestatrice
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R
Le goût de l'aventure ? arf ! Se faire lourder sans explication parce qu'on arrive au bout des 2 ans fatidiques... et qu'un paquet d'autres attendent derrière la porte de vivre la même expérience. Je rêve mieux comme aventure ;o)<br /> <br /> Je ne crois pas que les jeunes "exigent" quoi que ce soi n'étant pas en position de le faire. Le maintien du droit existant ne serait pas du luxe ou un privilège comme on nous le répète à l'envi.<br /> <br /> La période d'essai existe déjà, pourquoi la rendre si longue ? D'autant que l'étape suivante sera sûrement ce que dit Alainx, pourquoi seulement les jeunes après tout ?<br /> <br /> En fait il faudrait qu'on accepte sans rien dire que si on ne nous embauche pas c'est que c'est bien trop dur de nous virer après et ça n'a même plus l'air de choquer parce que bon "les lois économiques tout ça".<br /> <br /> Blague à part, la différence fondamentale que je vois entre le salarié et toi, c'est qu'il n'est aux commandes de rien, mais subira aussi les conséquences de l'échec de l'entreprise. Et même pas toujours besoin d'échec d'ailleurs... Si avec ça les allocs chômage c'est un privilège, ben OK que tous les entrepreneurs malheureux deviennent salariés, ils vivront des aventures pleines de rebondissements en toute sécurité !<br /> <br /> Tu vois je ne t'oublie pas :o)
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I
Chat fou, tu interviens rarement, mais généralement j'aime beaucoup ce que tu dis...<br /> <br /> Tout à fait d'accord avec l'aspect informatif et brassage d'idées suscités par la contestation. Elle oblige à la remise en question, réactive le sens critique, fait "bouger" les mentalités.<br /> <br /> Quant au côté "rebellion", je crois efectivement que c'est parce que j'ai appris un certain sens critique à mes enfants, qu'ils le poussent plus loin que moi et m'entraînent dans leur sillage. Et, à ma façon, j'ai sans doute été récemment du côté du refus des conventions. Ce qui n'a pas du tout déplu à mes enfants, qui cherchent à stimuler mon côté "rebelle" dans d'autres domaines que l'action politique.
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C
Et autre chose : n'oublie pas que tu donnes toi-même une image de la rebellion, peut-être même une image satisfaisante pour tes enfants. <br /> <br /> Malgré tes côtés "oui mais" "c'st pas tout à fait" et tes doutes, les décisions que tu as prises, tes choix, c'est du revendicatif. Sache écouter ce reflet filial de toi-même, qui va plus vite...
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C
Par la voie militante passe une forme d'information et de rapport au monde. Pas seulement de révolte...<br /> <br /> Il circule, dans les manifs, occupations, des infos et des connaissances. DEs choses qui passent pas dans les médias. Soit parce que c'est trop personnel, soit parce que c'est un discours qui ne cadre pas avec la pseudo-objectivité des médias.<br /> <br /> Le rapport au monde, c'st justement ressentir, dans l'action, des sentiment, et s'apercevoir que cette sphére n'est pas comprises par les proches, les gens, la télé... Ca apprend un certaine distance critique.
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I
Alainx, disons que dans la révolte certaines raisons ou arguments me paraissent justifiés, d'autres moins...<br /> <br /> Rainette, les risques de dérives il y en a effectivement toujours, de quelque côté que ce soit.
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