Je crois que j'ai longtemps attendu avec un espoir inaltéré que l'amour puisse être la rencontre de deux intimités soudées dans une sorte de confiance que je rêvais absolue. Un espace unique de partage dans une confiance/sincérité la plus poussée. Et bien que j'ai assimilé depuis quelques années que rechercher cette "fusion" était une erreur, et plus encore de vouloir la faire durer, j'en étais arrivé à croire à une sorte de symbiose temporaire, sous forme libre. Des moments de partage émotionnel, de confidences, entrecoupés de temps de liberté individuelle. Chacun chez soi, menant une vie autonome, et se retrouvant dans une zone de confiance. Un cocon protecteur dans lequel se ressourcer. Ainsi, pensais-je, l'état amoureux et désirant pourraient durer...

Je l'ai vécu, j'ai tenté de le faire durer, et je sais ce qu'il en coûte lorsque les illusions tombent.

Aujourd'hui je crois que non seulement cette notion de confiance durable est une bombe à retardement, mais aussi que la recherche de sincérité maximale pourrait bien être une redoutable fausse piste. Je suis convaincu que chercher à faire durer l'état amoureux est le ferment même de sa destruction. Il ne peut durer que de lui-même... L'amour, en revanche, peut davantage durer, parce que c'est un acte largement volontaire. L'amour se travaille.

Si la symbiose, la confiance, la sincérité, peuvent bien exister, et sont les fondements même de l'amour au sens amoureux-désirant, je crois qu'il ne faut les prendre que pour ce qu'ils sont au présent. L'état amoureux est là, à un certain instant, mais peut disparaître demain. Ce n'est pas un état stable. Il n'est aucunement garanti à longue durée de vie.

En fait, qu'ont vraiment en commun l'état amoureux et l'amour ? Sont-ils si proches qu'on pourrait le croire ?


Si je m'imagine désirer, désormais, je n'ai aucune envie de quelque idée d'engagement que ce soit. Peut-être parce que je me suis déjà "engagé" en amour par ailleurs...
Je ne sais pas de quelle façon je vais pouvoir maintenant "aimer" (désirer ?), alors que j'aspire toujours à la communion des esprits et à cette confiance qui fait qu'une forme d'abandon mutuel apparaît. Abandon des défenses, intimité offerte des émotions et des corps...
Pour le moment je ne crois plus vraiment en la confiance durable. Et surtout pas durant l'état amoureux. Ou plutôt... je n'ai plus envie de la donner. C'est un domaine bien trop sensible que le don de soi pour en confier l'avenir sans une très longue approche, et des preuves que seul le temps peut offrir. Je me sens devenu excessivement prudent. Je n'ai plus aucune envie de me faire prendre par mes propres illusions. Mes vieux rêves de confiance amoureuse sont éteints et je veillerai à ce qu'ils ne se rallument pas...

La confiance n'existe qu'au présent, et davantage dans l'amitié et l'amour vrai que dans l'état amoureux. Alors peut-on quand même construire quelque chose en sachant que le chantier peut être interrompu à tout moment ? Ai-je seulement confiance en moi, en ma capacité de faire durer ? J'ai envie d'aimer, mais au présent. J'ai envie de partage d'intimité, de désir, mais seulement parce que ce sera là à cet instant. Ne pas m'attacher. Ne plus m'attacher...
Il paraît qu'on dit tous ça après une déception amoureuse... et puis qu'on s'y laisse prendre encore.

Se peut-il qu'un idéaliste tel que je le reste ait pu prendre autant de recul ? Serais-je devenu un de ces hommes qui refusent de s'engager ? Oui. Et je n'ai envie de partager qu'avec des femmes qui auraient le même recul. Se protéger. Ne plus me brûler... et ne brûler personne.

Je ne me sens pas amer en disant cela. En fait je sens que je tends vers une autre façon de vivre l'amour que celle en laquelle j'ai toujours cru. D'une certaine façon ça peut paraître triste d'avoir ainsi perdu mes illusions, mes rêves. D'être à ce point désabusé. J'y vois au contraire une liberté, et une incitation à la rencontre de l'altérité. Aller vers l'autre sans la crainte de perdre. Ne plus redouter la trahison ni l'abandon. Aimer et partager en adultes responsables plutôt que dans une attitude immature de protection mutuelle. Être adulte c'est être seul. Aimer en responsable c'est aimer "seul"... mutuellement. Aimer pour soi. Presque égoïstement. Et pourtant, aimer c'est aussi le don de soi. Oui, le don, mais au présent seulement. Je te donne maintenant parce que je t'aime maintenant. La notion de temps est indissociable de l'état amoureux.

J'ai l'impression de ne faire qu'effleurer une philosophie de l'amour que je ne pouvais comprendre auparavant. Je crois surtout que l'amour et l'état amoureux ont finalement bien moins de points communs que je ne l'imaginais.

Réflexion à suivre...

soir

Ce soir, au dessus de la mer de nuages