Au bout du fil
Bon... on est pas là pour rigoler, hein. Revenons aux choses sérieuses...
Question de Charlotte, à l'occasion d'un coup de téléphone impromptu: « Tu la vis comment, toi, la séparation ? ». C'est marrant parce qu'auparavant elle n'aimait pas que je parle de ce sujet. Là ça fait deux ou trois fois qu'elle l'aborde. Comme quoi, c'est pas la peine d'insister quand c'est pas le moment...
Je lui réponds que je la vis finalement très bien. C'est presque quand on se voit que c'est parfois un peu plus sensible, parce qu'elle en est encore à aller vers le marquage d'une "désintimité" dans les gestes et attitudes. Mais bon, comme j'ai décidé d'accepter qu'elle prenne toute la distance dont elle a besoin...
Du coup je lui tends la main pour lui dire bonjour, hé hé. Ah ben faut savoir ce qu'on veut, hein !
Non mais je fais ça pour rigoler, ensuite elle quand même droit à la bise réglementaire, sur la joue. Tiens faudra que je parle un jour de ce processus bizarre qu'est la "désintimité".
J'aime bien les conversations qu'on a en ce moment. Ça ne dure pas très longtemps, tantôt dans les aspects du quotidien, tantôt pour des choses plus aprofondies. Là elle m'a dit « ça devait être lourd pour toi de me rassurer tout le temps ? ». Ah ben non, ce n'était pas lourd ! Je le faisais avec évidence, parce qu'elle aussi avait ce rôle avec moi. On se soutenait tous les deux, selon les moments où l'un en avait besoin, selon les forces de chacun. On a toujours fonctionné ainsi, pour restaurer une confiance en soi depuis toujours défaillante. Je crois qu'on ne s'en rendait même pas compte. On a "grandi" ensemble. On s'est construits ensemble. Entraide réciproque, deux décennies durant.
Et maintenant qu'on est suffisamment solides... ben on a pu prendre notre autonomie l'un par rapport à l'autre !
Juste après c'est ma fille qui me téléphone pour un détail pratique. Et puis elle me parle de la réalisation de soi dans un métier choisi, des attentes parentales, des projections. Avec ses mots à elle. Bien consciente de tout cela, elle me demande si je me souviens de ses désirs professionnels lorsqu'elle avait cinq ans, avant éventuelle contamination par des rêves parentaux ! Euh, non, à part maîtresse d'école, je ne me souviens pas. Elle me taquine, disant que je l'ai poussée et influencée à prendre ma suite. S'il y a bien une chose sur laquelle je les ai laissés libre de leurs choix, c'est pour leur orientation !
Et puis subitement elle me demande ce qu'il faut penser du fait qu'elle ne soit pas avec un garçon. Elle a vingt ans, et pas de "petit copain", ce qui est de plus en plus rare dans son entourage. Je lui demande si cette situation la dérange, et devant sa réponse négative lui dis qu'il n'y a a alors aucun problème. Elle sourit (ça se sent au téléphone). Ce qui compte c'est qu'elle se sente bien, quelle que soit sa situation. « Oui mais le regard des autres...». Eh oui, la pression de la "normalité" ! Les petites questions l'air de rien, qui font bien sentir que...
Remarquez qu'on me dit aussi que je devrais m'ouvrir à d'autres coeurs...
Je lui ai demandé si la séparation de ses parents avaient pu la rendre méfiante vis à vis des relations amoureuses, mais elle a semblé n'avoir jamais envisagé cette hypothèse saugrenue.
Je l'ai rassurée, lui montrant qu'avoir des relations avec beaucoup de monde la comblait probablement suffisamment. Elle a acquiescé, puis m'a affirmé qu'elle n'avait pas envie d'avoir une relation juste pour prouver qu'elle était "normale", me laissant comprendre que cette pression sociale lui pesait un peu. Je lui ai dit aussi qu'elle avait probablement suffisamment confiance en elle pour ne pas avoir besoin d'être rassurée par une relation. Une confiance profonde, qui lui permet de vivre en autonomie. Il faut dire qu'elle a quitté la maison à l'âge de 15 ans, pour aller en internat. Ça dégourdit !
Voila, quelques échanges tout simple, à la fois légers et approfondis. Conversations détendues et confiantes, comme je les aime.
Finalement une séparation fluide a quelques avantages...