Au coeur de l'intimité
Je ne vois pas souvent parler de sexe dans la blogosphère que je fréquente (certes restreinte...). Et quand il en est question, c'est sous une forme assez distanciée. Coumarine y est allé franchement en parlant de son vagin... C'est audacieux.
Donc je vais parler de mon pénis... oups non... de ma sexualité.
Phase 1 - Les bases
Je fais partie d'une génération tardive de coincés-pudiques et ne sors que péniblement de ce carcan, même s'il est passablement moins serré que pour la précédente. Pour les plus jeunes ça semble infiniment plus simple, comme en témoignent certains blogs très "libérés".
Ce qui suscite ma réflexion dans le texte de Coumarine, ce sont les quelques lignes où elle parle de la nécessaire guidance du partenaire masculin, généralement peu au fait de ce qu'est le plaisir féminin. Ben oui, hein... on fonctionne pas vraiment pareil, hommes et femmes. Et ce n'est pas à l'école qu'on nous enseigne ce genre de choses. Pour ma part j'ai appris "sur le tas" euh non, cette expression ne va pas, là... disons "en autodidacte". Au feeling, selon les réactions de mon unique partenaire d'alors et les représentations que j'avais intégré. Sans beaucoup de mots. Ça a donné ce que ça pouvait.
Je crois que j'ai toujours ressenti une curiosité frustrée de ne pas pouvoir "capter" le plaisir féminin dans son essence. A tel point que j'y ai souvent été attentif davantage qu'au mien. Mais peut-être était-ce une forme de négation de mon corps et de mes désirs...
Auparavant il y avait pour moi l'amour d'un côté, le sexe de l'autre. Avec le désir entre les deux, sans que je cherche trop à savoir s'il était désir amoureux ("pur") ou désir sexuel ("sale"). Par éducation je refoulais, voire rejetais, le désir sexuel. Sauf quand, pulsionnel, il trouvait un écho semblable chez ma partenaire. Mais le désir amoureux, en dehors de ces rares élans, était devenu insuffisant. La plupart du temps j'attendais donc que le rapprochement intime par la pensée "autorise" le désir sexuel. Ce qui fait que la sexualité de notre couple demandait souvent certaines conditions pour la mise en oeuvre, même si techniquement c'était ensuite tout à fait satisfaisant.
Techniquement... mais pas forcément sensuellement, ni émotionnellement, ni transcendentalement. Ni fréquemment, d'ailleurs... [faut-il s'en étonner ?]
Avec le recul je me rends bien compte que tout ça a manqué de simplicité, mais aussi de dialogue et de connivence, ou même simplement d'instructions [y'a un mode d'emploi individualisé ?]. Seulement pour ça il faut connaître son fonctionnement intime, d'une part, et oser en parler, d'autre part. Deux choses pas simples quand les deux partenaires considèrent la sexualité comme vaguement honteuse et coupable, malgré un désir d'envoyer ballader toutes ces conneries. Pas simple non plus pour quelqu'un comme moi, qui ne savait pas entendre ses émotions spontanées (langage "du coeur"). Il faut enfin une grande confiance (en soi et réciproque) pour oser aborder "ces choses-là". Exprimer précisément ses désirs, ses plaisirs, explorer son intimité corporelle et la laisser explorer. Oser dire ce qui est bon ou ce qui est sans effet... sans craindre de perturber son/sa partenaire hésitant/e et timoré/e. Sans craindre d'avouer qu'on aime ça ! [oh oui, ça, là, ici, comme çaaaAaaouiiiii!] En parler, s'éduquer, se guider. Poser des mots et des gestes. Toucher, carresser, palper, effleurer. Se servir de ses dix doigts [ou de tout autre appendice adéquat...]. Montrer, regarder. Sans tabous, sans gêne excessive, mais sans réduire la part respectueuse d'une subtile pudeur.
La recette paraît presque simple, mais ça peut être bieeeen compliqué...
Non pas pour une sexualité de base, ou même améliorée, mais pour un vrai partage, libre, émotionnel, et épanouissant [voire festif].
J'ai longtemps fonctionné avec une sexualité mal connectée au désir émotif. Trop sage, trop douce, trop prude. Trop retenue. Trop intellectualisée, incapable que j'étais de "lâcher-prise". Je percevais un manque de quelque chose, sans vraiment l'identifier. Je "sentais" que ça pouvait être autrement. A la longue c'est devenu une frustration trop lourde pour durer éternellement...
Phase 2 - Ouverture
Je ne sais pas de quelle façon je peux faire un lien avec ce qui précède (et qui prenait le chemin de la résignation définitive...), mais peu à peu je me suis rendu compte qu'il existait d'autres femmes [oooh !! sans blague !?]. Non plus comme corps sexués et désirables (ça je le savais...), mais aussi comme partenaires potentielles de partage de pensée et d'émotions (ça je me l'interdisais). Je considérais cette communication comme exclusivement réservé à mon épouse. Car si l'échange de points de vue avec une autre peut rester non-impliquant, le partage émotionnel (coeur à coeur) peut potentiellement dériver vers le dévoilement intime. Et c'est bien ce risque d'intimité que je repoussais, sentant probablement très bien à quel point il pouvait devenir troublant pour moi...
J'avais peur de l'attirance.
Il n'empêche qu'on ne peut pas échapper éternellement à ce qu'on cherche inconsciemment, même si on le refoule très fort...
Par le biais du net j'ai pu approcher la pensée de femmes, bien protégé derrière mon écran [ceinture de chasteté virtuelle !]. A priori ça ne risquait rien. Je me suis rendu compte que j'avais beaucoup à apprendre du fonctionnement de la pensée féminine, intuitive, sensuelle, émotionnelle, et que ça m'intéressait diablement. Mon épouse m'avait bien ouvert à sa part féminine, mais je ne la percevais que comme différente de moi. Unique, elle ne pouvait m'ouvrir à toute la diversité du monde féminin. Jusque là je n'avais eu qu'une seule version de "la femme". C'est peu... Alors progressivement j'ai approfondi mes relations avec le sexe complémentaire, entrant de plain pied dans le partage sensible. Révélation progressive et fascinante de tout un monde inexploré, en état de dormance.
C'était vachement intéressant !
Sauf que pour le frustré que j'étais, du partage émotionnel est parfois bien vite née une attirance, puis des désirs de rapprochement... Il suffisait pour cela qu'il y ait récéptivité réciproque [hmmm... encore plus intéressant !!!].
Mais c'est aussi à partir de là que ça s'est compliqué. Parce que le désir à des ramifications quelque part vers le bas du ventre. Il existe un circuit direct cerveau-coeur-sexe (et même cerveau-sexe...). Et si l'échange de pensées est bien autorisé, celui des émotions l'est beaucoup moins quand on est en couple. Et ne parlons même pas du sexe...
Phase 3 - L'éveil
J'ai continué à traquer le partage de ressentis, de réflexions intimes, de confidences confiantes, et les émotions vibrantes que cela peut susciter. Ce langage inconnu ne cherchait qu'à naître en moi, presque malgré moi. Jusqu'au jour où, d'une belle complicité une forte attirance partagée s'est manifestée, transformée en désir de rapprochement, puis en quelque chose qui ressemblait de plus en plus à de l'amour.
Là c'est devenu très très compliqué (marié...). Et très très attirant. Soudain il n'y avait plus l'amour d'un côté et la sexualité de l'autre, mais bien un lien évident de désir entre les deux, sans différenciation. Une seule entité amour-désir-sexe. L'osmose totale. Ce que j'avais toujours cherché, sans savoir que ça existait en ce bas monde. Les sentiments, les émotions, l'intimité, le désir amoureux et sexuel fonctionnaient ensemble, interagissaient de façon évidente et spontanée. Le bonheur total et magnifique. J'ai enfin su que l'extase pouvait exister !
Hop, un coup d'ascenseur dans la conscience vitale...
Bon, pour de toutes autres multiples raisons ça s'est sérieusement complexifié, mais j'avais trouvé le sens de ma quête: le langage du coeur ouvre, libère, pacifie, unit. L'écoute de soi permet le partage de ressentis, pouvant mener à une confiance, propice au partage d'émotions, puis d'intimité, qui peut faire naître une attirance, susciter un désir de rapprochement, d'intimité toujours plus proche, de sensualité, puis de fusion sexuelle et de... [aaargh.. orgasme !]. C'est d'une logique implacable [et 100% naturelle].
Là où je prolonge le texte de Coumarine, c'est qu'à partir du moment où on entre dans la sphère de l'intimité des corps, puis de celle des sexes nus... on ne fait que commencer. S'arrêter au seul partage d'une sexualité me semble assez pauvre. C'est précisément à partir de cette dimension que la communion des émotions et ressentis peut atteindre sa dimension éblouissante. Cet échange passe par les regards, les carresses, les gestes, mais aussi, je crois, par les mots. Communiquer de coeur à coeur, dans une intimité totale qui autorise toutes les moyens voulus.
[Eh, ceux pour qui c'est une évidence, ne me regardez pas avec des yeux ahuris: je parle de choses que je ne découvre qu'à peine...]
Je ne connaissais pas la valeur du mot "sensualité", ou alors seulement sous une version simplifiée, déconnectée de la part émotionnelle et vibratoire. J'ai eu l'immense bonheur d'en découvrir la richesse émotive avec ma partenaire amoureuse (hmmm, j'en frissonne encore...).
Expérience résolument révélatrice. Et même fondatrice.
Malheureusement je n'ai pas su vraiment entrer dans le domaine des mots. Juste un peu. Pourtant, moi si prolixe par écrit...
Je n'ai pas su exprimer, ou pas suffisamment, mes désirs, mes envies, mes émotions, mes ressentis. Muet. Tout cela était entièrement nouveau pour moi, à la fois éblouissant et un peu inquiétant. Je me sentais novice et naïf, presque dépassé, et à ce titre là je n'osais pas vraiment me laisser aller ni m'exprimer. C'était tellement fort, tellement inattendu, tellement merveilleux. Et pourtant... c'est exactement ce que je cherchais. Le but d'une quête existentielle. Cette forme d'intimité et de confiance "absolue", à cet instant là. Cet abandon à l'autre, de l'autre. Cette offrande de soi et le privilège inoui de l'offrande de l'autre. Trouble intense. Vulnérabilité extrême, temporaire, qui nécessite la confiance totale. Et élan vital du désir qui pousse à l'audace et au dépassement des inhibitions. Partager là, avec toi, nos désirs les plus forts...
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[plop... reviens sur terre]
Il se peut que j'idéalise les choses et je suppose que la sexualité est un domaine bien plus vaste que la modeste expérience que j'en ai. Je sais aussi que cet état de félicité correspond à un summum, peut-être rarement atteignable. Je ne connais pas la sexualité sans sentiments ou élan amoureux, et j'ai certainement beaucoup à apprendre. Il n'empêche que le partage émotionnel sous-tend indubitablement mon désir sexuel. Je n'envisage pas de vivre le second sans que le premier existe préalablement. J'aurais, il me semble, l'impression d'y perdre mon âme. De m'avilir. Au contraire, si le partage sexuel est dans la continuité naturelle d'un partage émotionnel, je le vois comme une transcendance qui peut confiner à des dimensions... hum... [là, d'un coup, ça devient trop intime d'évoquer ça].
Quant à savoir si cela est forcément lié à un élan amoureux, je suis pour le moment incapable de le dire...