Le blog-couple
Aujourd'hui, si celui-ci n'existait pas, je ne créerais pas de blog. Ou alors d'un tout autre genre. Peut-être un blog photo, ou un blog thématique [des envies qui me démangent depuis longtemps...]. Mais ouvrir un blog pour raconter un itinéraire d'ouverture à soi et vers autrui... oups ! certainement pas. C'est un peu trop impliquant...
Bon, ma réflexion est absurde puisque je n'en serais pas là si je n'avais pas ouvert ce carnet. Il a incontestablement joué un rôle dans ce que je suis devenu. Se pose quand même la question de son utilité actuelle : là, maintenant, quel avantage ai-je à continuer ?
J'en vois principalement deux : la convivialité et la recherche
Entre vieux potes de blog et lectorat de la première heure, c'est un peu comme une famille. Depuis le temps qu'on partage nos écrits et notre intimité, on se connaît et se reconnaît, on s'apprécie ou se chipote. Des liens se sont tissés, des frictions ont laissé des traces, des sensibilités se sont révélées. Pour moi c'est très éclairant. Au fil du temps de nouveaux regards se sont agrégés, beaucoup d'autres ont disparu, mais à mes yeux ça reste "mes lecteurs". Dans ce microcosme en perpétuel renouvellement je vis quelque chose qui me touche et m'enrichit. Tour à tour conforté ou bousculé dans mes convictions, je me sens accompagné. D'une certaine façon je me sens exister dans ce monde immatériel. J'y ai trouvé une place et lui en ai accordé une. C'est un pan de ma vie qui a donc son importance et il me serait sans doute difficile d'en être brutalement sevré. Il y aurait manque. D'un autre côté l'aspect convivialité m'a toujours turlupiné : depuis que j'écris ici j'hésite entre proximité et distance, entre clins d'oeil complices et analyses qui se veulent empreintes de sérieux. Le mélange des genre, un peu douteux, suscite régulièrement mon hésitation. J'ai, par là même, quelque chose à découvrir de mon rapport au regard d'autrui...
L'autre avantage du blog qui dure c'est précisément de continuer à... découvrir. Ouvrir une trace en me confrontant à l'inconnu. Explorer pour trouver... je ne sais quoi. Une certaine liberté, probablement. Ah oui, c'est ça : une émancipation du regard d'autrui [le vôtre, en l'occurrence, ou ce que j'en imagine]. Ouais, j'aimerais bien écrire librement ici. Je n'y parviens pas vraiment alors j'insiste et persiste. J'ai envie de m'affranchir. Quand je lis celles et ceux qui semblent lâcher leurs écrits sans se soucier de ce que les lecteurs en penseront, je suis épaté. Je trouve ça très fort. Je remarque cependant que lesdits blogueurs, ceux que je sens "libres", ne répondent généralement pas en détail aux commentaires. Certains n'en reçoivent d'ailleurs quasiment pas. Du moins pas publiquement. En outre ces auteurs "libres" ne s'exposent pas vraiment sur le plan intime, mais plutôt sur celui des idées. C'est probablement autour de ces points que j'ai encore des limites à tracer : jusqu'où me dire sans me surexposer.
Ici la plupart des commentaires, fréquemment développés et réfléchis, me poussent à aller plus loin et peuvent conduire à des échanges approfondis. Ils sont témoignages, partage d'expérience et de ressentis. Alors je me dis que je dois bien y être pour quelque chose. En exposant mon parcours et mes convictions, puis en répondant longuement à chacun -ou presque- j'entretiens les échanges. C'est bien l'objectif de cet espace qui, par certains aspects, pourrait s'assimiler à un fil de discussion sur forum.
Mon souci c'est qu'avec le temps une forme de relation s'est développée. C'est à la fois un avantage et un inconvénient qui enrichit/parasite quelque peu la teneur des échanges impliquants. Car cette relation au long cours entre "vous", entité globale de lecteurs, et moi, n'est pas dénuée d'affects. Me vient l'image d'un couple au long cours...
La relation auteur-lecteurs, ou le blog vu comme un couple ?
C'est pour éviter les conflits dans cette relation, et me préserver, que j'ai été conduit à abandonner quelques sujets générateurs de polémiques. Or ceux-ci étaient au coeur de ma démarche d'écriture. Du coup je me retrouve avec une coquille vide. Un blog que je ne sais plus comment alimenter. C'est un peu comme si je ne savais plus comment me dire ni comment être...
La critique m'a fait taire.
Le constat est dérangeant : je me vois rester un peu trop sensible au regard des autres [du moins de certains autres...]. Je peux m'en préserver, bien sûr, mais n'est-ce pas une stratégie d'évitement ? Un repli tout à fait contraire à la liberté d'être à laquelle j'aspire ? Hmmm, la réponse est évidente...
Mine de rien, dans mes questionnements autour de ce blog, se retrouvent bien des éléments de mon rapport à l'autre, et en particulier dans les relations de proximité affective, a fortiori amoureuses...
L'évitement est-il une stratégie satisfaisante à long terme ? J'ai des doutes.
Alors la question est là : qu'est-ce que je gagne à continuer cette relation de blog-couple ? Exprimé dans l'autre sens : qu'est-ce qui m'empêche d'arrêter ?
La logique de continuité m'est la plus naturelle, mais est-elle la plus pertinente ? Si c'est pour me dissoudre... La rupture n'a t-elle pas des vertus ? En regardant l'interaction auteur-lecteur comme un couple, le choix qui est devant moi ne manque pas d'intérêt : poursuivre ou cesser ? Le changement par la rupture ou dans la continuité ? [on dirait une alternative présidentielle...].
A moins d'opter pour la pluralité ? Devenir polyblogueur...
Je me laisse le temps de décider :)
Ajout du 8 mai : le fil de commentaires éclaire avantageusement le sens de ce billet...
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Quand la vague verte monte vers les sommets [non, hélas, ce n'est pas politique...]
Lépin-le-Lac (Savoie)