On ne se doit rien
Lorsque je n'écris pas, je vérifie quand même occasionnellement le suivi de fréquentation de ce carnet grâce aux "statistiques" (compteurs plutôt que statistiques). Ne me demandez pas pourquoi je le fais, je n'en sais rien. Ça ressemble à la vérification d'une hypothétique "cote de popularité" (est-ce que vous aimez toujours mes écrits, est-ce que vous revenez ?). Les écrivants ne doivent rien à leurs lecteurs, c'est une évidence. Et moi... je ne vous dois donc rien.
Mais à la différence de mon journal, qui me délivrait un compte rendu détaillé seulement quotidien, sur canalblog le comptage est en direct. Je peux donc savoir qui vient me voir et combien de fois par jour. Quand je dis "qui", personne n'est vraiment identifiable, rassurez-vous, mais je peux reconnaître une identité de connection. Strasbourg, Toulouse, Belgique, Toronto... Parfois, par recoupements simplissimes, je sais donc qui est passé ici. C'en est presque indiscret puisque je peux en déduire des habitudes de fréquentation du net, voire même des heures de lever ou de coucher.
Là où je voulais en venir, c'est que cette fréquentation signifie bien que je suis lu et... au moins un petit peu "attendu". Vous venez voir si j'ai délivré un message philosophique d'une importance capitale pour le devenir de l'humanité (bah... on sait jamais...). Du coup, lorsque je n'écris pas, je me dis que je ne réponds pas à cette supposée "attente". J'ai tendance à imaginer que ça peut décevoir lorsque, après plusieurs visites, il n'y a rien de nouveau. Ridicule, je sais bien. Car moi même, en lisant les sites des autres (qui sont parfois les vôtres...) je ne ressens jamais cette "attente". Je ne considère pas que quelque chose me soit dû. Je lis s'il y a du nouveau, et clique vers un autre site dans le cas contraire. Tout au plus, si je ne vois pas de mise à jour durant quelques temps, je m'inquiète un peu et me demande si tout va bien dans la vie de la personne dont je suis les péripéties. Mais je sais aussi que toutes sortes de raisons peuvent indiquer un silence, pas forcément inquiétantes.
Pas besoin d'avoir fait des études de psycho pour comprendre que c'est un besoin de reconnaissance qui suscite ce genre de comportement: vos visites rassurent mon égo chétif, tout comme vos commentaires (pour les quelques qui s'y risquent...). Cette reconnaissance est destinée à compenser le manque de confiance en moi. J'écris bien ce que j'ai envie d'exprimer... mais aussi en fonction des retours dont j'ai besoin. L'écriture est évidemment narcissique, même si elle n'est pas que cela. Elle ne l'est d'ailleurs pas davantage que tout acte de relation avec autrui, que ce soit l'habillement, les conversations, le travail. On pense toujours agir pour soi, supposément librement, mais bien en voulant véhiculer une certaine image dont les regards nous rassureront. Même en voulant déplaire on rechercherait encore à véhiculer une image qui "rassure" sur un rejet que l'on désire ressentir. Là où ça devient problématique, c'est lorsque ce regard attendu pertubre à l'excès l'expression spontanée de soi. Et comme je ne pense pas qu'on puisse parvenir à un authentique « je me fous du regard des autres » sans risquer le pur égoïsme, il faut louvoyer entre une franchise comportementale et une attention à ses effets dans la communauté humaine. Tendre à la fois à être "libre" et vérifier les conséquences de cette liberté sur les autres, sous peine de s'exclure ou restreindre son cercle relationnel.
Je me demande... est-ce que l'on ne devient pas d'autant plus isolé qu'on s'affranchit du regard des autres ?
Si si, je vous assure, c'est une vraie question existentielle pour moi !
D'un autre côté je me rends bien compte qu'un égo insuffisamment fort rend égocentriste, ce qui est une négation de l'autre, donc la source de tous les conflits. Alors... si trop d'égo tend vers l'égoïsme, et pas assez est de l'égocentrisme, il est où le juste équilibre ?
Hmmm, je suis sûr qu'il manque des données. Le problème est certainement bien plus complexe que ça. Il doit manquer quelque chose dans la dimension altruiste, celle du don de soi. On ne se doit rien... mais on peut se donner beaucoup.
Mes questionnements sont probablement très naïfs... et je suppose que la philosophie y a apporté des réponses. Si quelqu'un a des pistes...