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Alter et ego (Carnet)
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14 septembre 2008

Quittons-nous ensemble

Tout à l'heure je discutais avec une amie proche qui a décidé de se séparer de son mari. Pour des raisons qui lui sont propres elle ne l'a pas clairement annoncé, préférant mettre, le jour venu, son conjoint devant le fait accompli. Elle entretient ainsi un certain flou, tout en déplorant l'attitude du mari qui se comporte mal avec elle.

Bien que considérant que dire la vérité au plus tôt serait la meilleure des choses je lui ai aussi suggéré de réfléchir auparavant à des situations de repli pour l'après-annonce. Parce que son mari pourrait bien réagir de façon assez virulente en constatant une situation qui lui sera alors imposée sans alternative.

J'ai proposé à mon amie de mettre en oeuvre une solution plus douce que l'annonce sèche et brutale. Cela pourrait consister à annoncer clairement que, devant une situation de couple ne lui convenant plus, elle a pris la décision ferme d'entreprendre une démarche auprès d'un professionnel pour voir comment agir. Le but avoué n'étant ni de rétablir le couple, ni de le séparer, mais en partant du constat que quelque chose ne va plus décider de la suite à donner. Outre le fait de ne pas se sentir subitement acculé dans une impasse, ce passage par un tiers expérimenté est une formule qui atténue l'effet de choc et les risques de conflit frontal (présence d'un tiers modérateur qui ne se laissera pas prendre dans des enjeux de pouvoir).

Faire un constat d'échec commun me semble infiniment préférable à une "fuite" individuelle laissant l'autre désemparé. Car se voir imposer une séparation brutale, comprenant par là qu'elle était déjà en gestation, en quelque sorte préméditée, mettra inévitablement face à un sentiment de tromperie. Et se sentir acculé peut déclencher une forte résistance, qui peut se traduire par un refus, blocage, et finalement décision de compliquer au maximum la mise en oeuvre du processus, aussi inéluctable soit-il. C'est comme ça qu'on en arrive à des conflits extrêmement violents, destructeurs, avec des oppositions farouches et définitives. C'est le prix qu'on fait payer à l'autre pour la souffrance ressentie.

Mon amie me dit alors qu'elle redoutait, devant un tiers, d'avoir à dire des choses trop difficiles à entendre pour le mari. À savoir qu'elle ne l'aime plus depuis très longtemps. Je lui ai répondu qu'au contraire poser des mots sur une réalité permettait d'en donner le sens. C'est fournir une clé de compréhension, indispensable pour accepter ce qui, sans cela, sera inacceptable. Faut de clé, en voulant "protéger" son mari, elle le rend fou d'incompréhension. Actuellement il cherche, par tous les moyens, à comprendre ce qu'il pressent. Il peut à la fois être tendre et odieux, aimant et dénigrant, attentif et (faussement) indifférent. Il cherche quelque chose, sans savoir quoi, parce qu'il ne comprend pas ce qui n'est pas nommé.

Les mots peuvent être durs à entendre mais donnent le sens de ce qui se passe et ouvrent la porte pour la suite à donner. Vouloir "protéger" l'autre, c'est en fait une façon de se protéger soi : ne pas avoir à dire les mots qui vont faire mal. Ne pas se sentir "méchant" de faire souffrir l'autre. C'est ne pas le considérer comme un adulte, mais lui cacher la vérité comme on le fait avec les enfants lorsqu'on a peur de leurs réactions. Il n'en est que plus facile, devant les réactions de douleur du quitté (hostilité, tristesse, déprime, comportements agressifs, réactions de rejet, attachement exacerbé...) de déclarer qu'une telle personne est insupportable... et confirmer ainsi le choix de la séparation ! Ainsi, l'autre qui a été laissé dans l'ignorance (et n'a pas voulu voir...) devient "le méchant" parce qu'il a un comportement insupportable. Le quittant se voit ainsi blanchi de la culpabilité qu'il ressent, encouragé par l'entourage à quitter un être aussi abject. Oubliant que ces deux-là se sont aimés un jour, appréciés, mais n'ont simplement pas su rester en contact avec leurs sensibilités respectives.

Faire le constat commun d'un échec c'est aussi donner la chance à chacun de verbaliser tout ce qui n'avait pas été dit et empoisonnait la relation. C'est faire circuler des mots trop longtemps retenus. C'est prendre le temps de délier ce qui s'était mal noué... et se libérer mutuellement. Seule chance de voir évoluer la relation vers une amitié où la confiance demeure parce que personne ne se sera senti floué.

Commentaires
T
Merci pour cette publication intéressante, et qui me parle tellement en ce moment. J'ai reçu un mail comme point de départ de la séparation. Je me sens réduite au silence. Sauf que tout crie en moi. <br /> <br /> Dois-je respecter le silence imposé par l'autre ou respecter mon désir de mise en mots qui m'immobilise en moi-même ?<br /> <br /> Je nage en eaux troubles...
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P
En te lisant, Christine, je mesure un peu mieux les différences de perception, qui entrainent des différences de réaction. A mes yeux, tenter de répondre aux demandes de l'autre, si toutefois elles restent acceptables (mais qui va définir le seuil ?), me semble préférable. Je vois, dans plusieurs commentaires, que cette solution n'obtient pas tous les suffrages. Pour moi la durée compte moins que le résultat, et que ça dure "des jours et des jours" ne m'effraie pas. Mais je conçois qu'il puisse en être autrement. <br /> <br /> Mais comme vous le dites, Fillebavarde, opter pour le silence peut permettre de sortir d'une épreuve qui paraît "insurmontable", et le devient de ce seul fait. A ce stade, l'incapacité du quitté à "accepter" et celle du quittant à "accompagner" s'opposent et conduisent à une souffrance réciproque. Accompagnée, souvent, du ressentiment qui permet aussi de briser le lien...<br /> <br /> Encore merci pour ces contributions.
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F
Je passe de temps en temps sur votre blog...<br /> Je ne laisse jamais de commentaires...<br /> Là le sujet abordé me parle tellement...<br /> Je viens donc lire vos lignes...vos échanges...<br /> Communication ? silence ? aide ? tierce personne ?<br /> Je ne sais pas quelle est vraiment la vraie solution...je dirais il faut faire comme on peu...le parcours pour retrouver le bien être est effectivement au fond de soi...<br /> Ce chemin pour y parvenir je l'ai choisi dans le silence...parce que je suis incapable de faire autrement...trop de douleurs...des incompréhensions...<br /> Je reviendrais lire vos échanges...c'est important d'avoir les mots des autres...
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C
Pierre, je pense que montrer sa souffrance à celui que l'on quitte c'est augmenter son incompréhension : "Ben alors, pourquoi tu me quittes...?" et la discussion est sans fin et peut durer des jours et des jours. Je l'ai vécu d'où ma réserve à dévoiler réellement ce que l'on ressent bien que je sois tout à fait d'accord sur le fait de donner des explications claires. Il faut aussi tenir compte de l'état du quitté qui n'est souvent plus en mesure de comprendre tant la douleur occulte tout. Il a fallut du temps à mon ex mari pour comprendre et pour l'entendre me dire "tu avais raison, j'étais invivable et je m'en excuse... je comprends ta position et cela m'a fait changer aujourd'hui". Cette simple phrase a été pour moi bénéfique car elle m'a déculpabilisée et a permis de recréer un lien d'égal à égal avec mon ex mari.
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C
@Armandie, c'est très interressant ce que vous dites et avec du recul, je ne pense pas avoir été prise en otage. Mon mari a beaucoup souffert de cette séparation qu'il n'acceptait pas venant d'une "gentille" femme comme moi. Il ne s'attendait pas à ce que je tourne la page sur nous et notre histoire. Il a fait trois tentatives de suicide et j'avais peur pour le père de mes filles. Oui, je me sentais coupable et en même temps il fallait que je tienne bon face à cette détresse avec le désir de ne pas céder. Alors, dans l'espoir de calmer ses envies de mettre fin à ses jours, je suis restée présente à chacun de ses appels essayant de le calmer, de lui dire que j'étais là. Oui, j'étais son antidote, il me l'a dit clairement. Lorsque je passais le voir à la clinique dans laquelle il a souhaité se faire enfermer pour se protéger de lui-même, il me disait que cela lui faisait du bien et petit à petit, il a accepté la situation. Aujourd'hui il est remarié et heureux mais j'ai passé des moments très difficile sans pour autant me sentir bien avec ces kilos en moins bien que ma santé n'ait pas été en danger car j'étais surveillée par mon généraliste.
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P
Comme promis (mais avec un peu de retard), voici me observations à la suite de vos commentaires, dont je vous remercie.<br /> <br /> Vos commentaires proposent les deux versions pour une séparation : solitaire ou ensemble.<br /> <br /> Parce que cela va à l'encontre de mes convictions, ce que développe Taisy m'intéresse : « Partir est un acte fort dont la valeur est aussi proportionnelle à la souffrance endurée. C'est le prix à payer qui donne parfois la pleine mesure de l'acte. ». Je suis d'accord avec l'importance de cet aspect "personnel" de l'acte, et la symbolique de la souffrance peut jouer un certain rôle... mais je me demande si l'assumer seul apporte réellement quelque chose d'utile.<br /> <br /> <br /> Je me sens davantage en accord avec Jeanne, quand elle défend « Que chacun respecte non seulement l'autre mais se respecte lui-meme ainsi que le couple qu'ils ont formé ». Comme elle, je ne crois pas qu'il y ait respect de l'autre quand on le laisse se débrouiller seul avec le vide créé par "l'abandon" du couple. Ça me semble un peu facile...<br /> <br /> Contrairement à ce que dit Christine, je crois que le quittant peut tout à fait dire sa souffrance. Quitter est un acte souvent difficile, tant pour soi que pour ce qu'on impose ainsi à l'autre. Je crois que le quitté peut entendre cette souffrance, qui montre qu'il reste de l'amour, ou au moins de l'attachement, de la compassion. Personnellement j'ai apprécié de savoir que ma femme souffrait et se culpabilisait de me quitter. Cela humanise la séparation, qui restera de toutes façons une déchirure.<br /> <br /> Armandie va plus loin : « celui qui est quitté n'a-t-il pas le devoir, envers lui-même et envers la relation passée et donc envers celui qui en a été l'artisan avec lui, de garder dignité et d'amoindrir la culpabilité de celui qui quitte? ». Là, ça me semble fort ! Demander de garder de la dignité lorsqu'on se voit imposer quelque chose qui anéantit (temporairement), me paraît être une inversion des rôles, et là encore une certaine "facilité" pour le quittant. Mais comme le précise Armandie, cela dépend aussi beaucoup de l'investissement relationnel et de la durée du couple.<br /> « l'aide et les réponses pour passer le cap, on les trouvera partout mais certainement pas chez son ex. » A mon avis on les trouvera un peu partout, mais surtout en soi. Par contre, disposer de clés de compréhesion ne pourra venir que de l'ex, puisque lui/elle seul(e) peut expliquer les raisons, conscientes ou inconscientes, de sa décision. Parfois il faudra du temps pour y parvenir. De la présence ou absence de ces informations découlera la rapidité et le complet passage du cap. Sans cela le quitté restera avec des suppositions qui peuvent rester assez inconfortables et empêcher ce passage complet.<br /> <br /> Pour ce qui est de faire intervenir un tiers, formé pour cela, Taisy, Krilou et Pivoine ne semblent pas y adhérer. Mais peut-être est-ce aussi en pensant à des situations ou le dialogue est perçu comme impossible ? Pour ma part je vois dans ces tentatives de dialogues accompagnés une reconnaissance commune d'une des raisons de la séparation : l'insuffisance de communication.<br /> <br /> Taisy dit aussi : « La stratégie que tu suggères a quelque chose d'un peu pervers en ce sens qu'elle établit la supériorité implicite de celui qui aime le moins, qui plus est devant un tiers. » Je crois que celui qui aime le moins (encore faudrait-il préciser ce qui est considéré comme "aimer"...) a toujours une supériorité implicite : il est le maître du jeu parce qu'il à moins à perdre, amoureusement parlant. Devant un tiers peut-être les choses deviennent plus explicites.
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P
Se séparer. <br /> <br /> La diversité des commentaires montre que chaque histoire est différente, même s'il y a de larges tendances qui se dessinent. <br /> <br /> Ex. Une femme qui quitte quelqu'un pour mieux vivre (ou parce qu'elle aime ailleurs ou parce qu'elle n'aime plus), un homme qui quitte sa femme après xx années de mariage (schéma anciennement répandu), et il y a aussi celle qui quitte en cachette (parfois avec la complicité de la famille) parce qu'il y a la violence physique en gestation et présence d'autres situations de violence dans le mariage passé. Même si on s'est aimé au départ. <br /> <br /> Qui dit violence, verbale, psychologique, financière, sexuelle, dit irrespect de l'autre. Comment dialoguer subitement avec quelqu'un alors que toutes les situations où il aurait fallu parler sont arrivées et qu'on n'a pas compris ce qui se passait? Dans ces cas-là, il n'y a plus qu'une solution, se couvrir juridiquement parlant. C'est vrai que cela décuple encore plus la violence de l'autre, mais au final, on se met à l'abri par rapport à l'action en justice. <br /> <br /> Parfois, plus tard, le temps passant, la paix revient. Personnellement (puisque j'ai été dans le cas), je ne l'aurais pas cru, il y a presque dix ans. Il faut dire aussi que dans l'état d'extrême perturbation où j'étais (et je ne connaissais personne et je relevais d'une grave opération => la particularité d'une violence justement exercée sur une personne diminuée physiquement et moralement) je ne me voyais pas entamant un appel à l'aide, genre médiation ou autre. (Il n'y avait qu'un tribunal d'ailleurs, pour imposer une médiation au cas où mon fils n'aurait plus voulu me voir par exemple)...<br /> <br /> A noter que si désormais, en Belgique, depuis l'ancienne majorité parlementaire, (libérale-socialiste), on divorce facilement, les procédures pour le droit de garde des enfants et le partage des biens, elles, ont continué de durer des années. Parfois de cinq à sept ans ! <br /> <br /> A part cela, je regrette terriblement d'avoir vécu dans une époque où l'on divorce à la moindre épreuve. Divorcer parce qu'on n'aime plus? Parce qu'on n'est plus amoureux? Mais il y a tout de même autre chose dans l'amour que cette dimension être amoureux... Il y a l'affection enrichie par une vie en commun, par une construction commune. Evidemment, il vaut mieux dans ces cas-là éviter qu'une tierce personne s'en mêle. Car là, à part les couples qui acceptent le partage (et même, on n'est jamais sûr!) on a affaire à une pierre d'achoppement de première catégorie...
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A
Je trouve, encore une fois, le post interessant et les positions divergentes de jeanne et taisy très enrichissantes moi aussi.<br /> je voudrais également poser une question à Christine: "vous êtes vous senti mieux, ou utile d'avoir tant souffert et même de voir votre santé mise en péril par cette radicale perte de poids?"<br /> Loin de moi l'idée de juger votre ex-mari mais je me demande si en vous demandant d'être présente il n'a pas souhaité obtenir réparation de la souffrance qu'il endurait tout en gardant un lien d'intimité avec vous (vous aviez en quelque sorte, la charge de le soigner de sa douleur, vous aviez été le "poison" vous deviez être "l'antidote") A mon sens c'est jouer avec les sentiments mais aussi avec les valeurs de celui qui quitte. Votre ex époux vous savait capable de compassion et(excusez ces mots, je ne veux vraiment pas porter de jugement moral sur votre ex-mari et il vivait une grande détresse) mais celui qui est quitté n'a-t-il pas le devoir, envers lui-même et envers la relation passée et donc envers celui qui en a été l'artisan avec lui, de garder dignité et d'amoindrir la culpabilité de celui qui quitte? je suis assez "jeune en amour" bien sûr et peut-être mes opinions s'appliquent-elles plus volontiers à des relations intenses mais courtes ou l'éducation d'enfants et les biens matériels ainsi que la vie sociale de chacun ne sont pas grandement impliqués,mais il me emble tout de même qu'après un certain nombre d'explications l'on comprend que celui qui quitte sera forcément incohérent (puisque s'il quitte c'est parce qu'il n'aime plus et que l'amour est un sentiment, non une idée)et que donc l'aide et les réponses pour passer le cap, on les trouvera partout mais certainement pas chez son ex. Pour moi Christine, vous avez été prise en otage, soit par votre ex mari , soit par vous même et la culpabilité que vous ressentiez ainsi que par votre sens du devoir. Qu'en pensez vous?
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C
Jeanne, je comprends ta souffrance pour l'avoir moi-même provoquée lorsque j'ai quitté mon mari. Je me suis expliqué avec lui maintes fois, il a compris mais cela ne l'a pas empêcher de souffrir. Mais je peux aussi dire que j'ai souffert d'être à l'origine de cette souffrance sans pouvoir rien y faire que d'être présente. J'ai fait souffrir le père de mes enfants et je m'en voulais mais j'avais atteind le breakpoint. Je ne mangeais plus et j'ai perdu 6 Kg en 1 mois... La souffrance existe mais on ne peut pas dire à l'autre qu'on souffre... il ne comprendrait pas je pense alors on fait le fort, on lui remonte le moral, mais que faire de plus ?
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J
Je suis désolée Taisy d'avoir écorché votre pseudo et je serai doublement désolée si mon commentaire vous amenait à vous taire. Il m'a été difficile d'exprimer ce que je ressens, la souffrance que j'éprouve ; pour autant, le blog de Pierre est un lieu où la parole peut se dire et ce que vous avez à dire est important. Que nous ayons des expériences différentes, que nos ressentis soient à l'opposé c'est certain ! et pourtant, malgré ma difficulté à "entrer" dans ce que vous avez dit, je trouve ce contrepoint au billet initial interessant et j'espère vous relire très bientôt.
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