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Alter et ego (Carnet)
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28 décembre 2014

Mort et vivant

Temps gris, froid, neigeux. J'en profite pour faire du tri dans mes fichiers de photos. Tel une population en expansion incontrôlée, leur nombre ne cesse de s'accroitre. Il me faudrait être impitoyable et ne garder que les photos "essentielles", dignes d'un intérêt particulier, mais je ne résiste pas à la tentation d'en laisser... beaucoup trop. Alors les dossiers s'empilent démesurément sur le disque dur de mon ordinateur...

Je n'aime pas effacer les traces du passé. Tout ce que j'ai vu, vécu, ressenti, fait partie de ce qui me constitue et, à ce titre, m'est important. En particulier lorsque c'était agréable. Or chaque photo est pourvoyeuse de sensations et d'émotions généralement agréables. En les revoyant je "revis" et ravive un instant du passé, d'un voyage, d'une rencontre, d'une promenade solitaire. En même temps je peux perçevoir le passage du temps puisque les saisons défilent, les visages changent, les enfants grandissent, des personnes disparaissent. Il y a quelque chose de fascinant à pouvoir observer ces écarts temporels. Une vie qui paraît à la fois proche et lointaine, presque présente mais pourtant définitivement passée. C'est à la fois vivant et mort, comme le fameux chat de Schrödinger.

À propos de chat... en explorant mes inombrables dossiers, je suis tombé sur d'anciens Chats. Non, pas des chats [miaou], mais des "chats" [blabla]. Des "tchats", quoi, conversations à distance par écrit, via yahoo et msn. Je les enregistrais, parfois, lorsqu'elles me semblaient importantes. Lorsqu'il s'y était échangé des éléments significatifs de vie, ou de compréhension. Un peu comme pour les photos je retrouve des instantanés de conversation. Des concentrés de moments partagés. La trace d'un vécu commun, parfois porteur d'émotions palpables. Alors relire [je pourrais presque écrire "écouter"] ces dialogues, faits de phrases courtes afin de ne pas se télescoper, c'est replonger dans un passé qui n'existe plus. Non seulement parce que je ne "tchatte" plus, mais aussi parce que la plupart des personnes avec qui je m'y livrais ne font plus partie de mon entourage. Distanciation des liens...

En relisant certains extraits j'ai pu retrouver, non sans étonnement, sensations et pensées d'autrefois. Presque intactes. Les capacités insoupçonnées de la mémoire sont fascinantes. Et il est troublant de lire l'insouciance d'autrefois, maintenant que la suite est connue...

J'ai aussi redécouvert des correspondances numériques parfois fort anciennes [disons 10 ou 15 ans...]. La plupart des personnes avec qui je les ai eues ont, elles aussi, disparu de mon cercle de connaissance. Parfois cela n'est pas allé au delà d'un seul échange ; amorces sans suite, affinités d'étoiles filantes. Il y a peu de chances que je relise un jour ces courriers orphelins et je pourrais donc les détruire sans les ouvrir. Je ne le fais pas parce que si j'ai décidé, autrefois, de les conserver, c'est que je considérais alors qu'il y avait quelque chose de suffisamment important pour cela. Mais quoi ? Et que faire des correspondances plus longues, qui ont pu avoir un effet déterminant sur mon chemin de vie ? Est-ce utile de garder trace des étapes du cheminement ? Que faire de ce gisement considérable dont seulement un centième recèle peut-être quelques pépites ?

Antérieurement j'écrivais mes pensées intime sur papier. Depuis quinze ans ces feuillets demeurent dans un coffret de bois que j'avais construit à cette intention [un cercueil ?]. Il ne me viendrait pas à l'idée de les détruire et pourtant je ne les relis jamais. Dès lors, pourquoi les conserver ? Quelle est l'utilité de ces archives personnelles ?

 

IMGP1795

 Journal (1977-2000)

 

Qu'ils soient numériques ou de papier, qu'est-ce qui me pousse à laisser épaissir cette sédimentation de documents ? Je crois que leur intérêt réside dans leur diversité. Chacun d'eux ne représente pas grand chose mais ensemble ils constituent le terreau sur lequel j'ai grandi. Ils sont ma culture, mon histoire singulière, mes racines d'arbre. Ils sont aussi, peut-être, un peu celles de mes enfants et de leur descendance. En cela, à l'instar des couches archéologiques, ces éléments détiennent des réponses à des questions que personne ne se pose encore : ni moi, ni ceux qui, éventuellement, trouveront un jour ces documents. En quelque sorte ils sont une valeur patrimoniale, au même titre que les fragments de vie ordinaire que chacun peut retrouver de ses ancètres dans une vieille armoire ou sous la poussière du grenier familial. 

Mon grand-père avait ainsi gardé la correspondance qu'il avait eue avec sa mère alors qu'il était prisonnier de guerre, en 1914. Lettres, dessins, photos, ont ainsi traversé un siècle, soigneusement conservés par sa fille, qui se trouve être ma mère. Elle pensait que, hormis dans le cercle familial, ça n'avait guère de valeur. Je l'ai encouragée à répondre à la campagne de collecte pour le centenaire de la grande guerre et, à sa grande surprise, ces archives ont vivement intéressé. À tel point qu'aujourd'hui elles font partie d'une exposition dans un musée...

On ne sait jamais l'intérêt que d'autres que soi pourront trouver dans les traces que l'on laisse.

 

Sur le thème des archives familiales :

Commentaires
S
belle soirée Pierre, je fais partie des passionnées d'écriture; réflexions, pensées, idées , dessins, projets, tout prend forme sur les petits ou grands carnets que j'adore chercher surtout ceux en papier recyclé de la coop bio qui sont de plus en plus beaux<br /> <br /> je vous souhaite une très douce soirée
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E
Tu sais, finalement,peu importe pourquoi on jette ou garde, c'est surtout qu'on en a envie ou besoin et le reste n'est que pensées peu utiles... Ma grand-mère a tenu son journal de 1908 à 1943, année de sa mort. Eh bien tu sais... c'est un témoignage magnifique, pas tellement sur elle - qui finalement est discrète et terre à terre - que pour comment on vivait alors! Sorties, rythmes familiaux, maladies et traitements, distractions personnelles, amies... c'est extraordinaire! J'ai gardé les lettres des trois dernières années de vie de ma mère, car un jour j'ai compris qu'on arrivait au bout et que je n'en aurai plus. Ca me la rend un peu, elle était amusante et je m'amuse à nouveau avec elle!<br /> <br /> <br /> <br /> Bonne année, de tout coeur!
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A
Encore parler de lui, Mon Père "ce fils unique d'une famille bourgeoise" qui épousa ma mère avec 11 frères et sœurs, cet homme qui a concilié sa vie de famille et son "indépendance" sa soif d'aventures, de recherche '(chercheur de métier) dans tous les domaines et qui a j'en suis certaine vécu la libraimance , mais il est toujours revenu à la maison . Ma mère l'acceptait ..MOI , lui; imprégné d'ailleurs ?? je le détestais , le repoussais, mais il savait tellement bien m apprivoiser.. comme lui, je vis ce que j'ai envie de vivre tout le temps , je ne confonds rien
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A
Cet éveil, pour mon Père, Merci Pierre, à 58 ans il est resté 5 jours dans le coma, après son accident de moto (sa vieille moto toujours réparée) une semaine après reparti sur les routes avec sa nouvelle moto..Ma mère s'est lassée et a refait sa vie Anny
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S
Je suis tombée sur ton blog par hasard et quelle belle surprise ! J'aime ton style d'écriture car c'est fluide et agréable à lire. <br /> <br /> J'ai plusieurs journaux intimes que je relis rarement pour voir mon évolution.<br /> <br /> Parfois je ne me reconnais plus dans mes mémoires ^^ c'est un sentiment étrange. <br /> <br /> L'histoire de ton grand père est extraordinaire ! <br /> <br /> Peut être que tes mémoires deviendront des livres ;) <br /> <br /> C'est tellement précieux et authentique. Comme les lettres. Ça reste contrairement au numérique (réseaux sociaux en général)
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Y
Quand je vois le talent de dessinateur et de peintre de ton grand père, je suis très heureux qu'il ait pu trouver place dans une exposition !
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C
J'aime beaucoup apprendre que je ne suis pas la seule à avoir noirci des centaines de pages d'écriture fine et serrée pour noter jour après jour les bouillonnements de ma vie...Des pleins carnets...<br /> <br /> A l'aube de changer radicalement de vie, et de m'orienter vers d'autres paysages, au moins intérieurs, je commence à éprouver ce syndrome de trier les traces de mon passé...Photos, écrits, livres, souvenirs et c'est difficile de savoir ce qui est important. Il est vrai que je ne me vois pas jeter, par exemple, mes cahiers-journaux d'institutrice. Je me dis que ce sera pour plus tard un témoignage de ce qu'était ce métier à la fin du XX° siècle et au début du XXI°. Un document historique, certainement. Enfin, je l'espère...parce que l'on ne peut jurer de rien...<br /> <br /> Bref, je trouve que tu as une saine activité pour ces moments gris d'hiver neigeux.<br /> <br /> bises étoilées<br /> <br /> ¸¸.•*¨*• ☆
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