La chance des chocs
Il y a quelques jours Samantdi à écrit un billet évoquant ces matins quand, au lendemain d'un évènement inimaginé, il faut raccrocher de nouveaux wagons au train d'une vie qui s'en trouve métamorphosée. Quand quelque chose a définitivement et irrémédiablement changé en soi. Quand le regard porté sur le paysage n'est plus le même parce que les repères d'avant se sont dérobés, déplacés, modifiés.
Ce billet m'a troublé et j'ai pu constater que d'autres y avaient apporté leur contribution.
Si je ne me souviens pas avoir vécu quelque jour particulier qui aurait pu éveiller ce sentiment aussi nettement, en revanche je garde incrusté dans ma mémoire nombre d'évènements qui ont fait qu'il y avait un avant et qu'il allait y avoir un après. A défaut de jours d'après, il y a eu des instants-clé qui ont généré des temps d'après. Il n'y a pas eu de ruptures radicales mais plutôt des points de départ à des inflexions de parcours. Chocs qui déviaient ma trajectoire davantage que ce qu'aurait pu laisser croire leur intensité du moment, fut-elle forte émotionnellement parlant. Ces secousses n'étaient pas forcément chargées négativement, d'ailleurs. Bien au contraire !
Nombre de ces chocs ont été précoces, dans ma petite enfance, sans que je n'en aie réelle conscience sur le moment. Ils ont conditionné à la fois la construction de ma personnalité et mon parcours, je l'ai compris bien plus tard. Quelques uns, plus précis et réellement ressentis dans l'instant ont eu lieu à l'adolescence, avec des cassures nettes dans la confiance que j'avais pu accorder, mais aussi des instants d'ablouissement auxquels je me suis raccroché pour croire en la vie. Je pourrais même dire que ces moments m'ont indiqué le sens que je pouvais donner à ma vie.
Devenu adulte il y a eu des propulsions inattendues qui ont fait que ma vie s'ouvrait à de nouvelles dimensions. Des moments forts qui m'ont fait devenir "un autre homme" presque instantanément. Je pense notamment à la naissance de nos enfants, mais surtout à des chocs amoureux. Je garde à ce sujet bien davantage de souvenirs émerveillés que ceux qui, plus tard, ont pu me désenchanter. Là encore, dans la douceur ou la douleur j'ai vu une façon de trouver un sens à l'existence, voire de lui en donner.
En songeant à tous ces moments-clé je constate que les jours heureux et malheureux ont toujours contribué, finalement, à me faire voir les bons cotés de l'existence. Directement ou par leur face cachée. Je ne sais pas vraiment si c'est une tournure d'esprit qui me fait "positiver" ces aléas ou si ma volonté, mes croyances, y sont pour quelque chose, mais j'y vois une chance. Celle de me donner une assurance dans l'existence, qui aboutit invariablement au dépassement de mes doutes.