Je l'aimais
Un homme se lance dans le récit d'une période qui, des années plus tôt, a profondément bouleversé sa vie. Marié, il a vécu une rencontre amoureuse intense avec une femme libre vivant à l'autre bout du monde. Relation épisodique, alternance d'absences et de retrouvailles selon leurs possibilités. Pour toutes sortes de bonnes et mauvaises raisons, il ne s'est jamais résolu à abandonner sa femme, à oser changer de vie en allant vraiment vers celle qu'il aimait et qui l'aimait. Alors elle l'a quitté, s'est effacée, a disparu. Sans qu'il ne sache vraiment pourquoi. Sans qu'il l'ignore totalement.
Hein ? quoi ? une ressemblance ? Euh... ceux qui ont cru lire ma propre histoire n'ont effectivement pas tout à fait tort... et pourtant ils se gourrent ! Car ce récit est la trame d'un roman d'Anna Gavalda : « Je l'aimais ». Le narrateur, un homme d'âge mûr, raconte cette aventure à une femme qui, effondrée, vient d'apprendre que son mari la quittait pour une autre. Ce dernier, fils du narrateur, a osé, lui, aller au bout de son désir... Le narrateur considère que ce choix à sauvé le jeune couple du naufrage dans des faux-semblants dont lui-même goûte l'amertume depuis longtemps. La jeune femme délaissée saura t-elle entendre ce point de vue ?
Que se passe t-il quand un autre amour survient ? Comment choisir, entre appel de la vie et considérations de fidélité ? Comment laisser un autre aimé ? Que ressent celui qui est quitté ? À travers plusieurs personnages le roman utilise habilement leurs diverses postures et montre toute la complexité de certains choix existentiels majeurs. Je mentirais si je disais que ce genre de problématiques n'éveille plus aucun écho en moi...
Ce roman je l'ai lu il y a quelques années, par un drôle de hasard (?!), dans l'avion qui me menait vers... une femme libre qui vivait au bout du monde. J'étais marié et avais audacieusement décidé de vivre en suivant mon désir. Ce n'était pas rien de faire ce choix et d'en accepter les conséquences ! Par anticipation j'avais donc lu ce qui pouvait advenir si je ne faisais pas des choix suffisamment clairs, engagés et rapides : perdre l'objet du désir. Je sentais confusément la fragilité de ce bouleversement amoureux...
Advint de qui devait advenir.
La demaine dernière je suis allé voir l'adaptation de « Je l'aimais » au cinéma. Le film était à l'affiche depuis déjà quelques semaines et je craignais de l'en voir disparaître. Divers aléas m'avaient fait reporter plusieurs fois ma ferme décision d'y aller. Je voulais le voir seul, de préférence, sachant que je ressentirais quelque chose d'impartageable parce qu'imprégné d'un vécu personnel. Le hasard en fit autrement : dans la file d'attente je me suis trouvé à côté d'une collègue de travail, qui m'annonça qu'une autre collègue était déjà dans la salle. Je suis donc entré, accompagné de cette femme... et j'ai vu un visage connu qui me souriait, puis un autre : un couple dont la femme est une élue, comme moi, de notre commune ! Mais à peine avais-je eu le temps de les reconnaître que de l'autre côté de l'homme j'aperçevais... Charlotte, ma femme ! [ Oui, je sais, on dit "ex-femme", mais je m'en fous]. Après lui avoir dit un rapide bonjour je suis allé m'installer à côté de mes collègues, c'est à dire juste derrière elle !
J'ai donc vu le film dans le dos de ma femme, avec sa présence entre l'image et moi. Question solitude, ce n'est pas vraiment ce que j'avais prévu...
J'ignore quel regard Charlotte a porté sur le film puisqu'à la sortie nous nous sommes assez prestement quittés, sans aborder le thème qui a été à l'origine de notre séparation. J'ai été assez surpris de la voir, pensant qu'elle continuait à éviter ce genre de sujet qui a pu être douloureux pour elle auparavant...
Quant à moi, entre effet cathartique et un certain masochisme, je ne sais pas trop ce qui m'a poussé à revivre, par procuration, un épisode contrasté de bonheur contrarié dont je connaissais la douloureuse fin. Peut-être était-ce une façon de savoir où j'en étais de tout ça ?