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Alter et ego (Carnet)
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12 avril 2008

Boucler la boucle

1973
J'ai douze ans et je suis en échec scolaire marqué. Ma mère, inquiète, m'amène chez Mr S., psychologue dans le souci de me sortir de cette impasse. Il me fait passer des test, m'amène à dire ce que je vois sur des taches d'encre, me pose des questions, me fait raconter ma vie, mes rêves. Je me souviens très bien de l'entretien avec ce monsieur, qui se trouvait être le mari de celle qui me donnait des cours de dessin. Ce qu'on m'en dira, à l'époque, c'est que je souffre d'un "blocage psychologique". Autrement dit : ce n'est pas un problème d'incapacité à comprendre, mais bien quelque chose qui vient de moi. Ce qui me sera traduit en : « si tu le veux vraiment tu peux réussir ». D'une certaine façon je suis conduit à me sentir seul responsable de mon échec...

Maintenant je sais que le symptôme chez l'enfant devrait plutôt conduire le(s) parent(s) à se soigner. C'est d'ailleurs ce qui était induit dans l'avis que le psychologue avait transmis à mes parents, que j'ai pu lire des années plus tard. Je ne crois pas que mes parents aient vraiment adapté leur attitude en conséquence...

Avec le recul j'ai réalisé que ces années correspondaient à une déprime qui s'est prolongée tardivement dans mon adolescence, par ailleurs fort peu rebelle. Ado soumis et docile, gentil... qui a du trouver d'autres stratégies pour s'opposer. D'où cet échec scolaire "inexpliquable" réduisant à néant les ambitions paternelles. Le passage vers l'âge adulte a donc opéré de façon incomplète, et en particulier sur le plan affectif, donc relationnel. Ce qui signifie que, pour partie, mon psychisme est resté "enfantin". C'est un état incompatible avec l'état adulte et la vie se charge de mettre les choses à leur place tant qu'elles n'y sont pas. C'est ce qui a fort bien opéré chez moi, à partir de la quarantaine. Rattrapage tardif d'une adoescence inaboutie. Ça ne passe pas inaperçu pour l'entourage !

2008
Par un curieux hasard qui n'en est pas un je me retrouve à étudier le "développement psycho-affectif de l'adolescent" [tiens, tiens...]
La formation est très intéressante. Trop intéressante : on y parle notamment de l'échec scolaire. J'ai beaucoup de mal à me sortir d'une très forte résonnance avec mon passé. Ces ados dont il est question c'est moi ! On me parle de moi et chaque élément fait sens, confirme ce que j'ai déduit, explique et relie des éléments encore épars.

Durant cette session je me suis peu exprimé, trop pris dans mes ressentis. Je me suis senti en difficulté - selon le terme consacré - à plusieurs reprises, incapable de me mettre à distance. Bouffées de ressentis, de réminiscences, de clairvoyance. Passé et présent se sont téléscopés. Compréhension de beaucoup de mes attitudes récentes en matière de relations affectives. Mise en perspective, aussi, des attitudes de personnes avec qui j'ai été en relation. Qui peut se dire vraiment détaché de l'enfance ? Combien d'entre nous ne sont pas entièrement adultes ? Combien résistent à ce passage, à leur insu ?

Mais si j'ai ressenti aussi fortement les choses, c'est probablement parce que le psychologue qui nous transmettait son savoir sur l'adolescence n'était autre que... Mr S.
Trente-cinq ans plus tard je me retrouvais devant celui qui avait écouté l'ado renfermé que j'étais. Je ne suis pas allé me présenter, et il est probable qu'il ne se serait pas souvenu de moi. Mais je dois reconnaître que ça me faisait un drôle d'effet d'intervenir et échanger avec lui à titre professionnel au sujet des difficultés des adolescents. En quelque sorte c'était "boucler la boucle".

J'ai choisi de m'orienter vers la relation d'aide sans bien savoir pourquoi j'étais attiré dans cette direction,  mais je constate peu à peu que c'est surtout en pensant à l'aspect psycho-affectif des relations. Et si j'ai envie d'accompagner des couples en difficulté c'est parce que je sais que se rejoue dans ce type de relations, parfois intensément, ce qui s'est construit dans l'enfance et l'adolescence.

Ce qui confirme bien que ma démarche ne doit rien au hasard...

Commentaires
D
Très attaché aussi à ce respect de l'évolution permanente, possible, qui prend parfois la tournure de révolution, ou plutôt réévolution (comme chante Daho : néologisme qui me parle beaucoup, qui me semble très juste...)...
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P
C'est exactement ça, Kyrann : crise de quarantaine d'autant plus marquée que celle de l'adolescence n'a pas vraiment eu lieu. Je pense aussi que croire que les grandes mutations de l'existence se limitent à l'enfance et l'adolescence serait un peu court. On n'est pas définitivement "adulte" à vingt ans, et la crise de milieu de vie est loin d'être quelque chose de superficiel. Crise de maturité, ou entrée en pleine maturité, il se passe à ce moment là quelque chose qui affirme une personnalité plus autonome, plus "authentique", pour reprendre une expression dans l'air du temps.
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K
J’ai l’impression en te lisant que tu fais (ou a fait) comme moi : ta crise d’adolescence en même temps que ta crise de la quarantaine ... ;-)<br /> <br /> Je ne sais pas pourquoi on veut absolument faire une telle distinction entre l’enfance et l’état adulte. Pour moi, il y a d’abord un individu en constante évolution. Et je ne considère personne comme étant un réel adulte. Nous avons tous en nous un enfant qui pleure, qui cire et qui rit ! En vieillissant, il me semble qu’on change pour acquérir plus de sagesse et pondération... pour le reste, on fait surtout ce qu’on peut avec ce qu’on a...
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P
Camille, je me doutais un peu que tu pourrais intervenir ;o)<br /> <br /> Je dis souvent que l'autre est comme un miroir qui me renvoie mon propre reflet, ce qui me semble être assez proche de ce que tu dis. Parfois ça se passe bien et je me dis que ma façon d'être avec cette personne nous correspond. Parfois quelque chose coince, soit qu'on me renvoie une image de moi défavorable, soit que moi-même je vois en mon attitude envers l'autre quelque chose qui me déplaît. Quand l'autre me dérange... c'est de mon côté que j'ai à chercher ce qui coince.<br /> <br /> Dans l'instantanéité ce n'est guère possible, mais en prenant le temps d'y réfléchir ça peut devenir très éclairant... et dérangeant en moi, cette fois. Pour y voir clair je crois que le détour par l'enfance est souvent indispensable.<br /> <br /> Quant aux hasards, on sait qu'ils sont souvent des synchronicités : un état particulier qui nous rend sensible à certains éléments qui nous sont nécessaires pour passer un cap. C'est ainsi que certaines relations fonctionnent bien à un moment donné, puis s'éteignent lorsque les préoccupations ne sont plus dans la même synchronicité.
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C
encore une fois, tes mots montrent que les événements de nos vies ne doivent pas grand chose à ce fameux 'hasard'....<br /> c'est en partant de l'impression que 'tout est lié' et que 'tout a lieu d'être' que j'observe avec attention pourquoi et comment je suis en relation, de près ou de loin, avec telle ou telle personne....y compris ici, sur le net<br /> que ce soit avec ma famille ou mes amis, mes amours, mes collègues, je regarde comment JE me comporte avec toutes ces personnes....et c'est ainsi que je cerne mon propre 'personnage' ds l'histoire de la vie ;-)<br /> je crois que ça ne va jamais cesser cette analyse! ;-).....et parfois, c'est un peu déprimant, qd je n'apprécie pas ce que je découvre de moi, grâce à l'Autre....sourires<br /> <br /> c'est pas 'drôle' d'être 'lucide'......bien souvent, on aimerait encore croire à ce qu'on nous racontait de la vie qd nous étions enfants, même si ça ne nous plaisait pas tjs.....<br /> <br /> je me sens infiniment *marquée* par mon enfance et plus ça va, plus je pense qu'on ne peut passer outre ce qu'on a été, ce qu'*on* a fait de nous, mais qu'on arrive juste à vivre un peu mieux 'avec'....c'est sans doute déjà 'bcp' et je ne regrette pas d'avoir fait ce chemin de 'compréhension'.....qui n'a pas de 'fin'<br /> <br /> bisous, pierre
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