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Alter et ego (Carnet)
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14 juin 2006

Traversée du désert

Il y a quatre mois j'écrivais ici, avec autant de calme que possible, la très grande colère que je ressentais: mon amie de coeur venait de décider que nous n'aurions plus de contacts pendant six mois.

Je l'ai très mal vécu et le mot qui pouvait le mieux décrire mes sentiments était alors: injustice.
Injustice parce que j'avais fait au mieux de mon possible, ayant consacré une énergie considérable à agir selon ce qui me semblait être le plus pertinent.
Injustice parce que privé d'expression je me sentais dépossédé de tout pouvoir d'action.
Injustice parce que j'avais une impression d'échec après avoit tant "travaillé" au maintien de la confiance.

Je l'ai pris comme une sanction. Comme si j'avais raté quelque chose.
Comme si j'étais un incapable, ne méritant pas de mener les choses selon ma perception.
Je me suis senti dépossédé, infantilisé, et humilié.

Forte blessure narcissique qui a fait réagir avec excès mon égo outragé.



Or il s'agissait d'une réalité subjective. Et c'est selon cette subjectivité qu'une partie de mon lectorat a commentés mes écrits rageurs. Réactions d'indignation que, malgré ma colère, j'ai parfois trouvées injustes envers mon amie. J'ai vite compris que c'était une regrettable erreur d'avoir évoqué cela sur ce blog. Depuis je me suis efforcé de ne plus écrire sur ce sujet. D'où la raréfaction de mes interventions...

J'ai pris du recul pour mieux discerner ce qui s'était passé. Je me suis mis à distance, pour retrouver la paix. Pour ne plus souffrir. Pour me déterminer seul.

J'ai progressivement moins écrit... mais j'ai beaucoup réfléchi. Et échangé.
Travail de remise en question personnelle qui m'a permis de voir les choses autrement. De façon plus objective.

J'ai compris que la violence d'une telle décision tenait de bien autre chose que l'idée de sanction.
Qu'elle traduisait une impossibilité à continuer. Une nécessité vitale de sauvegarde. Il y avait réaction contre quelque chose de profondément mal vécu.

J'ai aussi compris que ce n'était pas moi, ou pas uniquement moi, qui était la cause de ce naufrage, mais nos malentendus.
Notre incapacité commune à écouter vraiment les ressentis de l'autre. Notre mal-communication...

Je me suis mis à l'écoute de ce silence de longue durée. Je l'ai accepté. J'en ai fait un allié pour m'écouter, mais aussi pour entendre le sens de cette non-relation voulue par mon amie. Je me suis ouvert à ce qui avait pu la faire réagir aussi fortement.
Et peu à peu j'ai entendu...

J'ai établi des hypothèses qui donnaient un sens cohérent à tout cela.
Dans le silence qui s'éternisait je les confrontais au passé.
Je remontais le fil de notre histoire commune.
Plus le silence durait, et plus je comprenais !

La paix intérieure grandissait. Seul un sentiment de tristesse, en constatant ce gâchis, cet inachevé, la ternissait encore.
Je n'avais pas envie qu'on en reste bêtement là. Pas nous ! Cependant mes enthousiasmes se heurtaient au mur du silence établi, et cette impuissance ralentissait le déclin d'une rage muette. Il me fallait donc, aussi, accepter la possibilité d'un silence définitif. Parvenir à être en paix avec mon amie si cela devait advenir.
Le désir de vivre en paix, sans rancoeurs accrochées au passé, est devenu mon objectif premier.

J'aurais aimé partager mes découvertes pour trouver cette paix... tout en souhaitant respecter son besoin de silence. Dilemme. Dans le doute, je respectais. Ne pas aller contre, ne plus m'opposer, mais tenter l'alliance, quelle qu'elle soit. Suivre le fil de la vie...

Je sentais possible un rapprochement, tout en prenant une distance croissante en me préparant à ce qu'il ne se produise jamais.
Double travail, vers elle et vers moi. Vers une pacification avec elle, ou sans elle. Rester ouvert à toute éventualité.

J'ai fait ce travail en solitaire, mais accompagné par ma psy et quelques amitiés précieuses [merci...]. Féconde diversité des modes de pensée, des expériences personnelles ou professionnelles. Je ne me suis pas senti seul.




Je n'ai pas eu à patienter six mois.

Avant que ne commence le cinquième mon amie disparue est revenue vers moi.
D'abord avec des mots mesurés.

J'ai alors réalisé que mon anesthésie était finalement plus profonde que je ne croyais. J'avais pris beaucoup de distance. Je suis surtout devenu très prudent...

J'ai eu besoin d'un peu temps pour répondre, et de mots supplémentaires pour comprendre ses intentions.
A ma demande elle les a précisées. Elle a su trouver les mots justes, ceux dont j'avais besoin pour restaurer une confiance écartelée.
Des mots simples et sincères. Touchants. Elle a abaissé ses barrières. Elle s'est pudiquement dévoilée. J'y ai été très sensible.

En confirmant mes hypothèses, elle m'a prouvé que nous semblions être de nouveau sur une longueur d'onde compatible. Une reprise de contact plus approfondie pouvait être tentée.

Tels deux Icare s'étant brûlés les ailes à monter trop vite trop haut, mutuellement blessés par la chute, frustrés, déçus, chacun réagissait depuis longtemps au mieux de ses possibilités, bien souvent dans des mouvements qui se contrariaient en exacerbant les frustrations. Mauvaise communication, sur fond d'interprétations différentes des idées de franchise et de sincérité, pourtant à la base de notre confiance mutuelle. Les meilleures intentions ne suffisent pas...

C'est une des grandes leçons de vie que j'aurais intégré en vivant cette mésaventure avec tout mon être: les réactions blessantes de l'autre sont toujours l'expression d'une souffrance. Au lieu de réagir en m'écoutant, c'est d'abord vers elle qu'il aurait fallu que je tourne mon attention pour écouter, sentir, capter son mal-être. C'est évidemment une des bases pour une communication relationnelle saine...

C'est là que se situe l'amour de l'autre.

Expérience fondatrice, transposable à chacune de mes relations à autrui...

Je crois que j'ai beaucoup appris de ce silence...
Il m'a permis de grandir.
De m'autonomiser.
D'être plus fort.
Plus ouvert.
Plus juste.
Plus patient.
Plus attentif.
Plus confiant.
Plus pacifiste.
Plus authentique.

C'était ma traversée du désert...



Quoique ayant choisi d'éviter de parler de cette relation ici, il m'a semblé juste de tenter de réparer l'injustice que j'avais commise en donnant de mon amie de coeur une image faussée et abusivement négative. Elle est bien autre chose que ce qu'elle montre lorsqu'elle est épuisée, déprimée, ou blessée...

Je la connais sous un nouveau jour.
Après ses forces, je découvre ses failles.
Et je l'aime mieux...

Désormais je me sens en paix avec elle.

Commentaires
I
Titigre... merci pour tes voeux. Je ne crois pas qu'ils soient prématurés: il y a en moi comme une confiance/conscience du bonheur. Parce que c'est pour moi un choix de vie et que je m'efforce d'y parvenir. Tout simplement parce que j'y crois, et que je considère que c'est à moi de me l'apporter (et eventuellement de tenter de le communiquer...). Ça ne m'empêche pas d'avoir souffert, ni ne m'empêchera de souffrir encore, mais je sais que la clé de mon bonheur est en moi. L'accès au bonheur est un état d'esprit. Plus ou moins favorisé par les circonstances, je le reconnais.<br /> <br /> Alauda, aussi compliquée ça ne peut effectivement être qu'une histoire vraie :o)
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A
très heureuse de ce que je lis ici ! Bonne continuation à toi, l'Idéaliste, à vous...<br /> C'est une très belle histoire..et encore plus, parce qu'elle est vraie :)
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T
merci l'Idéaliste de tes messages si précieux.<br /> Et de toutes tes explorations du couple en général, ou en détails, tout cela m'aide beaucoup. Me redonne l'espoir dans les moments où je ne comprends plus moi non plus ce qui m'arrive. La distance, le recul qui permet de regarder les évènements autrement. je suis contente pour toi que je lis depuis si longtemps. <br /> Même si c'est peut-être un peu prématuré, tout mes voeux de bonheur t'accompagnent.
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I
Merci à vous de m'exprimer tout ça...
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T
Comme si souvent, je retrouve dans ce que tu (d)écris des choses dont j'ai eu l'intuition (sans pouvoir les exprimer aussi bien que toi), ou que j'ai ressenties... c'est état de latence, de malaise insurmontable, puis la lumière qui jaillit, quand les pièces du puzzle se mettent en place, comme si enfin, on était "prêt"... Et j'admire toujours la précision avec laquelle tu rapportes toutes ces choses tellement evanescentes... Merci.
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G
j'arrive un peu tard ici, les comm sont nombreux et j'ai plus grand choses à ajouter si ce n'est que je te, vous, souhaite, que des bonnes choses.
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V
Juste envie de te dire que je suis heureux pour toi et que c'est un juste retour des choses.
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C
Oui, l'idéaliste, j'avoue que ma phrase est un peu forte...le définitif doit être associé à W dont je parle dans mon blog. C'est une histoire d'amour qui s'arrête mais une histoire d'amitié qui continue. La passerelle est difficile à traverser pour moi.
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C
il semble y avoir des histoires qui "se continuent" bien. C'est plusôt encourageant pour nos âmes tourmentées ! Et plutôt agréable à entendre, ou plutôt à lire :)
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I
Merci pour vos messages :o)<br /> <br /> Oui Coumarine, il faut vivre les choses de l'intérieur pour les intégrer vraiment. Tant que l'épreuve n'est pas ressentie on en reste à la connaissance théorique. La théorie est utile... mais insuffisante. Seulement une amorce.<br /> <br /> Alainx, j'approuve ce que tu dis du lectorat. Pourtant il est presque certain que l'influence de la lecture est très forte si on ne prend pas conscience de ce risque. C'est d'ailleurs ce qui me dérange dans mes écrits univoques.<br /> <br /> Hydro... perspicace ;o)<br /> Oui, je vais prendre soin de nous...<br /> <br /> Hélène, l'Amour d'autrui, au sens large, est effectivement source de bonheur et de paix...<br /> <br /> Pati, les mal-entendus et les non-dits sont de redoutables pièges, dans lesquels on peut tomber même en y étant vigilant. Je me demande même si toute nouvelle relation ne tends pas de nouveaux pièges insoupçonnés, parce que le mode de fonctionnement est unique à chaque relation. M'enfin... à la longue ont doit pouvoir s'améliorer ;o)<br /> <br /> Christine, tu auras vu que de la souffrance on peut retirer quelque chose de bon. Ce silence me tuait... mais en fait il ne tuait que l'enfant craintif qui était en moi.<br /> Je t'avoue être surpris par ta phrase: «"Mon" silence a moi est devenu celui du coeur et il est définitif.». Rien n'est définitif quand il s'agit de soi... sauf si on le veut. Ton coeur t'appartient, et il ne dépend que de toi qu'il s'exprime ou se taise.
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