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Alter et ego (Carnet)
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19 mars 2020

Un bénéfique ralentissement

En vacances forcées, pour cause de confinement, je suis censé télétravailler. J'ai cependant du mal à me concentrer : d'un oeil je suis l'évolution de la crise sanitaire; de l'autre je vois la douceur printanière, le soleil, la nature alentour qui appelle au dehors. Et puis le silence du ciel : presque plus d'avions ! Le confinement ne touche pas tout le monde de la même façon et j'ai bien conscience du privilège d'une vie à la campagne.

Je suis persuadé que ce ralentissement forcé a quelque chose de bénéfique. Il permet de constater que la vie ne s'arrête pas quand chaque acte demande à être réfléchi. Le confinement conduit à une sobriété dans les déplacements, les achats, les rencontres. Il ouvre à un autre rapport au monde, aux autres, au temps. Au silence.

C'est comme si la vie devenait plus... consistante.

Dans les milieux qui prônent la décroissance c'est un peu la fête : ce que personne ne parvenait à mettre en place, voilà qu'un minuscule virus réussit à l'imposer au monde entier en quelques semaines ! Toute l'économie est ralentie, la pollution est fortement réduite, les avions volent beaucoup moins et la circulation automobile correspond à celle des années 30. Pour la première fois nous répondons aux objectifs de la COP 21.

« Il ne faut pas faire peur aux gens », disait-on, il y a quelques jours encore, à celles et ceux qui, depuis longtemps, tentaient de mettre en évidence l'insoutenabilité de nos modes de vie. Ces Cassandre qui, en nombre croissant, annoncent depuis cinquante ans ce qui va arriver et que personne n'a envie d'entendre. Il y a un mois, 1000 scientifiques encourageaient carrément à la désobéissance civile !

Au début de l'épidémie de Covid-19, apparue chez les lointains Chinois, ça s'est passé comme ça : c'était loin, ça ne nous concernait pas vraiment, personne n'était touché "chez nous". Et puis, n'était-ce pas moins grave qu'une grippe ? Il n'y avait pas de quoi s'inquiéter. Et puis en France on est un peu rebelles et on allait pas arrêter de se faire la bise ou de se serrer la paluche, hein ?

Sauf que cette insouciance a conduit, à la date où j'écris ce billet, à 200.000 cas déclarés dans le monde (beaucoup plus, si on pouvait compter tous ceux qui ne sont pas répertoriés) et déjà 8000 morts. Il y en aura un beaucoup plus grand nombre, c'est certain. Notamment parce que les gouvernements ont tardé à réagir à la mesure de ce qui s'annonçait. Probablement parce que les gouvernants eux-mêmes sont comme nous : incrédules devant l'impensable. Se croyant invulnérables. Et puis parce qu'il ne fallait pas trop bousculer les populations ni désorganiser l'économie. Résultat : devant l'ampleur de la crise il a quand même fallu réagir radicalement et en venir - tardivement - aux seules solutions efficaces. Et tant pis pour l'économie, dont on peut se demander comment elle se remettra d'un tel arrêt.

Il faudrait être aveugle pour ne pas faire de parallèle entre cette crise mal gérée et l'accroissement constant des déséquilibres planétaires. D'un côté un virus à la propagation fulgurante, de l'autre une somme de problèmes interconnectés dont la résolution est sans cesse repoussée à plus tard, malgré l'urgence, malgré les alarmes... et auxquels nous aurons inéluctablement à faire face : changement climatique et surconsommation des ressources naturelles. En quelque sorte ce Coronavirus permet de "tester" le système... et de constater l'impréparation de nos sociétés. Expérience grandeur nature : en quelques jours des pénuries apparaissent, risquant de bloquer tout le système de soins. Nous ne sommes pas prêts à gérer une crise majeure temporaire, nous le sommes encore moins à faire face à un processus irréversible de décroissance énergétique, donc économique. Personne n'a envie d'en arriver là... mais comme c'est inévitable nous y serons confrontés de manière plus brutale que si nous anticipions le ralentissement généralisé.

Mais... « il ne faut pas faire peur aux gens ».

 

Image Covid

 

C'est vrai : la peur n'est pas toujours mobilisatrice, ou pas dans le bon sens. On le voit, elle peut susciter des réflexes de "sauve qui peut" et de grand égoïsme. D'un autre côté l'impréparation est un excellent incubateur de peurs incontrôlables. Ici il ne s'agit "que" d'un virus qui nous confine pour quelques semaines ou quelques mois. Une phase temporaire au delà de laquelle chacun peut s'imaginer qu'aussitôt les restrictions de circulations levées la vie reprendra "comme avant". Sauf qu'il ne faudrait pas qu'elle reprenne, hormis sur le plan social et de l'économie essentielle. Je rêve que ce coup de semonce serve d'avertissement et permette une prise de conscience. Mais ce n'est qu'un rêve...

À la toute petite échelle d'une commune nous avons proposé un projet qui prenait en compte ce qu'on appelle la résilience : la capacité à se remettre d'un choc. La résilience ça se prépare, ça s'anticipe, ça s'élabore en commun en se basant sur diverses formes de solidarité, de partage et d'altruisme. Malheureusement c'est le non-projet du status quo et de la défense des petits intérêts locaux qui l'a emporté. Je fais partie des élus... mais minoritaires. Je n'aurai donc pas accès aux postes décisionnels.

Après un moment de découragement, de profonde tristesse et de déception, j'ai pensé à tout laisser tomber. J'ai pensé à démissionner illico, laissant notre commune aux mains des rétrogrades majoritaires. Et puis non, finalement. Encouragés par nos co-lisitiers, ceux qui avaient porté avec nous un projet solidaire, participatif, environnemental, nous serons quatre pour aiguillonner les "on est chez nous". Et du mouvement qui s'était constitué autour de notre beau projet... pourrait bien naître un collectif citoyen prêt à l'action.

Commentaires
J
Bonsoir.<br /> <br /> La photo mise traduit tout..<br /> <br /> Bonne soirée, prenez soin de vous, respectueusement..Denis.
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H
Comment pouvez-vous croire que la vie ne s'arrête pas ?! Il est assez manifeste qu'en tous lieux où le travail ne maintient pas une forme confortable de routine, les gens sont dans un affolement effaré. Je ne sais quel âge vous avez, êtes vous toujours en activité ?<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne m'accorde pas tout à fait avec votre vision de cette restriction, ni de ses causes, ni de ses effets : elle est due principalement, je crois, à l'imprévoyance quant à notre système de santé abandonné depuis des décennies, et elle ne conduira pas à une remise en question de notre mode de vie. Les États sont devenus chiches, et les peuples guère philosophes !<br /> <br /> <br /> <br /> C'est votre conception du sentiment de notre invulnérabilité qui, me semble-t-il, est le plus aux antipodes de la réalité : nous ne nous croyons pas immortels, seulement personne n'a jamais pensé à sa propre mort qu'en totale virtualité.
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