Questions constructives
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J'ai commencé à écrire sur le web... en me demandant pourquoi d'autres le faisaient. Et puis très rapidement je me suis demandé pourquoi moi j'écrivais. Qu'est-ce que ça m'apportait d'écrire en public ?
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Auparavant je noircissais déjà les pages d'un journal, mais il restait intimement privé. J'en étais le seul lecteur [et la plupart du temps je ne me relisais pas]. Je crois qu'en ces temps reculés je me posais moins de questions. Je ne me demandais pas pourquoi j'avais des difficultés à aller vers les autres ou à me sentir "exister" : j'en faisais le constat, m'en désolais un peu mais prenais cela comme une fatalité. C'était ainsi : j'étais timide/renfermé/introverti/sauvage/ours... etc. Toute une panoplie de qualificatifs qui avaient en commun de n'être pas très valorisants. Je me percevais conformément à l'image que certaines personnes influentes me renvoyaient. En fait je privilégiais, sans m'en rendre compte, les regards critiques au détriment d'autres nettement plus appréciateurs. Pourquoi ?
Je ne sais pas à partir de quand je suis entré dans un questionnement soutenu mais j'ai bien l'impression que ma pratique de l'écriture en ligne y est pour quelque chose. Peut-être parce que, me sachant lu, je ne pouvais pas continuer à déplorer un comportement farouche sans chercher à y changer quelque chose ? Ou peut-être parce que des lecteurs inconnus me renvoyaient une image étonnamment favorable ? Assurément quelque chose ne correspondait pas entre ce que je me sentais être et la façon dont j'étais perçu. Ça m'interpellait !
Dix ans plus tard la place que prennent ces interrogations n'a pas diminué. Au contraire, plus j'ai trouvé de réponses et plus de nouvelles questions sont apparues ! C'est sans fin. Comme si je devais totalement redessiner la carte de mon identité. D'où la litanie égocentrée des pourquoi ? et des qu'est-ce qui fait que ?
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Si j'en étais resté à me demander pourquoi j'écrivais le sujet aurait fini par se tarir de lui-même et je serais probablement passé à côté de l'essentiel. Mais les suggestions de mon inconscient et les coïncidences de l'existence se sont alliées pour m'orienter vers des questions plus impérieusement existentielles, face auxquelles je ne pouvais pas me dérober :
Pourquoi faudrait-il que je m'empêche de suivre ce que je sens être "mon" chemin ?
Qu'est-ce qui m'en empêche ?
Comment fait-on quand on aime deux personnes à la fois ?
Pourquoi faut-il choisir ?
Pourquoi ne sais-je pas choisir ?
Pourquoi ne veux-je pas choisir ?
Au final c'est toujours vers moi que m'ont ramené les pourquoi ? Et plutôt que les "pourquoi ?", qui ne mènent pas beaucoup plus loin que « parce que c'est comme ça ! », ce sont les « qu'est qui fait que... qu'est-ce qui empêche que... qu'est-ce qui se passerait si... d'où me vient cette idée que... qu'est-ce que je ressens quand... » qui ont apporté des éléments de réponse... ouvrant vers d'autres questions clamant leur soif d'être explorées.
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Il y a des réponses qui ne dépendent pas de moi. Quant elle ne me sont pas données, m'obstiner à vouloir les obtenir directement sera souvent vain. Mais en tournant autour cela peut me conduire vers d'autres questions, auxquelles, là, je peux trouver en moi la réponse. Si je ne peux pas répondre seul à « Pourquoi l'autre agit-il ainsi ? » [« qu'est-ce qui a pu la conduire à faire ce choix ? »], en revanche il m'appartient de répondre à ceci: « qu'est-ce que j'en fais ? ». Soit j'accepte ce qui me pose problème et ça ne fait plus l'objet de questions, soit des questions demeurent, attendant leur réponse jusqu'à épuisement. Dans ce cas je peux me demander : « Qu'est-ce qui résiste en moi pour accepter son choix ? » [ou encore, mais c'est moins problématique :« Qu'est-ce qui me plaît dans l'attitude de l'autre ? »].
Et cette exploration-là, débarrassée du sentiment d'urgence, peut devenir passionnante ! Elle le sera d'autant plus que l'abîme des questions premières, extérieures à soi, gardent une part de mystère. Parce qu'accepter de ne pas avoir de réponse au présent n'est pas renoncement à l'envie de comprendre... Tant que je ne suis pas délivré du vertige du doute concernant autrui, l'exploration des diverses hypothèses et suppositions conduit finalement à une exploration de mon intériorité. Autrement dit : chercher à comprendre l'autre m'amène à mieux me comprendre.
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