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Alter et ego (Carnet)
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12 mai 2006

Amour étranger

Coumarine évoquait récemment une ancienne amitié, brisée nette le jour où elle a compris que celle qu'elle aimait (que ce soit amour ou amitié importe peu) était très différente de ce qu'elle croyait.
De mon côté mes textes ont souvent pour trame deux relations résolument déterminantes dans mon existence, ou les sentiments d'amitié et amour sont étroitement imbriqués. Deux femmes aimées de façon différente. Les complications dues aux imbrications de sentiments auront été des périodes difficiles de mon existence, quoique particulièrement riches d'enseignements sur ce que serait un amour vrai.

Comme dans le texte de Coumarine, ces deux femmes je croyais les connaître intimement. Pourtant elles se sont révélées, en certaines circonstances exceptionnelles, fort différentes de ce que je croyais. Au point d'être comme des étrangères: méconnaissables. Cela s'est produit avec mon épouse, lorsqu'elle était en grande souffrance à cause du changement que j'induisais dans l'équilibre du couple. Ben oui: j'en aimais aussi une autre. Pas facile à vivre pour elle... A ce moment-là elle m'a rejeté, s'est montré d'une grande froideur dont je ne l'aurais jamais crue capable. Une personnalité inconnue. Pourtant elle était simplement "elle-même", mais avait besoin de prendre une grande distance avec moi, par qui elle souffrait. J'étais devenu son involontaire bourreau... et elle me le rendait bien.

Il s'est produit le même genre de renversement avec mon amie de coeur, mon amoureuse, ma complice. Elle est subitement, quasiment du jour au lendemain, devenue "une autre". Une étrangère, une inconnue. Et pourtant elle-même. Ce furent des réactions similaires à celles de mon épouse: besoin de distance, froideur, puis rejet face à mon insistance. Il n'est pas très compliqué d'en déduire que j'étais devenu indésirable. Celui par qui elle ressentait souffrance ou mal-être, quelles qu'en soient les raisons.

Et moi... et bien je pense que je leur suis devenu "étranger", successivement, avec des comportements inattendus issus de mon propre mal-être.

Lorsque l'autre se montre "étranger", il présente une autre face, qui n'est pas celle que l'on a choisie. Le coté répulsif des polarités aimantées...

Il devient alors très difficile de trouver des points de contact entre deux personnes que soudain tout oppose. Le langage peut se révèler être un vecteur inefficace, le mode de fonctionnement de la pensée se montre incompatible, les réactions de chacun enveniment la situation sans que ce soit souhaité. Plus rien de fonctionne.

Ne reste qu'une incompréhension abasourdie face à cet inconnu(e) autrefois si proche, cet alter devenu si lointain de mon ego, si différent. Parfois quelque chose se casse, définitivement.

Nombre de couples, ou de relations de grande amitié, ne peuvent surmonter un tel déchirement de la relation. Les tensions deviennent telles que l'éparpillement est inévitable. Chacun se replie sur soi avec la tentation du rejet de l'autre. L'égo redevient le plus fort, question de survie. L'alter passe après... C'est parfois la seule manière de résister.

S'ouvrir au ressenti de l'autre n'est pas toujours possible.

Cette double expérience de fortes tensions m'a permis de mieux intégrer le fait que toute forme d'agressivité, de rejet, d'exclusion, signe une souffrance, l'autre étant perçu comme dangereux pour le "moi". Voire hostile, destructeur. Ce n'est pas de l'ordre du raisonnable, ça vient du plus profond de soi, généralement mû par une sorte de réflexe inconscient de survie. Pour tenir face à ce genre de comportement il faut avoir une grande confiance en soi, ou un recul suffisant. C'est ce que font les professionnels de l'écoute, formés à ne pas absorber le mal-être d'autrui. Ce n'est pas forcément à la portée de l'humain lambda. Car l'agressivité de l'autre induit un réflexe de défense... alors qu'il faudrait percevoir que ce n'est que la traduction violente d'un profond tourment.

Depuis que j'ai compris ça, j'ai beaucoup d'indulgence envers tout comportement apparemment "incompréhensible". Devant toute forme d'agressivité, de fuite, de colère, d'égoïsme. Sauf si je fais partie de la problématique... car c'est alors mon égo insuffisamment construit qui réagit face à cette expression de la souffrance. L'affectif est plus fort que la raison. Tant que le travail sur soi n'est pas suffisamment poussé, c'est l'affectif qui submerge l'intellect.

C'est assez frustrant de m'en rendre compte, mais c'est aussi une forte motivation pour poursuivre mon travail sur moi-même. J'aimerais avoir cette tranquille assurance, cette profonde confiance qui fait que je pourrais voir le mal-être de l'autre sans l'absorber. Y être plus attentif pour éviter de réagir de travers...

Commentaires
A
".... un recul suffisant. C'est ce que font les professionnels de l'écoute, formés à ne pas absorber le mal-être d'autrui"<br /> <br /> Le professionel est alors en situation... professionnelle... Sa distance aidante est une attitude pro (apprise, acquise et fruit de son propre travail perso), mais dans sa vie personnelle, le professionnel... est comme tout le monde... avec les souffrances affectives de sa vie ordinaire.<br /> On ne se réveille pas un beau matin "zen-pour-la-vie"...<br /> Simplement on peut peut être affronter un peu mieux et probablement "souffrir moins longtemps"...
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T
repli sur soi : "réflexe inconscient de survie", de protection, oui, c'est ainsi que je l'ai vécu moi aussi...
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