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Alter et ego (Carnet)
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25 mai 2019

Le temps ne recule pas

Quelques mots énigmatiques, en commentaire d'un de mes billets : « Il te faut juste ne pas oublier un principe fondamental : le temps ne recule pas ! ». Sans doute ces mots m'ont-ils d'autant plus interpellé qu'ils provenaient d'une personne qui, visiblement, m'a connu de près. J'ai instantanément pensé à une amie particulière dont je n'ai plus de nouvelles depuis des années*.

« Le temps ne recule pas ! ». Comment ai-je pu laisser croire, il y a longtemps, que je pouvais considérer autre chose que cette fatale évidence ? De quel passé pouvait bien provenir ce rappel qu'aujourd'hui je ne voudrais, en aucune façon, contredire ?

Petit retour en arrière : je pense être entré, depuis maintenant pas mal d'années, dans une forme de réalisme - voire de fatalisme - qui me fait considérer avec une grande certitude que ce qui est... est. Que ce qui advient ne doit rien au hasard. Que rien ne dure ni ne cesse sans une volonté [consciente ou pas] qu'il en soit ainsi. Bon, le "rien" serait sans doute à nuancer, comme tout ce qui est absolutiste, mais l'idée générale est là : ce qui est résulte de circonstances qu'il serait vain de remettre en question. Surtout pas à coup de « et s'il en avait été autrement ? ». Donc oui, assurément, le temps ne recule pas et, la plupart du temps, on ne peut pas "revenir en arrière". Cependant, si cela est vrai dans de nombreux domaines... ce ne l'est pas dans tous. Les pierres du Parthénon et des pyramides d'Egypte reviendront à la terre dont elles ont été extraites, tout comme la forêt à reconquis les anciennes cités Mayas. Par contre, il y aura toujours des traces de ce qui est advenu... même s'il y a "retour en arrière". On ne peut revenir à un état initial sans qu'il ne subsiste l'empreinte états antérieurs.

Notre planète en sait quelque chose.

Plus trivialement et à échelle de temps plus courte, on peut se fâcher avec quelqu'un puis, après explications, retrouver une bonne entente. Parfois même meilleure, plus confiante, plus authentique, plus équilibrée. D'une certaine façon il peut y avoir dégradation relationnelle temporaire et retour à un état semblable à "avant"... mais différemment. De la même façon on peut avoir vécu intensément une relation, la voir péricliter face à divers aléas, et revenir à un état proche de l'état antérieur : une vie sans l'autre. Sauf qu'entretemps l'autre a laissé une empreinte qui auparavant n'existait pas. Dans ces cas quelque chose a bien "reculé", mais assurément pas le temps. Je pense être très au clair avec cela.

Je pourrais aussi prendre l'exemple de la vieillesse : retour à un état de dépendance, de vulnérabilité. Recul des capacités d'autonomie, perte des facultés intellectuelles et physiques. Tout comme la graine germe dans l'humus, devient arbre, qui finit par mourir et retourner à l'état d'humus.

Accepter l'irréversibilité du temps, mais pas des faits ni des actes, fait partie du travail d'acceptation de la fin de toute chose.

Chacun doit apprendre cette leçon de vie pour accepter la perte. "Vivre c'est perdre". Tout perdre, jusqu'à la mort des siens, puis notre propre finitude.

Depuis quelques années, comme d'autres "conscients-lucides", je dois faire face à une autre perte. Peut-être encore plus profondément bouleversante. Plus vertigineuse, assurément. Une perte que je pourrais qualifier de "grand retour en arrière", quoique je ne sois pas certain qu'il n'y ait pas quelque chose à gagner dans ce "recul". Nous, héritiers de la culture occidentale, devons renoncer au mythe du "progrès", ou plus exactement au confort invraisemblable que nous avons obtenu à coup de destructions et pillages au détriment de la biodiversité et des hommes que nous exploitons et asservissons. Notre modèle de civilisation n'est pas durable. Notre société est mortelle... et nous allons la voir décliner.

Je crois que le travail d'acceptation que j'ai dû faire quant à l'irréversibilité de certaines situations relationnelles m'a en quelque sorte "préparé" à accepter l'inéluctable. Nous allons perdre ce que nous chérissons. Précisément parce que nous ne voulons pas y renoncer : notre liberté et nos servitudes. D'où ce "fatalisme" que j'ai mentionné plus haut. Ce qui n'empêche pas la lutte, mais sans croire ni rêver qu'elle puisse suffire. Ce qui est est. Ce qui advient ne résulte pas du hasard mais de nos choix.

 

 * Le fait de ne plus avoir de nouvelles, ni d'en donner, résulte typiquement des non-hasards qui font qu'une relation s'étiole peu à peu... sans pour autant être un processus à jamais irréversible.

20 ans

Je n'aurai jamais plus 18 ans...

Commentaires
C
« On ne se remet pas d'avoir écrit ». J'aime beaucoup cette phrase, sans vraiment savoir pourquoi. J'y vois l'idée, inattendue, d'une perte regrettable (se remet-on d'autre chose que d'une épreuve ?). Écrire, est-ce une perte ? une épreuve ? une délivrance ?<br /> <br /> <br /> <br /> « J'aimais bien te lire. » Et moi j'aimais bien écrire... et être lu. Et bizarrement... je n'ai même pas à m'en "remettre". C'est simplement un nouvel état. Un nouveau rapport aux autres et au monde.<br /> <br /> <br /> <br /> Merci pour ces mots :)
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A
Bonsoir Pierre - L'idéaliste,<br /> <br /> vous avez raison, le temps ne recule pas, il est comme une pierre carrée qui roule, il avance, se bloque et se retourne pour revenir à l'origine. Et l'écriture dans le temps, c'est la même chose (quand on est lu) : les mots s'enfilent pour s'en retourner à ce qui nous anime en tant qu'homme et qui n'a jamais été vraiment vu par personne : l'origine et derrière ce mot des sensations liées à l'affection, à la douceur, volées sûrement, en tout cas non réalisées comme il le faudrait. Et l'écriture du mot vient ici rappeler à l'exigence de cet essentiel, quels que soient les sujets.<br /> <br /> Bref!<br /> <br /> J'aimais bien te lire.<br /> <br /> Ce qui ne fait pas une transition compréhensible pour autant et une chute un peu vertigineuse ; j'en conviens.<br /> <br /> (On ne se remet pas d'avoir écrit)<br /> <br /> <br /> <br /> Porte-toi bien.
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C
Tiens tiens, c'est drôle, j'ai eu des pensées similaires ce soir et je suis venue faire un tour et lire, pour me changer les idées. <br /> <br /> <br /> <br /> Et là, paf! ce billet qui traite un peu de mes préoccupations du moment. Irréversibilité...que faire quand la nostalgie brouille un peu nos pensées? surtout quand la perte n'est pas désirée par tous les côtés... l'acceptation, c'est un travail de tous les jours, je pense. ;)<br /> <br /> <br /> <br /> Je retourne à mes réflexions, merci pour le billet, c'est toujours intéressant de te lire. :)
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F
Nous ne pouvons pas revenir en arrière, mais nous pouvons prendre appui sur nos expériences pour avancer et faire bouger notre (le) monde.<br /> <br /> Revenir en arrière signifierait que nous avons des regrets, et nous savons bien que les regrets ne servent à rien. Si nous désirons changer quelque chose, faisons-le maintenant, et arrêtons de nous lamenter... <br /> <br /> Sinon, tu étais très beau gosse, Pierre ! :-)<br /> <br /> Bonne soirée à toi.
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F
le temps passe et modifie les choses.. on avance modifié mais on avance et rebondit.. c'est peut être une renaissance perpétuelle.. l'évolution..
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פ
Le temps ne peut pas être inversé. Mais le temps guérit tout.<br /> <br /> J'aime vraiment vous lire .. Ne pas arrêter d'écrire
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C
"L'irréversibilité du temps":<br /> <br /> Revenir en arrière c'est vouloir revivre les évènements du passé sans considérer que nous avançons jour après jour avec des nouveaux choix de vie, plus rien n'est pareil, ni le contexte de vie, ni les personnes que nous avons connus.<br /> <br /> Notre évolution s'est construite à travers la vie, les cycles vont impérativement vers la vie et non vers la mort.Et comme vous le dites si bien, vivons au présent, l'impermanence..
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C
Le postulat qui sous-tend ton billet me semble être le suivant: ce qui était avant est forcément mieux que ce qui est maintenant. Ce regret d’une sorte d’âge d’or nous l’avons tous éprouvé peu ou prou au cours de notre vie. Et il m’arrive, ponctuellement, de me laisser aller à un peu de nostalgie concernant ma jeunesse ou le temps qui passe .Mais mon expérience personnelle tendrait à me faire penser, au contraire, que ce qui se passe maintenant dans ma vie est mieux que ce qui s’est passé avant. C’est le même processus mental qui me permet de penser que la prise de conscience écologique est mieux que l’inconscience des années 70, Et que retrousser ses manches pour agir même à échelle individuelle, est toujours mieux que de s’asseoir sur un banc en disant tout est foutu. Quant à ta photo, moi qui te connais, je me permets de te dire que tu es beaucoup mieux, charmant et sexy maintenant que quand tu avais 18 ans, mais tout ceci n’engage évidemment que moi selon la formule consacrée.<br /> <br /> Et comme je le dis toujours, j’ai envie de regarder ma petite fille au fond des yeux et de lui dire que tout n’est pas complètement fichu, même si comme tu le dis très justement, j’apprivoise chaque jour l’idée que je vais perdre mes êtres chers de façon indubitable et que je ne dois m’attacher à rien ni à personne sans avoir cette conscience là.<br /> <br /> L’adage de nos aïeux est plus que jamais d’actualité : l’espoir fait vivre. Le désespoir, lui, est mortifère et cancérigène.<br /> <br /> Je t’embrasse affectueusement<br /> <br /> Céleste
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J
Texte à l'hauteur de tes principes et habituel talent narratif, merci Pierre !<br /> <br /> Puisque tu n'auras jamais plus 18 ans, révèle-nous du coup le présent :)<br /> <br /> Beau gosse sur la photo, un grand air de Jean Ferrat... c'est bien toi ? <br /> <br /> A bientôt, Pierre... je suis en Corse pour deux mois, connectée depuis ma voisine :)<br /> <br /> Bises du maquis.
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I
Ne pas avoir de nouvelles, ne pas en donner et pourtant rester quelque part si présent et si précieux 😉<br /> <br /> Silence<br /> <br /> Nous ne reviendrons jamais en arrière, assurément mais vivons le Présent riches de nos années, de nos expériences passées, sans oublier que TOUT est éphémère.<br /> <br /> Je t'embrasse Pierre, toi qui n'aura effectivement jamais plus 18 ans (cette photo m'a fait sourire, j'adore).
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