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Alter et ego (Carnet)
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25 février 2008

Pauvre con !

Difficile d'échapper au dernier débordement verbal de notre vibrionnant président au Salon de l'agriculture. Il serre des mains, s'approche d'un homme, et celui-ci lui dit « ah non, touche moi pas ! ». Sakozy lui rétorque « alors casse-toi ! ». « ... tu vas me salir », poursuit le premier. « Casse toi, pauvre con ! » terminerait le président [le son, inaudible, est sous-titré] en se tournant vers d'autres mains. Bel exemple de rejet mutuel duquel le président ne sort pas grandi. La vidéo crée un petit scandale. Moi, elle ne me choque pas. Je ne suis pas surpris par cet énième débordement d'un homme manifestement impulsif, prêt à en découdre avec quiconque se place sur son chemin. On l'a déjà vu prêt à se battre avec un marin-pêcheur, partir à l'abordage de journalistes sur leur barque, sans oublier le célèbre coup de Karcher. Le moins que l'on puisse dire est que sa capacité au dialogue courtois est assez fruste.

On lui reproche donc, à juste titre, de ne pas "tenir sa place" et de ternir l'image de la fonction présidentielle. Il est certain qu'il la repeint à sa guise... Mais qu'attendait-on de lui ? Qu'il change, alors qu'il se montre ainsi depuis bien avant son investiture au poste de candidat ? Comment peut-on encore être surpris par cet homme, qui reste fidèle à ce qu'il a toujours été ? Il est arrogant, démésurément ambitieux, dit ce qu'il pense sans prendre de gants. Il a été élu pour ça, il me semble... Cette façon d'être plaît à suffisamment de gens pour qu'ils l'aient mis à la tête de l'état. Tout ce que j'espère, c'est que ce qu'il nous inflige fasse un peu réfléchir à l'avenir...

Maintenant, après avoir vu sa part de responsabilité, regardons un peu la notre, outre le fait de l'avoir élu. Ce qui me surprend, voire me dérange, c'est cette attention constante que les médias lui portent, traquant le moindre dérapage pour le mettre en exergue. Certes, c'est leur rôle, mais ne contribuent-ils pas largement à ce qu'il entendent dénoncer ? À l'ère de la surinformation en temps réel, notamment via internet, il y a de quoi se poser la question.
Ce qui me chiffonne, c'est aussi la façon dont, assez unanimement, cet homme est conspué. Je ne m'inquiète pas pour lui, je suppose qu'il a le cuir épais. Mais quand même, à force de se foutre de sa gueule sans retenue, allant jusqu'à se moquer de son physique, n'atteint-on pas aussi, derrière l'homme, la fonction présidentielle ? Le type qui se trouve dans la foule (pour regarder l'animal de foire en représentation ?), et ne veut pas être touché par le chef de l'état pour ne pas être « sali », qui le tutoie, n'est-il pas aussi le produit d'une attitude collective qui manque singulièrement de retenue et de respect envers ladite fonction présidentielle ?

On attend d'un président qu'il se situe au dessus de ça, et qu'il garde son calme en toute circonstance, gage de sagesse et de tempérance. En bref : que l'homme s'efface derrière la fonction. Mais quand on élit collectivement un trublion arrogant et fier de l'être... et bien on a ce qu'on a voulu (ce qu'ils ont voulu...). Ce que je veux dire par là c'est que ce président est issu de notre comportement collectif, et de l'évolution d'une société dans laquelle nous avons tous notre part. Je trouve facile d'attendre systématiquement des autres (entendez, "ceux qui nous gouvernent") qu'ils endossent l'entière responsabilité de ce que nous sommes collectivement. Sarkozy est le président de la France d'aujourd'hui, et nous sommes tous co-responsables de ce qu'elle est. L'irrespect, les incivilités, la perte des repères, dont on parle tant pour les banlieues, ou à l'école, ce n'est pas Sarkozy qui l'a créé : il s'en est servi. Il contribue certes à l'entretenir, du haut de l'échelle symbolique... où nous l'avons placé. Qui est ce "nous", si ce n'est la société que nous faisons tous ?

Oui, je sais, beaucoup n'ont pas voulu de lui et se désolent de le voir persister dans la voie qu'ils redoutaient. Je partage leur avis, leur révolte, et comprends donc qu'il puisse y avoir une sorte de revanche jubilatoire à traquer ses dérapages, voire à le honnir. Fonction d'exutoire. Pour ma part, je m'attache à voir en quoi je suis "responsable" (pour quelques dizaines de millionièmes) de ce genre de dérives. Voila pourquoi je ne peux être solidaire du concert anti-sarkozien...

En revanche, les manoeuvres tendant à détourner la constitution me semblent beaucoup plus préoccupantes et appellent à une grande vigilance. C'est de ça dont il faut parler (mais c'est nettement plus compliqué...), pas des dérapages verbaux de l'auguste histrion.

Ce matin j'entendais à la radio que « De Gaulle avait taillé le costume de la fonction présidentielle à sa mesure». Il est vrai qu'il était grand... et que la société était bien différente. J'ai quelques difficultés à imaginer, sur les images noir et blanc de l'Ortf, un quidam apostropher le grand homme : « Ah non, Charlot, touche-moi pas, tu vas me salir ! »


Sur le sujet, voir aussi :

Commentaires
P
On peut toujours railler, Leunamme, et j'en comprends la fonction purgative. Cependant je trouve "facile" notre tendance à nous dérober devant nos propres responsabilités dans ce qui advient.
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L
Vous avez probablement raison, Sarkozy est à l'image de notre société.<br /> Est-ce une raison pour ne pas le railler et à travers lui denoncer la dérive de notre société?
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P
Tout à fait d'accord avec toi, Pivoine, sur le fait "d'entrer en résistance" contre ce que l'on perçoit comme menaçant. Mais ce combat là ne se mène pas par la seule critique superficielle d'un individu. Il demande une argumentation, un développement, une connaissance suffisante des enjeux. Finalement ce n'est pas simple d'entrer en résistance avec un minimum de pertinence et d'efficacité...<br /> <br /> Quant au fait de se sentir "responsable", c'est justement dans cette réistance, au quotidien et jour après jour que quelque chose nous incombe. On ne peut pas se défausser sans cesse en disant qu'on n'y est pour rien. Évidemment, on n'y est que pour très peu, mais ce très peu c'est à chacun de nous de s'en occuper. C'est comme pour le désastre écologique planétaire : personne n'est responsable... mais nous le sommes tous un petit peu. Le comportement collectif n'est que la somme de comportements individuels, et c'est là dessus que chacun peut agir. Ne jamais oublier que les pires atrocités ont été commises grâce à la dilution des reponsabilités...<br /> <br /> (je me parle à moi-même en écrivant cela)<br /> <br /> Guillaume, je ne partage pas cet avis. Il n'y a aucun courage dans la réponse de Sarkozy (par rapport à une supposée "lâcheté"). Juste un homme qui perd son sang-froid, alors qu'il lui est demandé d'en avoir aux poste où il se situe. Cependant il reste humain et soumis à l'impulsivité...<br /> <br /> Comme le cite Françoise (voir plus haut) d'autres chefs d'état on su répondre avec beaucoup plus de classe en glissant un brin d'humour.<br /> <br /> Quant au quidam insulteur (qui doit bien se marrer de voir le résultat de son propos), son attitude est effectivement méprisante et irrespectueuse, pas marquée du signe de l'intelligence. Elle lui fait mériter la réponse sarkozienne. Mais de lui on n'attend rien de particulier.
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G
La réplique du président a été spontanée, loyale et mesurée si on tient compte de l'injure odieuse, à la limite du racisme, qu'il a reçu.<br /> Aurait-il dû adresser une réplique « à la Jean Rostand ou Sacha Guitry », à son interlocuteur qui ne le méritait pas. <br /> S'il n'avait rien répondu, sûrement l'aurait-on traité de lâche .<br /> <br /> Guillaume
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P
Pardon, on ne réforme pas la constitution chez nous, on la "révise".
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P
Pierre, je suis 100% d'accord avec ta pensée et ta réflexion. C'est une réflexion fine et nuancée, qui balance bien les enjeux en présence, de l'un et de l'autre côté. <br /> <br /> Les seules choses où je nuancerais encore, c'est que je peux comprendre que l'on entre, par exemple, en "résistance" face au régime de Sarkozy (en démontant ses contournements de la Constitution, comme tu le dis, ah! Ces constitutions des différents pays européens... On aurait bien aimé les voir évoluer vers plus d'ouverture, pas le contraire...) c'est vrai pour la Belgique aussi où l'on s'apprête à réformer la constitution pour pouvoir un peu plus couper et vider le pays de son sang, sous la caméra vigilante des médias. <br /> <br /> Et doit-on se sentir comme responsable, même à un infime degré, de quelque chose qu'on n'a pas voulu, à quoi on est totalement opposé ? Je ne sais pas. Qu'on soit forcé de l'assumer, oui, mais qu'y avons-nous pris comme vraie part ?
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P
Oui, j'ai lu ça chez vous, Françoise :o)<br /> Effectivement il y en a qui on la classe, et d'autres pas...<br /> <br /> L'effet "rideau de fumée" des petites phrases, déclarations choc et autres anecdotes est efficace : bien souvent cela prend plus de place dans les conversations que ce qui passe plus dicrètement concernant des sujets majeurs. Il faut avouer que c'est plus simple à aborder, que ça fait aisément l'unanimité, tandis que débattre sur le fond demande des connaissances que nous n'avons pas tous.
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F
vous pouvez lire sur mon blog la façon dont de Gaulle et Jacques Chirac ont répondu à des insultes autrement plus graves: con et connard. Une autre classe...<br /> Cela dit, je trouve aussi très faux-cul les journalistes qui encensaient NS tant qu'il était haut dans les sondages et désormais vont à la curée parce qu'il s'effondre. Et comme vous, suis bien plus préoccupée par les questions juridiques et par son obsession de présenter comme des réformes ce qui est plutôt régression (et qui, de toutes façons est annoncé mais guère concrétisé, c'est une politique de verbe et non d'action)
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