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Alter et ego (Carnet)
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8 novembre 2015

À durée limitée

Dans les obscures profondeurs de mon imaginaire - ou de mes représentations - il y a ceci : l'amour comme l'amitié sont faits pour durer. Belle connerie utopie, n'est-ce pas ? C'était le postulat de base, le socle sur lequel j'ai essayé, tant bien que mal, de bâtir mon univers affectif et sentimental. Pendant un certain temps j'ai cru que ça marchait, au moins pour partie, mais fort logiquement les méandres de mon parcours de vie n'ont pas manqué de me mettre face à la réalité : l'amour comme l'amitié sont volatils et largement inmaîtrisables. Ils apparaissent sans qu'on s'y attende, vont, viennent et virevoltent, et peuvent s'envoler brusquement. Ces oiseaux-là sont avant tout épris de liberté. Or on n'attache pas la liberté.

Attachement et liberté, deux termes apparemment antinomiques que, comme vous je suppose, j'apprends inlassablement à conjuguer.

Pour corser le tout il semble aussi que je fasse partie des personnes dotées d'une sensibilité exacerbée sur le plan affectif. Comportement inné ou développé dans l'enfance, peu importe : je suis façonné ainsi. Et si à l'âge de la maturité je le suis resté, il est probable que j'aurai perpétuellement besoin d'être rassuré sur l'importance que chaque autre m'accorde. Faute de quoi je tends à m'effacer... donc à confirmer ce que je redoute ! Heureusement que l'on m'accorde quand même de l'importance [il faut croire que j'en ai...], malgré ma discrétion. Cela me permet de trouver une petite place en ce monde hétéroclite. 

Porté par cette logique, oser aller vers l'autre est à chaque fois un défi. Il est d'autant plus grand que j'accorde de l'importance à cet autre et au regard qu'il pourrait m'accorder, lui attribuant un pouvoir sur ma place existentielle. Je prends conscience, là, de l'importance de s'entourer des "bonnes personnes"...

Mon univers relationnel est donc construit selon une hypersensibilité au regard d'autrui, parfois à son affection, et confronté alors à une implacable réalité : l'affectivité, et plus encore les sentiments, sont instables. Autrement dit ma quête de réassurance sur le plan affectif ne peut qu'être heurtée par une inquiétante réalité : la réassurance ne saurait durer. Elle est perpétuellement menacée de disparition, voire de retournement : après m'avoir apprécié l'autre pourrait me rejeter. Ouille !

Face à ce réel danger psychique la solution que j'ai trouvée a consisté à renforcer mon autonomie afin de ne pas trop dépendre des regards rassurants dont j'ai besoin. Trouver en moi mes propres ressources, diversifier les sources. J'aurais tout aussi bien pu aller vers une frénésie relationnelle afin de toujours bénéficier de soutiens affectifs... mais mon hypersensibilité sentimentale m'aurait alors exposé à moult déceptions et blessures. J'ai donc fait, inconsciemment, le choix le plus "économique" psychiquement parlant. C'est pourquoi la vie en solitaire ponctuée de rencontres et partages nourriciers me convient bien. Je peux m'ajuster aux situations, m'approcher quand je sens les conditions favorables et me retirer dans le cas inverse. C'est une façon de me protéger et, pour le moment, je n'ai pas trouvé de meilleure stratégie pour vivre relativement en paix et globalement heureux. Car mes plus grandes souffrances je les dois à des tensions relationnelles et au profond mal-être qui en découle.

D'un côté j'aspire à des relations fluides et épanouissantes, de l'autre j'ai une phobie des malentendus et tout ce qui pourrait nuire à l'harmonie relationnelle. La prudence est donc de mise. Je sais pouvoir rapidement perdre toute consistance quand je sens l'harmonie devenir dissonnance. Pour moi c'est très insécurisant et mon repli est immédiat. Un vrai escargot ! Ressortir de ma coquille peut demander un certain temps...

Même lorsque rien de cela ne s'est produit j'ai vu s'étioler et disparaître nombre de relations, tout au long de ma vie. Parce que c'est le destin naturel des relations : rien ne dure éternellement en ce bas monde. Lorsque j'étais plus jeune cela me désolait et il m'a été difficile de l'accepter quand il s'agissait de relations auxquelles je tenais beaucoup. Quelques blessures ont été si fortes que j'ai finalement dû revoir tout mon système d'attachement, manifestement inadapté. Aujourd'hui, en principe, j'accepte sans états d'âme cette réalité du temporaire et ne cherche pas à faire durer au delà des vibrations du présent. Quant aux relations que j'aimerais voir perdurer (il y en a quand même...) je les investis sous la forme de "l'attachement libre", que je ne saurais définir autrement que par l'impermanence assumée dès le départ. En quelque sorte la fin est prévue dès le commencement. Autrement dit : ça peut ne pas durer [j'avais écrit, un peu radicalement, "ça ne durera pas"].

Petite révolution copernicienne, donc, par rapport à mes attentes profondes citées en ouverture de ce texte. C'est pourquoi, depuis une dizaine d'années, j'intègre le nouveau mode de représentation. Jusque-là, il semble plutôt bien fonctionner. Hormis quelques ajustements je pense avoir trouvé un relatif équilibre et vis assez sereinement. Je me sens plutôt stable, sachant maintenant dire clairement de quelle façon je peux "m'engager" (terme peut-être impropre) dans une relation dont l'achèvement est aussi clairement identifié que l'épée de Damoclès. L'engagement en question consistant à placer la liberté de chacun au centre de la relation. Exactement l'inverse de l'engagement à durer, assorti des sacrifices que cela peut demander.

Cela dit on ne change pas de modèle structurant par simple volonté. Il reste des réflexes qu'il me faut contrer. Le désir de durer est prompt à rejaillir...

 

Mes remerciements à l'inspiratrice de cette réflexion.

Commentaires
C
Je trouve enfin le temps de venir commenter ce billet dense en apparence, mais finalement assez simple dans sa ligne directrice: chacun se forge une conception des relations humaines par rapport à son propre vécu. Au départ, il y a un idéal, transmis par l'éducation, la morale ou la société (qui induit des comportements par imprégnation inconsciente, je pense au mythe du prince charmant et de la princesse, qui se marièrent et eurent beaucoup d'enfants) <br /> <br /> Ensuite, il y a l'expérience, et celle-ci est différente chez chacun. Il y a donc (à mon sens, mais je peux me tromper) autant de conceptions différentes que d'expériences, et aucune n'est mieux ou moins bien qu'une autre. Tout le défi consiste à rencontrer des gens qui aient la même conception que soi des relations humaines, qui soient donc "sur la même longueur d'onde". <br /> <br /> Mais quoi qu'il en soit, certains devront sans doute passer par le fameux "travail sur soi" dont parle Alain, permettant de dépasser ses failles, ses blessures narcissiques d'enfance, et de sortir pas trop entamé de déceptions relationnelles inévitables. <br /> <br /> Cela dit, quand on parle d'échec, en matière de relation, c'est toujours par rapport à un modèle. Si on ne parvient pas à mener sa relation conformément au modèle imposé de l'extérieur, on se sent en échec. Un autre défi est donc de s'inventer un modèle. je sais, il y a du boulot... mais ça peut valoir le coup...En tous cas, c'est ma ligne directrice à moi, ne pas me laisser définir. Et n'en faire qu'à mon coeur.<br /> <br /> Bises célestes<br /> <br /> ¸¸.•*¨*• ☆
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A
Vous en pincez sérieusement ;))
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C
C'est vrai, le sentiment de liberté est un objectif. Je ne sais pas si on peut le ressentir comme un état permanent. Il me semble qu'il est à reconquérir sans cesse.<br /> <br /> <br /> <br /> Personnellement il est rare que je le ressente en présence d'autres personnes, hormis celles avec qui je me sens vraiment en confiance. Ce que je lis de toi me laisse penser qu'un état de liberté beaucoup plus grand est possible :)<br /> <br /> <br /> <br /> Sans fin ? Tant mieux, c'est stimulant !
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M
Il faut en effet être en équilibre pour vivre la stabilité.<br /> <br /> Mais la stabilité extérieure est utopique. Tout est en changement, en mouvement les événements, les situations, les relations...surtout elles car elles nous touchent de près, c'est un besoin de partager, de ressentir l'autre et malheureusement l'attachement est sournois.<br /> <br /> <br /> <br /> J'essaie juste de retrouver la stabilité intérieure qui elle ne bronche pas mais encore faut-il se tourner vers elle et y rester.<br /> <br /> Cette liberté que l'on désire tant est un état d'être et elle fait partie de moi mais je la reconnaît peu et m'empêtre de besoins, désirs, rêves, difficultés que j'ai peine à surmonter à cause de certains problèmes bien installés en moi.<br /> <br /> <br /> <br /> Mais quand je rejoins cette liberté tout prend sa place, tout devient possible, toutes les relations bonnes, moins bonnes et mauvaises, qui durent, qui finissent, les événements que je ne peux contrôler n'entravent plus ce bien-être. Je saisis que tout est à sa place comme il se doit. Et j'apprends.<br /> <br /> <br /> <br /> Chacun à sa façon essaie de rejoindre cette liberté car sans elle on se contente de miettes ou lieu de s'attabler au festin. La liberté est en fait la libération. <br /> <br /> Ouf! on a tant à comprendre, saisir, ressentir... c'est sans fin.
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M
Cher Pierre-qui-a-besoin-d-être-rassuré :-) <br /> <br /> <br /> <br /> J'apprécie toujours la manière dont vous vous exposez avec grande sincérité dans vos partages. J'ai lu avec attention votre billet. Avez-vous lu "L'élégance du Hérisson". J'ai adoré ce livre et particulièrement ce passage : "Toujours en équilibre entre la beauté et la mort, le mouvement et sa disparition. C’est peut-être ça être vivant, traquer des instants qui meurent." Muriel Barbery. N'est-ce pas sublime ?<br /> <br /> <br /> <br /> Je retiens, dans votre texte, la notion de "stabilité". La stabilité se trouve en SOI, en ce qui me concerne. Aucune relation n'apporte la stabilité. "Tu es ta maison, ta forteresse. Quand tu es suffisamment à l'aise avec ce que tu es et qui tu es, tu trouveras la stabilité. La stabilité extérieure viendra uniquement quand tu auras trouvé la stabilité intérieure. Nous ne pouvons pas nous accrocher à d'autres personnes ou objets pour trouver la stabilité. Si tu ne sais pas qui tu es, tu ne le trouveras pas dans d'autres objets." m'écrivait un jour mon allié Jan.<br /> <br /> <br /> <br /> Par ailleurs, dans le cadre de mes activités de journaliste, je suis entrain de travailler sur un sujet passionnant : le polyamour, ou amours multiples (à ne pas confondre avec la polygamie). Le fil conducteur de mon sujet est un trio : deux hommes et une femme qui vivent une relation d'amour à 3. Grâce à une communication ouverte et sincère, et à l'amour qu'ils se portent, ils ne ressentent ni jalousie ni insécurité. Je collationne pour l'instant un grand nombre d'info sur le sujet pour couvrir tous les aspects (historique, scientifique, religieux, psychologique, légal...). Il semble que le polyamour soit pour ceux qui le pratiquent, le type de relation qui permette de la vivre heureux et durablement.<br /> <br /> <br /> <br /> Je vous en dirai plus dès que le sujet sera plus développé.<br /> <br /> <br /> <br /> Dans l'espace, je vous souhaite de belles découvertes, seul et entouré.<br /> <br /> Tendres câlins californiens, cher Pierre.
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L
Mais il est certain qu'il ne peut y avoir de relation durable sans liberté, sinon la relation est une prison, et l'on a alors qu'une envie, celle de se libérer pour vivre et s'épanouir !
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L
Bonsoir Pierre, me voilà de retour, j'avais tellement besoin de voir les arbres en vrai, et pas seulement sur tes magnifiques photos, même si je les apprécie énormément. Alors, j'ai fait mon escapade, et j'en viens revigorée. je dois dire que je m'étiolais un peu.<br /> <br /> <br /> <br /> Ce que j'ai envie de te dire ce soir, c'est que se protéger, pour moi, empêche de vivre pleinement et intensément ce qui nous est offert, par peur de la souffrance. Et crois-moi, je suis une hypersensible, et j'ai beaucoup souffert aussi, mais je choisis toujours d'aller vers le risque, car je sens que si je préfère me préserver, je me prive aussi de tellement de moments merveilleux... Si tu avais mis des barrières de protection à une certaine époque, aurais-tu connu de tels moments qui t'ont définitivement marqués et qui ont changé ta vie ? En mettant de telles barrières aujourd'hui, ne te prives-tu pas peut-être de retrouver une telle puissance dans la relation ? <br /> <br /> <br /> <br /> Peut-on vivre de merveilleux moments avec une personne en pensant déjà à la fin ? Ne serait-il pas mieux de se dire, je fais le pari de donner à l'autre l'envie de poursuivre cette relation avec moi. Il ne s'agit pas de s'engager, mais de s'y consacrer et de l'enrichir, si je sens que l'autre est dans le même état d'esprit, évidemment.<br /> <br /> <br /> <br /> Bien sûr que tout est impermanent, mais l'impermanence ne va pas que vers la fin, ne pas oublier que c'est aussi le renouveau. C'est le cycle de la vie : Vie/mort/vie.
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A
"L'engagement en question consistant à placer la liberté de chacun au centre de la relation. Exactement l'inverse de l'engagement à durer, assorti des sacrifices que cela peut demander."<br /> <br /> Voila une phrase qui pourrait faire figure emblématique des fausses croyances....<br /> <br /> <br /> <br /> La liberté au centre de la relation est un gage de durée....<br /> <br /> enfin disons que je l'expérimente dans diverses relations d'amitié et avec celle qui accompagne ma vie depuis + de 45 ans....<br /> <br /> Je parle évidemment de la "liberté intérieure" qui permet la relation libre et proche, quand on l'a débarrassée des besoins exacerbés d'amour parfait (dont tu rêves) et de reconnaissance infinie ... (dont tu rêves aussi).<br /> <br /> <br /> <br /> Au final tu es une sorte de pragmatique rêveur.... (mais méfiant quand même !!!)<br /> <br /> <br /> <br /> Ah zut ! je te catégorise.... je te "cazifie"....<br /> <br /> Tout ce que tu détestes !.....<br /> <br /> ben oui, je suis détestable, tu le sais bien !!<br /> <br /> ;-))
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A
"il est probable que j'aurai perpétuellement besoin d'être rassuré sur l'importance que chaque autre m'accorde"<br /> <br /> A moins qu'un jour - rêvons un peu ! - tu réalises plus clairement l'importance de tu t'accordes à toi-même....<br /> <br /> Méfies-toi, cela pourrait engendrer que le mouvement perpétuel du besoins de réassurance en souffrit !<br /> <br /> Fait gaffe encore !! Ça risquerait d'être un chemin d'un certain bonheur....
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P
Bonjour,<br /> <br /> <br /> <br /> C'est sur le monde a évolué et pas toujours de la bonne maniere. <br /> <br /> Mais je ne pense pas que le mariage constitue une stabilité. En effet, je crois qu'après on a tendance à prendre l'autre pour acquis. Et c'est le début de la fin ! <br /> <br /> Je fais partie de la génération des presque trentenaires, jai bien conscience que ma façon de pensée est différente des autres générations. <br /> <br /> <br /> <br /> On a tous le réflexe de se proteger, et par moment, on paraît orgueilleux en le faisant. <br /> <br /> C'était une généralité en fait dont je te parlais. <br /> <br /> <br /> <br /> Tes articles me plaisent, car ils ouvrent à d'autres discussions et que tes mots retiennent notre attention. Sans doute parce que ça sent le vécu. <br /> <br /> <br /> <br /> Bonne journée
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