De l'importance des certitudes
Je n'ai plus beaucoup le temps d'écrire en ce moment, mais je voulais poursuivre mon cycle sur le doute et l'incertitude, dans leur rapport avec la remise en question. Je n'ai pas pu prolonger ma réflexion plus en avant et je la livre telle qu'écrite il y a quelques jours.
En parlant de ses certitudes, Alainx à élargi le champ de mes réflexions. Comme à chaque fois que j'aborde un sujet qui gravite autour de deux tendance opposées, les développements possibles sont toujours très vastes...
Ben oui, parce que j'ai beau vanter les avantages de la remise en question, je pourrais tout aussi bien affirmer à quel point les certitudes sont importantes !
Mais il ne s'agit pas du même angle de vue. Je crois que les certitudes que j'ai sont intérieures, tandis que mes doutes concernent l'extérieur : mon rapport avec autrui. Seul avec moi-même je me sens bien, et si tout le monde fonctionnait... euh... comme moi [modestement], ça serait idéal ! [mais si, mais si...]. Mais non, chacun a des certitudes individuelles. Le doute n'apparait en moi que lorsque je rencontre l'altérité. Entre les certitudes d'autrui et les miennes, il y a un fossé. Différence dans les façons de penser, de se comporter, d'imaginer la société, d'appréhender l'humain.
Partant de ces différences existe la possibilité d'établir des ponts de reliance: par l'échange et la confrontation des idées, qui sont sources potentielles d'enrichissement personnel; en s'ouvrant à la pensée de l'autre, donc en acceptant de remettre en question la validité de mes vérités; en acceptant surtout, par principe, que ma réalité ne soit pas partagée et que nous ne soyons donc pas forcément d'accord. La rencontre de l'autre, si je la désire, oblige à la remise en question. Sinon elle n'aura pas lieu. Je dois m'ouvrir à son mode de pensée, tenter de comprendre quelle est sa vision des choses, ce qui lui importe.
Remettre en question mes croyances ce n'est pas y renoncer, ni ouvrir une brèche dans ma structure, mais m'offrir la possibilité de les faire évoluer. C'est prendre le risque d'être déstabilisé, et tenter la chance de trouver une stabilité plus aboutie. Car le seul risque de perdre mes certitudes, c'est de perdre une part de mon assurance. Ce qui est toujours inquiétant...
Par ailleurs, dans un commentaire ici, Alainx m'a interpellé à nouveau: « il ne te reste plus qu'à remettre en question le principe même de l'interet de remettre en question.... ». La question devient tordue... mais je vais essayer de relever le défi, d'une façon détournée, en laissant venir ce que ça m'a inspiré. J'inverse donc la problématique: le principe d'avoir des certitudes aurait-il un intérêt ?
Il me semble que le manque de certitudes rend sensible à celles des autres, parce qu'ils donnent une réponse rassurante. Auparavant je ne savais pas ce qui me constituait, quelles étaient mes valeurs, ce en quoi je croyais. Je le sentais sans doute confusément, mais sans réelle prise. Il aura fallu que mes croyances soient mises à l'épreuve, déclenchant parfois des peurs irraisonnées, réveillant des angoisses et une grande souffrance devant tant d'insécurité, pour que je me rende compte de la fragilité de certaines zones. Je ne me sentais pas rassuré et j'allais vers l'inconnu assailli de doutes à chaque pas. Mes certitudes n'étaient pas suffisamment étayées. Ce n'est qu'à la longue par tout un travail de remise en question, mais aussi de confiance en mes ressentis, que j'ai pu discerner ce qui était en moi, ce dont j'étais sûr, et ce qui n'était que croyances. Des doutes quant à mes choix de vie ont fait émerger mes certitudes. Et la plus importante d'entre elle concerne le sens que je donne à mon existence.
Je me remets en question pour affermir mes certitudes. Pour les éprouver et pour... moins douter. En doutant moins, je serais moins sensible aux certitudes des autres. Donc plus authentique. Et en même temps, en m'ouvrant aux autres par le doute, j'apprends d'eux, je connais mieux l'humain et moi-même et suis davantage capable d'énoncer mes certitudes, ou de vivre en accord avec moi-même sans suivre les autres. D'une certaine façon mes certitudes intérieures sont une forme de liberté.
Tout cela est un mélange de contradictions et de paradoxes et c'est ce qui fait que la vie ne correspond jamais à une recette, mais est une adaptation de chaque instant aux circonstances.