Une mère dans la bulle

Ma mère est entrée dans ma bulle ! Elle a lu ici même un peu de mes écrits.

Faut avouer que j'ai commis une imprudence, par ignorance : chez mes parents pour une nuit j'ai utilisé leur ordinateur sans effacer l'historique des pages parcourues. Je ne savais pas que le navigateur Orange laissait visible, je ne sais où, l'adresse des dernières pages consultées. Et bien que j'ai pris soin de ne pas saisir l'adresse de mon site il a fallu que le hasard s'en mêle. En lisant, dixit ma mère, « un très beau texte sur la séparation », chez Juju, elle a cliqué sur un nom de sa liste de liens qui l'inspirait. En l'occurrence Alter et ego...

Elle arriva donc ici, où elle n'a pas tardé à reconnaître mon écriture et le contenu de ce que j'évoquais. Ma photo floue lui confirma ses impressions. Heureusement que mon père lui rappela que je ne souhaitais pas que mes textes soient lus par mes proches, sinon elle serait probablement tombée sur des textes qui auraient pu la gêner. Et moi aussi... L'intimité en direct, l'accès à des facettes plus ou moins volontairement cachées, ne sont pas des situations anodines.

Cependant il n'y aurait rien eu de gravissime à ce qu'elle poursuive sa lecture. Je n'en aurais pas été mortifié. J'assume assez largement ce que je livre de moi ici. Il en aurait été autrement en un autre lieu d'écriture, beaucoup plus personnel et impliquant. Je m'y suis parfois montré sous des jours qui me dérangent, et qui demandent un certain recul. Et puis surtout je n'aurais pas envie que soit lu ce que je dis de mes proches. Ma vérité n'est pas la leur, mes ressentis sont subjectifs.

Au cours de ma vie d'écrivant en ligne, puis de blogueur, je me suis régulièrement demandé s'il était judicieux d'ouvrir mes sites à ceux qui me connaissent. Je pense à mes enfants, quelques membres de ma famille, des amis... Mais toujours j'ai repoussé, sachant très bien que mon écriture serait transformée. J'ai pris le parti, faute d'avoir tranché, d'avoir cette sorte de double vie. Chercher à réunir sous une seule identité ce que je suis aboutirait inévitablement à réduire l'étendue de mes registres d'expression. Certes je me montrerais différent de ce que mes proches connaissent de moi, mais je crois que je perdrais davantage que je gagnerais à ce jeu de l'impossible transparence.

Finalement c'est un peu comme dans les couples : parfois mieux vaut se taire que dire une insupportable vérité.

Comments

[Pierre]

Ah oui Pati, je me suis souvent dit qu'il y aurait un côté pratique à laisser libre accès à mon entourage. Je garde d'ailleurs cette idée dans un coin. Mais je sais aussi que je me sentirais moins libre, alors que pour le moment j'ai envie de sortir du cadre...

Et puis écrire en se sachant lu et être "découvert" ce n'est pas la même chose ;o)

Pour ce qui est de mon "oubli", il indique aussi que j'attache peu d'importance à l'éventuelle découverte de mes écrits. Auparavant j'effaçais en effet l'historique. Et puis... qui sait si, bien enfoui, il n'existerait pas le désir d'être lu ? Mes enfants, mon (ex)épouse, mon (ex) amour connaissent le nom de mes sites et rien ne les empêche de s'y rendre, sauf le respect de ma demande qu'ils n'y aillent pas. Mais ce n'est pas une demande expresse et ils peuvent prendre la liberté de transgresser ma demande. Rien de ce que j'ai écrit n'est de nature à me plonger dans l'embarras.

[pati]

ma position, tu la connais, Pierre ;)

mes proches connaissent mon blog, et me lisent. je dirais même que c'est devenu pour eux une façon comme une autre d'avoir de mes nouvelles ! en fonction du ton de mes notes (voire de la présence ou non de nouvelles notes!), ils devinent mon état d'âme, et savent s'ils doivent intervenir, ou pas.
c'est pratique, finalement ;))

j'ai souri en lisant Valclair... et suis tout à fait d'accord avec ce qu'il dit ici:
"Mais je me demande aussi si peu à peu, je ne le souhaite pas, je ne fais pas, de gestes manqués en gestes manqués tout pour que mes relations et proches hors blog finissent par tomber dessus (avec la réserve que j'ai aussi par devers moi quelques billets résolument hors ligne et qui le resteront). "
ce qui m'a amené à me demander si toi aussi Pierre, tu n'avais pas peché par ce coté-là de la lorgnette, en "zappant" l'historique des pages consultées, présent sur quasi tous les opérateurs... ;))

amitiés encrées... :)

[Pierre]

Valclair, j'aime ta précision sur le sexe des blogueu-ses, qui a toute son importance...

« Oser être soi sous le regard des autres », c'est parfois un vrai défi. Surtout quand il y a une hésitation à mettre en ligne, à choisir tel ou tel mot, évoquer une situation particulière. Certains de mes textes ont été comme "arrachés"... mais d'autres représentent une véritable libération.

La réaction de ta mère est très positive, Samantdi. La mienne est beaucoup plus circonspecte lorsque je lui parle des rencontres que j'ai pu faire grâce à l'écriture en ligne. Pour elle c'est comme si c'était "pour de faux", voire risqué. Faut dire aussi que s'est produit exactement ce qu'elle redoutait : que tout cela ait des conséquences sur mon couple. Mais comme le dit Valclair, c'est aussi ça "oser être soi"...

[samantdi]

J'aime beaucoup aussi la formule de Kyrann : "Je dirais surtout que j'adore que ceux du blog entrent dans ma vie... alors que je n'aimerais pas que ceux de ma vie entrent sur mon blog."

Ma mère ne lit pas mon blog parce qu'elle ne sait pas utiliser un ordinateur et n'a aucune envie d'apprendre. Mais elle sait que j'ai un blog et je lui ai dit que je racontais l'histoire de ma famille dans "Le café des platanes". Ceci nous a amenées à des conversations très intéressantes, je lui ai demandé de me raconter certains épisodes anciens, elle m'a aussi donné accès à de nouvelles informations que je ne connaissais pas (et qui étaient importantes pour moi).

Enfin, elle est fière que je tienne ce blog, qu'il m'ait permis de faire des rencontres, que les gens aient aimé lire ce petit feuilleton.

[valclair]

Comme Kyrann je dirai que j'aime bien que les blogueurs (enfin surtout les blogueuses !) entrent dans ma vie, alors que je m'effraie de ce que les non blogueurs de ma vie entrent sur mon blog.
Mais je me demande aussi si peu à peu, je ne le souhaite pas, je ne fais pas, de gestes manqués en gestes manqués tout pour que mes relations et proches hors blog finissent par tomber dessus (avec la réserve que j'ai aussi par devers moi quelques billets résolument hors ligne et qui le resteront).
Je ne crois pas toutefois que ça pourrait aller jusqu’à mes parents. Là il y aurait un blocage absolu . Enfin ça ne se pose pas, ma mère n’est plus de ce monde et mon père est définitivement rétif à l’ordinateur !
Mais je suis assez stupéfait que Juju ait pu laisser son blog ouvert à son père, un blog sacrément intime. Mais c’est chouette finalement.
Car derrière tout ça, derrière nos efforts et contradictions de communication il y a une volonté à oser finalement être soi, sous le regard des autres, de tous les autres et ça c’est foncièrement positif.

[Pierre]

Hé hé, tu mets le doigt sur une de mes contradictions, Yogi : rester discret tout en laissant des pistes pour qui voudrait trouver. Disons que c'est une façon de donner accès à une part de mes pensées à qui voudrait vraiment les connaître... tout en devant transgresser un "interdit" symbolique.

[Yogi]

Bah alors faut-il laisser un lien ici vers l'autre lieu ? Est-ce pour tenter le diable ?

[Pierre]

Oui Kyrann, pouvoir être aussi transparent dans le monde réel que dans celui du net est une des surprises de ce mode de communication. Cela peut aller vers des relations assez particulières, faites d'une connaissance intime de l'autre et du grand respect qui l'accompagne. Comme toi j'apprécie beaucoup lorsque le monde du net se matérialise dans des rencontres. C'est toujours un plaisir pour moi.

Tu as raison de souligner aussi à quel point les choses peuvent se compliquer lorsque une relation, pour une raison ou une autre, fait que l'expression devient bridée.

Juju, tu n'as pas à t'excuser de quoi que ce soit : tu n'y es pour rien et c'est sans conséquences :o)
J'aime beaucoup ce que tu racontes du lien avec ton père? Avoir trouvé un nouveau champ d'expression grâce à ton blog, c'est une belle histoire que tu racontes là.

[juju]

OUPS! sorry Pierre.... quelle petite curieuse ta maman!!!
quelle drôle d'histoire!!

mon premier blog je l'avais donné à mes proches pensant qu'il serait un simple lieu de transmission de photos et de nouvelle de la famille...très vite il est devenu mon refuge et m'a permis de me remettre à l'écriture, puis à partager et découvrir d'autres gens.L'adresse était donnée et souvent je me demandais en écrivant si je pouvais dire ce que je disais sachant que mes parents en particulier mon père lisaient très régulièrement..j'ai décidé de dire et écrire exactement mes sentiments et mes pensées...partant du principe que je n'obligeais personne à lire...et que cet endroit c'était moi telle qu'elle sans faux semblant, en parfaite transparence. au final, même si je suppose que mon père a été sans doute parfois gêné-bien qu'il ne m'en ai rien dit-cela a conduit à enrichir nos sentiments ou tout du moins leur expression...mon père m'a découverte telle que j'étais réellement, il a compris mon amour pour mon mari, il a pris la mesure de toute ma sensibilité et de ma force...cela l'a rassuré et conquis! Maintenant nos rapports et nos conversations sont fluides, d'égal à égal, et beaucoup plus respectueuses.
Depuis que j'ai fermé ce blog, j'ai cependant gardé ce nouveau lieu pour moi...parce que je n'ai plus ce besoin inconscient qu'il le lise pour me comprendre enfin...parce que je sais être sans son assentiment, parce que je m'accorde enfin d'être sans son regard, parce que surtout je suis enfin devenue une femme et que la fille n'attend plus la fierté de son père.

Contente quand même que ta maman, ait aimé mon texte, merci à elle!

[Kyrann]

C'est vrai que ce n'est pas toujours évident de faire face à quelqu'un qui lit notre blog... ou de donner son adresse à quelqu'un de notre entourage.
J'ai fait le même choix que toi ... garder les deux "mondes" séparés... pour la liberté que ça permet.
Mais peu à peu, on rencontre les gens qu'on connait par les blogs... et là, y a quelque chose d'assez magique. Pouvoir être aussi transparent dans le réel que sur le net ! Etre enfin soi-même alors qu'on est dans la vie bien "réelle".
(Même si parfois, le fait d'être lu par certains avec qui on vit une histoire, prive d'un peu de liberté.)
Je dirais surtout que j'adore que ceux du blog entrent dans ma vie... alors que je n'aimerais pas que ceux de ma vie entrent sur mon blog.