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Alter et ego (Carnet)
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27 mai 2006

Ma p'tite vie

Et si au lieu de me poser des questions je racontais un peu ma p'tite vie ?

Ben oui, à force on ["on est un con"...] pourrait croire que je ne vis que dans une perpétuelle torture [qui est, rappellons-le, le sens originel du mot "travail"...] faite d'incessants questionnements, remises et re-remises en question. Oui... c'est vrai que ça occupe pas mal de mes pensées actuellement. C'est le signe que ça remue à l'intérieur, et il en sortira du bon, je n'en doute pas une seule seconde. C'est bien parce que j'y trouve cette satisfaction que je reste dans cette situation, hein ?

Mais cette vie intérieure que je décris succinctement est fort différente de ce que pourrait voir un impartial observateur extérieur. Vu du dehors, j'ai une vie "normale", plutôt très agréable. Je ne m'en plains pas, elle me plaît.

Elle me plaît notamment parce qu'elle est en évolution.

Même si "évolution" ça signifie mouvement, donc nouveautés... et pertes. Indissociable.

Vie de famille: génial ! Des enfants épanouis, dynamiques, entreprenants, comiques. Pas de problème relationnel avec eux, qui prennent toujours plus d'indépendance. En tant que parents nous savons que c'est vital pour eux de nous quitter, et nous les y encourageons.
Bon... évidemment pour nous, pour moi, c'est un peu douloureux. Ils s'éloignent, prennent leur envol. C'est beau, c'est une récompense, mais c'est aussi une séparation. Ça pince un peu, mais le fait que ce soit très progressif rend la chose plus facile. En fait c'est un peu a postériori qu'on constate qu'on les voit de moins en moins. Ça se fait insensiblement, mais je constate que les semaines passent sans qu'on ne se voie. Les deux aînés en particulier, surtout lorsque je suis en déplacement les week-ends.
D'un autre côté, lorsqu'ils reviennent pour les vacances, cette présence exubérante est vite envahissante.

Vie post-conjugale: quasi-génial ! Très satisfaisant. Avec ma future-ex nous alternons avec naturel les périodes de relatif isolement et de proximité. Parfois nous parlons beaucoup, d'autres fois c'est chacun sa vie. Là encore cette séparation, tant redoutée de ma part auparavant, se passe sans problème. C'est pas toujours facile, parce que nos échanges nous ramènent parfois à évoquer les problématiques du passé, mais l'accord qui existe entre nous fait que c'est aussi une façon de résoudre ce qui était conflictuel. Il y a parfois des traces de culpabilité, de regrets, mais sans que ce soit nécrosant. Au contraire, c'est la reconnaissance des souffrances de chacun, tant le "bourreau" que la "victime", en alternance de situation. Écouter ce qui a été difficile à vivre autrefois, maintenant qu'on peut en parler avec le recul suffisant, et le respect de la différence, est une des bases importantes de reconstruction pour nos avenirs respectifs. Se quitter "sains" est le meilleur cadeau qu'on puisse se faire.

Notre entourage ne nous pose plus de questions, ayant semble t-il accepté cet entre-deux qui dure un certain temps. Ils nous voient épanouis et heureux, tantôt "ensemble", tantôt séparément. Je suis vraiment satisfait par cette séparation, que je vois comme une belle réussite après une vie en couple qui a été aussi, malgré tout, une belle réussite. Nous avons su trouver une façon d'évoluer chacun selon nos aspirations, sans tout casser.

Je n'en ai que davantage d'estime envers mon ex, pour qui cela a demandé un important travail d'affirmation de soi, mais aussi d'acceptation de ma différence. Nous avons une relation qui est vraiment de bonne qualité, une confiance réciproque, et une solidarité qui me semble infiniment précieuse.

L'observateur perspicace pourrait se demander pourquoi, si nous nous entendons si bien, nous ne nous remettons-nous pas ensemble.

Et bien justement, c'est parce que nous nous séparons que nous nous entendons si bien ! Parce que nous nous libérons l'un de l'autre, nous donnant la chance de vivre selon ce qui fait notre singularité. Nous avons longuement décortiqué nos différences, et le constat n'a pas varié : certaines sont incompatibles. Même si nous nous apprécions beaucoup. Même si... on s'aime toujours. On s'aime, donc on s'efforce de respecter les désirs de l'autre, dans la mesure du possible. S'aimer sans être amoureux, sans avoir le désir de vivre ensemble. Et sans ce qui fait véritablement "un couple", c'est à dire l'intimité sexuelle.

Bref: nous sommes de très bons amis, réunis par un passé et des enfants communs. Et si chaque membre de la famille prend son indépendance quasi simultanément, nous restons cependant tous proches et liés.

Vie relationnelle: je me suis créé un nouveau cercle d'ami(e)s [surtout des femmes], issus de rencontres réelles ou connus dans le monde virtuel. Liens d'échanges variés, tantôt sur le ton du partage de confidences, tantôt pour une entraide, tantôt pour "philosopher" sur le sens de la vie. Célibataire, je ne me sens pas du tout "seul". Mais j'ai encore quelques efforts à faire pour augmenter le rythme des rencontres.

Vie quotidienne: je vis dans un paradis... surtout quand reviennent les beaux jours. En ce moment le paysage est à son maximum d'exubérance végétale. Des fleurs de partout, tous les tons de vert. J'aime beaucoup celui des prairies de hautes herbes, ondulant sous le vent ou vues à contre-jour lorsque le soleil baisse. Les épis variés des graminées jouent dans la transparence, dominés par les oseilles sauvages qui éclaboussent de vermillon, les arbres étirent leur ombre qui joue avec les éclats de soleil... Ailleurs c'est une ambiance de jeune sous-bois, encore largement ouvert à la lumière, mais proposant dèjà des zones de pénombre. Je me régale à sentir cette nature vivante et vibrante. J'ai la chance d'avoir un immmmmense jardin, en pleine nature, au milieu de vastes prairies suivant les vallonnements d'un relief modéré. Vraiment beaucoup de chance...

Il y a de quoi rendre un homme heureux, non ?

C'est effectivement une excellente base pour l'être.


Restent les côtés un peu plus problématiques...

Vie professionnelle: toujours en mutation, sans bien savoir vers quoi je vais. La situation reste complexe puisque je suis lié par des engagements financiers et ne peux donc que désinvestir progressivement mon métier actuel. Je suis aussi "en recherche" par rapport à ce que je désire faire. Lorsqu'on va à la découverte de soi, cela peut mener à de grosses évolutions et des changements radicaux... Sauf qu'à mon âge tenter une reconversion n'est pas facile sur le plan pratique: comment se former, avec quel argent, quel temps, quels moyens de subsistance ? Se former est payant, et il faut aussi gagner de l'argent pendant ce temps de formation. Situation préoccupante, donc, et d'autant plus qu'elle est la raison principale de "l'entre-deux" qui me relie encore à ma future-ex. Même si nous avons aussi su trouver un avantage dans cet étirement du temps de séparation...

Ce problème financier et professionnel est une préoccupation majeure et très sérieuse. Ça contribue à atténuer nettement la sensation d'être en paix. Il y a ce souci constant, qui bloque actuellement le processus évolutif dans ses aspects pratiques. Ce devrait être ma priorité. Mais...

Vie amoureuse: néant [on va dire ça comme ça...]

Vie sexuelle: néant [du moins pour ce qui concerne toute activité partagée...]

Ces deux points ne sont pas l'essentiel de la vie, mais ce n'est pas négligeable non plus pour se sentir pleinement vivant... D'autant plus que c'est précisément eux qui ont initié le mouvement d'évolution et d'ébulition des réflexions. Ce qui m'amène au point suivant.

Vie intérieure: là, c'est le plus complexe à décrire. A la fois intense, enrichissante, épanouissante, en amélioration constante et... source d'une relative souffrance. La quête de sens est une aventure intérieure, avec toutes les difficultés inhérentes aux conquètes de l'inconnu. Je me fais penser à ces « conquérants de l'impossible » que sont les alpinistes de l'extrême ou les navigateurs solitaires. Face à soi, à sa propre exigence, à son désir de se surpasser. Le plaisir vient du dépassement de soi et de la prise de risques calculés. Toujours s'améliorer, autant dans la performance que dans l'humilité et l'acceptation de ses limites. C'est un double enjeu, qui a un aspect contradictoire.

Beaucoup de questions autour de cette vie intérieure, faite d'exigence vis à vis de soi... mais sans doute aussi vis à vis des autres. Cette exigence, cette quête d'absolu, est directement en cause dans les deux séparations que je vis. Mes questionnements incessants ont probablement nui parce que j'essayais, sans m'en rendre compte, d'y emmener mes partenaires. Je n'avais pas compris que mes cogitations existentielles n'appartenaient qu'à moi, et qu'elles n'étaient pas toutes partageables. C'est une des grandes leçons de ces relations interrompues.

Ma quête d'authenticité m'a emmené très loin. Je ne parviens que lentement à m'élever un peu au dessus des mers de douleur que j'ai dû traverser. Je crois que je n'y sombrerai plus.

Mais... évoquer sur ce blog tout ce qui me vient à l'esprit ne serait pas une bonne idée.
Je me bornerai donc à dire que cette vie intérieure, en pleine révolution, est très prenante. Et c'est ce qui fait que ma vie, quoique fort agréable, est parfois "lourde" à porter. J'ai encore du chemin à faire avant d'atteindre la paix et la sérénité... car c'est évidemment l'objectif de mon existence.

Je crois qu'on n'atteint pas la paix sans être allé au fond de soi. En quelque sorte, c'est un travail indispensable pour avancer sans trop craindre cette limite ultime du temps indéfini qui m'est imparti.

En fin de compte, tout travail de séparation et de perte prépare à affronter la mort.
Je n'oublie jamais cette échéance, que je souhaite vivre le plus sereinement possible.

Commentaires
I
Caroline (bienvenue et merci d'avoir osé commenter) et Ségolène, je crois que regarder la mort en face est pour moi la meilleure façon de l'apprivoiser et d'en accepter l'inéluctabilité. Ne pas me dire «oh, c'est loin, j'ai le temps», mais "vivre avec" en essayant d'être au plus près d'une paix intérieure. En fait je prépare ma mort, pour qu'elle ne soit pas un enfer d'angoisse en songeant qu'il est trop tard, avec tous les regrets amers qui pourraient accompagner ce moment de la plus grande solitude de l'existence.<br /> <br /> Gourmande, j'aime bien ce que tu dis. Oui, j'ai grandi :o)<br /> Pour la vie amoureuse, cela ne m'inquiète pas. Je ne suis pas en attente: j'aime et je me sens aimé. Pour les sensations un peu plus intenses, elles reviendront bien un jour. D'ici là chaque jour qui passe me prépare à les vivre au mieux...
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C
Bonjour, je te lis souvent, en silence. Ta dernière phrase est magnifique: "tout travail de séparation et de perte prépare à affronter la mort. Je n'oublie jamais cette échéance, que je souhaite vivre le plus sereinement possible". L'angoissée de mourir que je suis, envie cette sagesse...
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G
Tu constates que ta vie n'est pas si petite ?<br /> et toi en fait tu es devenu Grand !<br /> Pour ta nouvelle vie professionnelle c'est une question de temps...quant à la vie amoureuse, c'est peut-être pour demain qui sait ?
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S
Ce qui m'interesse aussi ici c'est cette évocation de la mort, ce travail d'approche, qui vise à apporter, à terme, un sentiment d'accomplissement de son existence. A se préparer à partir plus sereinement...<br /> Ca ce n'est pas compatible avec une petite vie.
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I
Vous avez raison, ma vie ne mérite sans doute pas le qualificatif de "petite"... Elle est simple, et je m'efforce de la vivre pleinement dans sa simplicité, sans frustrations ni rêves inaccessibles.<br /> <br /> Alauda, oui, voir le divorce comme tu le dis, sans culpabilité ni sentiment d'échec.<br /> <br /> « si cela n'est pas "partageable" où est la relation possible quand on le pose pour essentiel ?? Ou de quelle relation s'agit-il ? »<br /> <br /> Excellente question ! Peut-être est-ce précisément là que se situe la source de ma profonde et durable perplexité.<br /> <br /> Pour la paix, je ne crois pas qu'elle aille de soi. La paix se travaille, s'entretient. C'est une question de volonté. La paix n'est pas un état stable, ni naturel.<br /> <br /> Irma... oui, cornichon ça va mieux ;o)
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I
je propose l'expression suivante qui est plus sympa et moins vulgaire: "on est en cornichon"! ;)
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A
"Parce que nous nous libérons l'un de l'autre, nous donnant la chance de vivre selon ce qui fait notre singularité".<br /> <br /> Je crois effectivement que le vrai sens du mot "di-vorce" est la reconnaissance de deux voies qui ne sont plus compatibles, et qu'il faut cesser de poser un poids de culpabilité à ce qui sommes toutes n'est rien que de très… humain et le fruit d'une évolution différente pour chacun.. les reste n'est que loi sociale basée sur la défense du patrimoine, pas sur ce que la vie a de fluctuant, dans son essence même..<br /> <br /> <br /> "Cette exigence, cette quête d'absolu, est directement en cause dans les deux séparations que je vis. Mes questionnements incessants ont probablement nui parce que j'essayais, sans m'en rendre compte, d'y emmener mes partenaires. Je n'avais pas compris que mes cogitations existentielles n'appartenaient qu'à moi, et qu'elles n'étaient pas toutes partageables"<br /> <br /> Et pourtant, si cela n'est pas "partageable où est la relation possible quand on le pose pour essentiel ?? Ou de quelle relation s'agit-il ?<br /> <br /> "Je crois qu'on n'atteint pas la paix sans être allé au fond de soi."<br /> <br /> J'en suis pour ma part totalement persuadée… tant qu'on n'a pas contacté ce qui est le plus sombre, le plus tremblant en soi, on n'a aucune chance de vivre debout.. Mais est-ce un prix trop élevé pour se vivre enfin en paix ? <br /> <br /> Bonne route, l'Idéaliste.. <br /> Que la vie te soit douce. ( et surtout pas "petite" !) :)
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A
Intéresant ce tour d'horizon de ta "petite vie" pas si petite que ça....<br /> <br /> ce qui m'amuse c ta vie "post-conjugale" qui est plutot une "vie conjugale nouvelle formule" ou vous avez semble-t-il trouvé un équilibre...
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C
Merci, cher Idéaliste pour cette note qui nous permet de te connaître (encore) mieux et nous emmène dans tous tes espaces, intérieurs et extérieurs...
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M
Tu appelles cela une p'tite vie, comme ça...tout simplement... ;-))<br /> Je trouve qu'elle est riche d'enseignement pour beaucoup qui attachent de l'importance à toute cette "matérialité" qui leur bouffe la vie. Il y a tellement d'autres choses qui font notre richesse. A nous de les trouver, comme tu sembles les avoirs trouvées ;-).
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