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Alter et ego (Carnet)
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15 mars 2008

Manipulation et manigances

Aussitôt élu, ma naïveté se trouve confrontée à la réalité de la politique. Ou du moins une certaine idée que certains se font de la politique : la fin justifie les moyens.

Manipulation : Amener quelqu'un à agir dans le sens que l'on souhaite, s'en servir comme moyen pour arriver à ses fins.
Manigance : Manoeuvre secrète qui a pour but de tromper, de cacher quelque chose.


Je me suis fait berner comme un débutant (avec des circonstances atténuantes : je le suis !).

Non seulement j'ai été trompé, ainsi que quelques-uns de mes co-listiers, mais en plus j'ai été rendu complice, à mon corps défendant, d'une tromperie vis à vis des électeurs. Oh, rien de bien grave sur le fond, mais fort préoccupant quant au principe.

Voici les faits : celui qui s'est présenté comme "tête de liste" avait prévu dès le départ de se désister au profit d'un autre candidat. Pas n'importe lequel : un ancien maire qui n'avait pas été réélu. Très connu dans le village, ce dernier faisait duo avec celui qu'il présentait toujours comme « conduisant la liste ». Seule une partie de mes co-listiers connaissait la subtilité de la manoeuvre.

Quand, dans un certain flou, la nouvelle a été annoncée mardi soir à ceux d'entre nous qui l'ignoraient, j'ai été outré. Non seulement d'avoir été trompé, mais surtout de faire partie d'une liste qui cache cette réalité aux électeurs, attendant que le vote soit effectif pour dévoiler ses cartes. C'est comme si on vendait un produit pour le substituer par un autre une fois la vente conclue. Cette attitude va à l'encontre de mes convictions fondamentales. En outre elle s'oppose radicalement à une de nos idées fortes, bien mise en évidence dans notre programme : agir en toute clarté.

Certes le procédé n'a rien d'illégal : c'est bien le conseil municipal élu qui désigne son maire et rien n'oblige à ce que ce soit celui qui a conduit la liste. M'enfin bon... entre une possibilité de changement et une préméditation, il y a une nuance qui permet de s'en tirer à bon compte...

Là où j'ai ma part de responsabilité, c'est que j'avais flairé cette éventualité dès la première rencontre des deux comparses. J'avais bien senti que "tête de liste" avait davantage l'air d'un suiveur que le volubile bavard qui, à ses côtés, se présentait comme un humble assistant désireux d'offrir ses compétences. J'étais entré avec circonspection dans cette liste, attendant de humer l'ambiance au contact des autres, que je ne connaissais pas. Et puis à la longue j'avais vu se dégager de belles énergies, malgré la lourdeur empesée d'un passé dans lequel d'autres semblaient restés englués. J'ai préféré voir le bon côté des choses, faire preuve d'optimisme. C'est ma tournure d'esprit. Il n'empêche que quelque chose flottait dans l'air, qui perturbait ma pleine adhésion à ce groupe disparate.

Durant la préparation de la campagne il y a eu quelques frictions avec les revanchards. Sans eux, par ailleurs les plus motivés, nous aurions vraiment pu aller vers quelque chose de novateur et constructif. Il y a une quinzaine de jours, lassé des vieilles querelles et rancunes, j'avais pris la parole pour orienter résolument notre campagne dans le sens du positivisme et des idées qui donnent envie d'avancer. J'avais mis en avant ce qui nous avait chacun motivés à nous lancer, laissant de côté la logique d'opposition à "l'autre liste". Bref, penser "pour" plutôt que "contre". Plusieurs personnes m'avaient suivi dans cet élan. Mais dès le lendemain d'autres voix s'étaient élevées en disant qu'en étant trop gentils nous allions droit à la catastrophe. Dèjà il ne croyaient plus notre "victoire" possible et que "les autres" ne se priveraient pas d'utiliser n'importe quel moyen pour nous battre.

"Les autres"... ces vilains manipulateurs...

Je me suis dit que j'étais sans doute assez candide et qu'il fallait peut-être, effectivement, adopter une posture un peu plus offensive. Les sourires sont revenus parmi les grincheux et l'équipe semblait avoir trouvé une certaine cohésion. J'ai certainement eu une part dans notre élection puisque, avec un petit comité, je retravaillais les textes pour les rendre plus pertinents. J'ai ainsi été l'artisan d'une voie de compromis : choix des formules percutantes, à la fois positives et mettant en cause l'incompétence (réelle ou supposée ?) de l'équipe sortante. Toutefois, en mon for intérieur, j'aurais préféré que certains d'entre nous ne soient pas élus... et que quelques uns de nos "adversaires" le soient. J'estime que nous avons été élus avec une trop forte majorité.

J'ai été mal à l'aise de faire partie de cette bande lorsque j'ai constaté que mes co-listiers élus entendaient battre totalement la liste adverse de façon à en éliminer la moindre trace parmi nous : il fallait que notre liste entière soit élue. Qu'aucun des autres ne puisse se joindre à nous. Comme s'ils incarnaient le diable !

Beurk ! J'aime pas cet esprit...


Alors, quand j'ai appris la manigance, j'ai pensé à deux éventualités : la dévoiler publiquement avant le decond tour ou... démissionner à peine élu.

La première solution était très simple puisque c'est moi qui m'occupe du site internet. Hé hé, ça aurait fait du raffut dans le village ! Mais bon, en sabotant les plans de ceux avec qui j'étais élu je risquais fort de rendre l'ambiance future assez détestable. De plus ç'aurait été un abus de pouvoir que de me servir de cette tribune publique collective en mon nom personnel. Qu'en aurait-il été des possibilités ultérieures de travailler en équipe ? De toutes façons les initiés étaient en nombre supérieur que les ignorants...

La seconde option avait le gros désavantage d'être une fuite. En démissionnant j'aurais eu l'esprit tranquille et ma belle conscience pour moi... mais en même temps, en quittant le navire je laissais tomber ceux qui m'ont élu. De plus, je laissais libres les mains du manipulateur...

Cas de conscience, donc.

Quoi qu'il en soit j'ai manifesté très fermement ma colère et demandé des explications à l'instigateur de la manoeuvre. Je suis allé dire a ce très probable futur maire ce que je pensais de sa tromperie, envoyant un mail collectif aux autres membres de la liste. D'autres ayant aussi exprimé leur mécontement, l'effet immédiat aura été de provoquer une réunion de mise au point. Un tour de table a permis à chacun de faire part de son avis et de clarifier la situation. Plusieurs étaient très mécontents et se sont inquiétés des réactions des villageois quand ils apprendront le nom du maire. J'ai toutefois fini par me ranger à une évidence : il est important que nous restions unis. Nous allons quand même devoir travailler six ans ensemble...
Le manipulateur à tenté de s'en tirer pitoyablement en disant qu'il n'avait pas pensé à préciser à chacun les enjeux secrets... et qu'il n'avait pas eu le temps... et que la tête de liste avait été choisie par ordre alphabétique, et parce qu'il était le doyen... Bref : n'importe quoi. Un gamin pris les doigts dans la confiture et qui dit que c'est pas de sa faute.

J'ai désormais une capacité de lecture dans le langage du corps pour percevoir qu'il n'était pas à l'aise. Je l'ai vu déstabilisé, perdant son éloquence alambiquée, laissant échapper des phrases brutes très significatives. J'ai enfoncé le clou entre le prenant entre quatre zyeux, lui montrant que je n'étais pas dupe.

Cet homme est un politicard, habile parleur qui sait très bien noyer ce qui le dérange en faisant diversion. Je me méfiais de lui, maintenant je sais qui il est. J'ai compris clairement qu'il avait d'autres ambitions, à un niveau politique plus élévé. Pas forcément pour des avantages personnels (être maire n'est pas une place enviable, question tranquillité), mais parce que c'est sa conception de la fonction d'élu : être bien placé dans les instances supérieures pour que la commune bénéficie de tous les avantages possibles. Sans oublier que l'édile en bénéficie indirectement grâce au statut qu'il tire de la notoriété de sa commune. Certains ont besoin de ça...

Il va me falloir à mon tour tenter de manoeuvrer de l'intérieur, en m'alliant avec d'autres, pour débusquer les plans douteux et les contrer. La clarté ne viendra pas du côté des habitués à la fonction d'élu. A moi de jouer, à ma mesure, un rôle de contre-pouvoir au sein de l'équipe municipale.

Ce qui est certain c'est que notre manipulateur et son acolyte auront constaté qu'ils n'avaient pas avec eux une bande de béni-oui-oui. Finalement cette tentative de leur part nous aura permis d'être vigilants avant même que le conseil municipal ne soit mis en place. J'ai bien insisté sur le fait que ce qui était dissimulé, non-dit, finissait toujours par générer un trouble. Si notre équipe s'est trouvée désunie ce n'est pas parce que nous exprimons un désaccord, mais bien parce que nous avons été tenus à l'écart de certains éléments.

Confirmation, si besoin était, que le non-dit finit toujours par gangréner les relations, quel qu'en soit le type.

Je sens que je n'ai pas fini de rigoler avec cette bande hétéroclite...


(Ces péripéties éléctorales m'ont maintenu à l'écart de la blogosphère. J'espère que cela n'augure pas d'une désaffection trop marquée, faute de disponibilité...)

Commentaires
P
Je crois, Reve d'Été, que j'avais envie de mettre un peu les mains dans le cambouis, histoire de voir comment ça se passe de l'intérieur...<br /> J'aurai certainement des surprises, bonnes ou moins bonnes. Sinon je vais m'ennuyer ;o)<br /> <br /> Je crois que cette implication est utile. Ne serait-ce que pour empêcher les politicards d'avoir les coudées trop franches. Certes on ne peut pas les changer, mais baisser les bras d'avance manquerait quelque peu de détermination. Alors j'essaie... et je verrai bien.<br /> <br /> D'accord pour le principe de faire connaître la tromperie. Ne reste qu'à trouver la façon de le faire sans pourrir l'ambiance de collaboration au sein de l'équipe.
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R
Sourire, ou quand la politoc et les manoeuvres d'appareil reprennent le pas sur la démocratie pour servir un intérêt particulier, en l'occurence l'ego du futur maire (ou comment être viré par la porte et revenir par la fenêtre...) Je crains que tu ne sois pas au bout de tes surprises... et de tes peines, pour avoir gravité dans ce milieu quelques années. J'en suis sortie, la nausée au bec', jurant que l'on ne m'y reprendrait plus... et voilà, au bout d'un an... ça me manque déjà. Que faire ?<br /> <br /> Pour ma part, je pense que tu as bien fait de ne pas démissionner mais je pense qu'il faudrait quand même, pour qu'il n'y ait pas d'amalgame, que vos électeurs connaissent cette histoire, et surtout, sachent qu'un petit groupe d'élus s'est fait blouser, mais va se battre pied et poings pour défendre envers et contre tout(tous) LEURS intérêts de citoyens, ce pour quoi ils ont été initialment élus...<br /> Enfin bon... c'que j'en dis... sourire<br /> <br /> Bon courage, en tous cas... les discussions ne font que commencer...
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P
Oui, il faut voir si c'est tenable à la longue. Je te souhaite beaucoup de courage, mais si tu sens bien la chose, je veux dire, si tu découvres que tu aimes ça, pourquoi pas? Il y a un dicton qui dit que si tous les dégoûtés partent (de la politique), il ne restera que les dégoûtants. Mon ex a fait de la politique locale chez Ecolo... C'était à peur près du pareil au même. Des coteries et du phagocytage. Pour en tirer des bénéfices secondaires, peu connus du grand public (jetons de présence dans les asbl connexes...)
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P
Ta réaction ne me dérange aucunement, Cassy, puisque j'ai d'abord pensé comme toi. Je considère toutefois que j'ai un rôle à jouer en restant présent et vigilant. Une sorte de garde-fou. Par ailleurs ce n'est pas tellement une question d'intérêt particulier puisque la stratégie déployée vise à l'intérêt collectif... selon une certaine vision des choses. En fait c'est un intérêt particulier collectif : celui d'une commune parmi les autres. Ceci dit je n'adhère pas vraiment au principe...
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C
Personnellement, j'aurai démissionné. Et je n'aurai pas considéré ça comme une fuite. Pourquoi? Parce que l'important c'est d'être intègre avec soi-même, et faire selon ses propres convictions. Commencer un mandat sur des non-dits, sur des petites tricheries (même minime) c'est ne pas avoir confiance à soi, aux autres et faire passer son intérêt avant celui des autres. Ce qui ne devrait pas être la priorité d'un élu.<br /> J'ai été cofnronté à ce genre de "magouille"dans un autre milieu que celui-ci. J'ai demissionné parce que j'ai des convictions et que j'y tiens. On ne peut pas avoir 2 discours. Dire par devant: on travaille pour vous, on sera transparant, intègre, et tenir des propos différents par derrière. C'est une question d'étique.<br /> Excuse moi de réagir aussi promptement, mais c'est comme ça que je le ressens.
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P
Tu as raison Valclair, il y a une sorte de défi qui se présente devant moi : mettre en oeuvre tout un apprentissage plus ou moins théorique du relationnel. Ce ne sera pas forcément facile, parce que je constate déjà que les jugements à l'emporte-pièce, la critique systématique, les élucubrations infondées, ont une large place. C'est à un tout autre type de relations que celles que je privilégie que je vais me trouver confronté. Mais, après tout, pourquoi pas ? Je savais à peu près vers quoi j'allais en acceptant la charge... Et de toutes façons j'ai envie de me coltiner cette réalité. Je pense aussi que je peux jouer un rôle en agissant pour ce qui me tient à coeur, tant sur le fond que sur la forme.
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V
Je pense que ce sera pour toi un nouveau terrain très riche d'observation des relations humaines sur un autre terrain que celui qui a ta prédilection.<br /> Mais je pense aussi que les acquis qui sont les tiens dans l'analyse du relationnel intime te serviront et t'aideront à agir dans la présente situation.<br /> Ce qui ne veut pas dire que ce sera facile ou même vraiment possible si les situations et les relations entre les gens sont vraiment figées et bloquées mais en tout cas bon courage pour naviguer dans tout ça et bravo en tout cas d'essayer, ça c'est vraiment la politique au plus près et finalement au plus noble.
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P
Bonjour Yogi, fidèle lecteur...<br /> Je ne crois pas que je verserai dans le blog politique. C'est davantage le côté humain qui m'intéresse.<br /> Quant à devenir maire, je me suis posé la question mais d'une part cela demande des compétences, et d'autre part je redouterais d'y perdre beaucoup trop d'une liberté chèrement conquise. Et puis les cérémonies, les obligations, le bureau des pleurs, les récriminations des citoyens mécontents... je suis trop entier pour les prendre à la légère.<br /> <br /> Pour la question de l'anonymat, je reconnais que mon élection ne va pas dans le sens d'une sortie du bois...
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Y
Eh bien voilà autre chose ! Quel rebondissement ! Un blog politique maintenant ! Félicitations pour cette initiative d'implication dans la vie locale !<br /> Je vous lis depuis des années sur "l'autre blog", qui me touche particulièrement, et ne viens qu'occasionnellement ici. Je crois qu'en effet vos colistiers et vous n'en avez pas fini avec la découverte réciproque de vos valeurs et de vos réactions ! Ma foi ma foi, si vous vous piquez au jeu, si vous faites montre publiquement de votre sens de la justice et de votre humanité, vous risquez bien de devenir maire un jour ;-) !<br /> <br /> Maintenant que vous êtes un personnage public, dans ce village qui comme toute communauté semble avoir ses côtés "Clochemerle", où tous les coups bas peuvent parfois être permis, il me paraît clair en tous cas que votre anonymat restera toujours plus strict sur vos blogs !<br /> <br /> Très bonne continuation à vous ...<br /> Amicalement
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