En cas d'accident...
Il y a les blogs qui s'éteignent doucement, ceux qui sont abandonnés dans un oubli qui s'étire, ceux qui sont fermés du jour au lendemain. Et puis il y a les blogs qui restent ouverts parce que plus personne ne viendra les fermer...
Un homme est parti. Bien plus vite qu'il ne le pensait. Mais son blog lui survit et ses amis lui laissent des commentaires. Parce qu'il vit encore en eux. Et moi je ne l'ai vu vivre, croire, parler, sourire, qu'une fois mort.
« À chaque fois qu’on apprend la mort de quelqu’un qu’on a croisé, y’a comme un vent froid dans l’air qui nous jette une dose de réalité en plein visage. Je suis étonnée à chaque fois de voir comment on arrive à vivre en niant aussi fortement la présence de la mort. Et ça me fait me rendre compte à chaque fois comme je ne suis pas prête à l’affronter, que ce soit d’un point de vue légal (une petite visite chez le notaire), technique (les mots de passe à refiler, les infos de la banque, des assurances, les objets à léguer) ou émotif (beaucoup trop tôt pour dire aurevoir à qui que ce soit). » Martine Pagé - Ni vu ni connu |
Et moi, suis-je prêt à ma mort ? Certainement pas. Dans l'abstrait, oui, mais pas dans la matérialité terre à terre. Je ne la prévois pas pour demain. Je plains donc ceux qui auraient à s'occuper de mes affaires ! C'est le bordel complet. Dans mes papiers je suis probablement le seul à pouvoir m'y retrouver. Et encore...
Ma maison, en coloc avec mon fils, est pleine de choses mal rangées, entassées, de cartons pas encore défaits depuis mon ré-emménagement. Ma chambre est un vrai foutoir [hum... au sens figuré...]. Des vêtements vaguement sales qui traînent dans un coin. Vous imaginez les vétements encore imprégnés de l'odeur vivante d'un mort ? Qui s'en occuperait ? Mes enfants ? Mon ex-épouse-amie ? Mes parents ?
Dans mon armoire ils trouveraient quelques lettres précieusement gardées, et de menus objets vestiges d'un amour récent. Peut être ce qui m'est le plus personnel. Une part de moi étrangère à tous mes proches, sauf mes enfants.
Et mon ordinateur... oh la la, que de confidences là-dedans ! Quelqu'un irait-il farfouiller dans mes fichiers ? Trouverait-il mes années de correspondances ? Celles avec quelques femmes dont j'ai croisé la route ? Les traces de ma vie amoureuse et ses murmures intimes, les photos de moments qu'ils n'ont pas connus ?
Et mon journal faussement secret, accessible à tous sur le net...
Qui annoncerait que je suis mort ? Personne ne connaît mes amitiés du net, hormis par leurs seuls prénoms. Ah si, une carte de mariage franco-québecois trône sur une étagère ! Il y a quand même aussi une adresse collée en évidence sur mon bureau depuis des années, avec la mention " En cas d'accident, prévenir..." suivi d'une adresse mail et d'un numéro de téléphone. Je devrais peut-être mettre d'autres noms, au cas où... Parce que je n'aimerais pas qu'on puisse penser que j'ai disparu d'un coup, comme si j'étais indifférent aux liens qui se sont noués. Jamais je ne l'ai fait et je crois pouvoir dire que jamais je ne le ferai.
Tiens, dans le même ordre d'idée... quelqu'un saurait-il ce qu'il est advenu de Forestine ?