Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Alter et ego (Carnet)
Alter et ego (Carnet)
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
26 janvier 2013

La place de dire non

Lorsque je suis seul chez moi, le soir, je suis souvent en quête de réflexions intimes ou d'émotions fraîchement déposées sur quelques blogs. J'espère y trouver l'amorce d'un dialogue, un fil de conversation à suivre, une surprise favorisant l'échange, voire l'inspiration pour écrire un billet... Honnêtement, c'est plutôt rare. Je pourrais bien sûr aborder moi-même des sujets pouvant fertiliser un éventuel échange mais cela dépend des fluctuations de mon inspiration. Quand elle est en rade ça ne donne pas grand chose de bon. Je pourrais alors me tourner vers des formes de contact plus directes, comme le téléphone, voire proposer une soirée resto ou susciter des rencontres. Je pourrais... mais mon envie de partage ne surpasse généralement pas le plaisir que je trouve dans ma paisible solitude. Je reporte donc à plus tard la moindre initiative.

D'aussi loin que je me souvienne j'ai eu soif d'échanges et apprécié les discussions permettant d'aller plus loin dans la compréhension des rapports humains. Cette soif s'est trouvé largement étanchée à partir du moment où, vivant en couple, le dialogue m'était accessible au quotidien. Néanmoins j'ai ressenti confusément un manque et, progressivement, j'ai eu besoin de plus : plus d'approfondissement, plus d'intimité, plus de diversité. Bref, j'avais envie d'aller plus loin...

Et puis il y a eu internet. Là j'ai découvert, ravi, les formidables potentialités d'échange [et de séduction...] offertes par cet outil, et l'immense vivier de rencontres qu'il permettait. Un monde infini semblait s'ouvrir devant moi, stimulant ma gourmandise. Des années durant, ce média relationnel a eu mes faveurs et j'y ai consacré un temps considérable. J'en étais tellement satisfait que, lorsque je me suis retrouvé seul, je n'ai pas vraiment eu de craintes : « jamais seul, avec internet », pensais-je. J'aurais presque pu dire « enfin seul... » !

Mais à la longue, après en avoir épuisé les différentes modalités, les échanges par écrit m'ont montré leurs limites et perdu de leur intérêt : ils demandent beaucoup de temps, sont à la fois trop et pas assez précis, conduisent à se répéter, génèrent parfois des incompréhensions, libèrent des fantasmes, dépersonnalisent les interlocuteurs en les rendant interchangeables, etc. Passé l'étape de la rencontre épistolaire et malgré la réjouissante liberté de parole offerte, il y manque une part de l'essentiel que seule la réalité de l'autre et de son regard permet de saisir. La rencontre tangible, sensorielle, a donc tout naturellement retrouvé mes faveurs, fort de l'assurance acquise grâce à l'expérience internet. Mais, curieusement... je ne tente quasiment rien. Je ne sollicite aucune rencontre. C'est tout juste si je les accepte ! Pourtant mon envie de partage demeure, toujours un peu frustrée... mais je préfère souvent rester seul. 

C'est bizarre, non ? Incohérent, pour le moins.

Je ne sais pas exactement ce qui fait ça mais j'en ai une petite idée. Je me demande si ce ne serait pas la peur de me sentir... coincé. Envahi. Que l'autre [que j'imagine au féminin] me demande davantage que ce que je veux bien donner. En fait ça provient de ma difficulté à m'affirmer et faire preuve de franchise, de mon incapacité à dire simplement non, de ma crainte de blesser ou de décevoir. Et finalement de ma crainte de ne pas répondre à je ne sais quelle injonction ressemblant à "sois gentil" ou "fais plaisir". Alors je préfère rester confortablement seul plutôt que d'avoir à dire un cruel « je n'ai pas la même envie que toi ».

Je préfèrerais bien sûr dire « j'ai envie » et que cette envie rencontre celle de l'autre [ça c'est magique !]. Encore faut-il que je sente suffisamment d'   e s p a c e   et de   t e m p s   pour poser mes envies sans crainte. C'est à dire que je ne sente pas d'attentes trop fortes, lestées de déceptions en suspens. Toute forme de pression m'oppresse...

Finalement je ne me sens libre que seul.

 

 

Commentaires
C
Bonjour Lydaine, et merci pour ce message qu'il m'est très agréable de lire :)<br /> <br /> <br /> <br /> Que mon écriture d'homme offre une tonalité différente de ce qu'on pourrait en attendre ne peut que me réjouir. J'apprécie en effet ce qui brouille un peu certaines limites supposées séparer les genres.<br /> <br /> <br /> <br /> Votre appréciation me fait plaisir, évidemment, et j'aime ce que vous dites de votre perception en tant que lectrice découvrant mon univers. C'est ainsi, avec ce que chaque lecteur/lectrice me donne de lui/elle que je trouve l'envie de poursuivre cette pratique un peu bizarre qui consiste à partager des réflexions personnelles...<br /> <br /> <br /> <br /> Ne se sentir libre que seul... une conclusion qui mériterait d'être précisée. Non seulement parce que la véritable solitude rendrait la vie fort peu goûteuse, mais aussi parce que, comme vous dites, l'imprévu des rencontres offre sa part de surprises et que c'est un des grands bonheurs de l'existence que de "rencontrer" l'autre, avec tout ce que cela comporte comme inattendu.<br /> <br /> <br /> <br /> Encore merci de vous être exprimée ici en toute simplicité :)
Répondre
L
Bonjour...<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai été surprise lorsque j'ai réalisé que vous étiez un homme. Surprise et perplexe...<br /> <br /> Mais pourquoi donc, me suis-je demandé ?<br /> <br /> Ma foi... Peu d'hommes partagent un blog aussi intériorisé... C'est peu coutumier sur les squares virtuels où je me balade .<br /> <br /> Était-ce tout ? La réponse me semblait incomplète...<br /> <br /> M'oui... C'est la simple raison.<br /> <br /> Cette réflexion faite, j'ai pu reprendre tranquillement ma lecture.<br /> <br /> Et j'ai aimé.<br /> <br /> Vous lire fait du bien.<br /> <br /> Vous dépliez en grand l'étendue des songes et en redessinez les topographies.<br /> <br /> Parfois j'ai l'impression de crapahuter de concert, d'autres fois je vous voies escalader des versants qui me sont inconnus mais toujours j'ai plaisir à vous observer...<br /> <br /> Vous racontez bien... et juste.<br /> <br /> Comment dire... Lorsque l'on lit (ou écoute) un auteur, on peut ne pas partager son opinion ou regretter l'angle de vue choisi mais lorsque la plume est réfléchie et honnête, l'attention reste intacte.<br /> <br /> Arrivée à ce billet et aux commentaires qui le suivent, j'ai eu le goût de vous en remercier.<br /> <br /> Je ne sais plus trop comment je suis arrivée ici (d'un lien à l'autre, je crois...) mais je sais que je vais y rester un bon moment (j'aime remonter les pages d'un blog).<br /> <br /> Je resterai, je crois, une passante discrète : Je sais combien, d'un jour à l'autre, ma réflexion peut prendre de nouveaux détours<br /> <br /> et j'ai toujours vergogne à trop vite l'exprimer.<br /> <br /> Je suis à une de ces saisons de la vie où les questions semblent avoir plus d'attrait que leurs réponses...<br /> <br /> N'empêche... Ce billet-ci me clignait de l'œil sans cesse.<br /> <br /> Là... J'avais mes pas dans les vôtres dès les premiers mots pour en fin de page, rencontrer la même impasse...<br /> <br /> Mais vais-je vous suivre jusqu'au "finalement, je ne me sens libre que seul." ?<br /> <br /> Je suis une heureuse solitaire et combien j'aimerais "me" répondre oui...<br /> <br /> Mais ma mémoire me tape sur l'épaule.<br /> <br /> Ne l'affirme pas trop, me dit-elle... Et oui... C'est parfois quand je n'ai pas su dire non que j'ai fait de très belles rencontres et sans ces partages là, je ne serais pas celle que je suis aujourd'hui.<br /> <br /> Je continuerai de dire non... Mais je ne suis plus tout à fait aussi dupe...<br /> <br /> Et je devine, aussi, qu'en disant cela je m'éloigne de votre propos et que la diversion est facile. Mais puisque je me suis invitée, je n'osais pas trop m'en aller sans en confier un peu plus.<br /> <br /> Mon intention était surtout de vous remercier d'offrir ainsi vos pages en partage.<br /> <br /> Elles me sont utiles.<br /> <br /> Un sentiment que je crois fort partagé...<br /> <br /> <br /> <br /> Merci à vous et aux familiers de vos pages,<br /> <br /> cordialement,<br /> <br /> Lydaine.
Répondre
L
Juste une pensée douceur pour toi.<br /> <br /> http://www.youtube.com/watch?v=EFBf5YUob18
Répondre
C
Bonjour Pierre. Juste un petit mot pour te demander si tout va bien.<br /> <br /> Les silences veulent dire tellement de choses, seule la parole peut en apporter la réponse. Bises<br /> <br /> Celestine
Répondre
C
Jade, "se sentir aussi libre avec autrui que seul" ne me semble pas se situer tout à fait dans le même registre que la "dilution de la relation au delà de deux", et que tu mettes en évidence cette différence m'intéresse. En effet la relation à deux a quelque chose de bien particulier qui se "dilue" dès lors que les interactions se multiplient. Pour ma part je privilégie toujours la relation à deux, parfois à trois (cela permet une autre dynamique), mais au delà m'efface d'autant plus que le nombre de présents croît.<br /> <br /> <br /> <br /> En ce qui concerne l'éloignement des amis... je pense avoir résolu ma sensibilité en révisant ma conception de l'amitié : je la vois comme temporelle, conjoncturelle, et l'éloignement est "normal". Ainsi la durée devient une sorte d'anomalie et, par là-même, un "cadeau". L'autre grand avantage c'est que cela me préserve du sentiment d'abandon :) <br /> <br /> <br /> <br /> La peur de perdre, finalement je m'en suis affranchi par l'épreuve de la perte. Maintenant je dis de plus en plus ce que je pense et ressens... et tant pis si ça peut déplaire. En quelque sorte c'est une épreuve de vérité, tant envers l'autre (sa résistance), qu'envers moi (ma franchise), et la relation (son authenticité). C'est peut-être pour ça que pour le moment je me maintiens en marge de l'investissement sentimental... et que j'ai développé mon aptitude à la vie en solo. Pour ne plus dépendre du regard favorable de l'autre (mais celui DES autres reste nécessaire, bien sûr).<br /> <br /> <br /> <br /> J'aime bien ton dernier paragraphe sur le désir de durer, qui se renouvelle et ne se lasse pas de l'autre. Ne reste plus qu'à trouver cet(te) autre qui partage le même désir :)<br /> <br /> <br /> <br /> Quelques désillusions m'ont cependant rendu prudent sur ce point.
Répondre
J
Cette discussion que je lis ce matin recoupe beaucoup de questions que je me pose bien la preuve que nous ne sommes pas seuls mais isolés souvent dans des cheminements proches .J'écris ici ce qui me vient à vous lire.En vrac, un peu.<br /> <br /> "Le jour où je me sentirai aussi libre avec autrui que seul, là je le serai vraiment" écris-tu Pierre; marrant parce que j'écrirai presque l'inverse. ça tient en peu de mots : je suis indépendante quand il s'agit de groupe, incapable de suivre un clan, une bande de m’intégrer vraiment sauf à sacrifier ma sincérité et faire semblant que ça me convienne alors que ça ne me convient pas; mais je suis une adepte résolue de la solitude à deux que ce soit un ou une amie et moi, ou en couple; au delà de deux, la relation me semble devenir diluée. J'ai beaucoup d'amis, mais je les vois un par un. Un seul à l'heure actuelle reste "virtuel" c'est celui que j'ai longuement évoqué dans le billet sur le silence. J'en souffre toujours un peu, c'est toujours pour moi une frustration, plus exactement une incompréhension, puisque le refus de se rencontrer vient de lui non de moi.Je me sentirai libre si je n'éprouvais plus cette sorte de dépendance à l'égard des liens amicaux , or si les gens s'éloignent je me sens facilement abandonnée, dépourvue de valeur, etc. (un seul être me manque et tout est dépeuplé) ce qui me conduit moi aussi parfois à ne pas oser dire mes désaccords à mes amis les plus chers, par peur de les perdre . Pourtant moi, ce désaccord d'opinion je l'accepte, alors pourquoi prêter à un autre que j'aime le soupçon d'intolérance ? Tout simplement parce que j'ai à cet égard un bon nombre d'expériences négatives.Cette peur de blesser est aussi un orgueil en ce qui me concerne une peur aussi d'abimer l'image que j'ai de moi. On n'existe que dans le regard des autres disent certains psys et pourtant parfois on rêve de pouvoir s'en passer, on a l'illusion que si c'était le cas alors on pourrait tout affronter.<br /> <br /> sur un autre aspect de la discussion : la solitude ce n'est pas seulement la non présence physique de quelqu'un c'est l'absence d'échanges avec ce quelqu'un , d’échanges qui nous paraissent à l'un et à l'autre enrichissants, satisfaisants même s'il s'agit d'une engueulade ou d'un désaccord. mais pour moi, c'est curieux, les échanges individuels quand ils ont été "pleins" et profonds ne sont jamais usés ,même au bout de trente ans voire plus pour mes liens les plus anciens . bien sûr on se répète , mais aussi on évolue, chaque jour est nouveau; même l'homme dont je partage la vie depuis presque quarante ans je ne sais pas tout de lui et réciproquement , on garde ces vues furtives sur des jardins secrets et ignorés parfois de nous-mêmes(ce que l'autre vous révèle de vous ..et qui peut bien durer toute une vie c'est pas si long une vie ) c'est pourquoi je comprends mal qu'un être humain puisse "lasser". J'ai constaté aussi que ce désir de durée que j'ai si fort ne sclérose pas les relations profondes.n'imagine pas les relations comme un film où l'image doit tout le temps se renouveler mais comme la permanence d'un "bien à être ensemble", même si c'est pour ne rien se dire d'autre que ce qu'on s'est déjà dit mille fois ou ne rien dire du tout.
Répondre
_
Bonsoir,<br /> <br /> <br /> <br /> "Finalement je ne me sens libre que seul." J'aime bien cette "conclusion". Elle me parle tellement. Il y a des choses que j'ai refusées dans le passé car j'avais l'impression qu'elles remettaient en question le principe même de ma liberté. Il y a donc des concessions que je n'ai pas faites et j'ai toujours eu l'impression d'être une étrangère dans ce monde tant les humains aiment se fondre dans un "couple".
Répondre
S
Récemment, je parlais avec mon psy de "la capacité à être seul".<br /> <br /> J'y pense, parce que fuir les rencontres pour ne pas être envahi, c'est un peu ne pas savoir être "seul en compagnie", pas savoir préserver le soi quand il y a un autre en face.<br /> <br /> La "capacité à être seul" est un concept de Winicott, ça veut dire "être seul avec quelqu'un à côté et être bien".<br /> <br /> Ni trop près de la personne (dans un essai de toujours être en phase, fusionnel, avec ses ressentis, et dans le désir qu'elle soit de même avec nous), ni trop loin, c'est à dire plus en relation du tout.<br /> <br /> <br /> <br /> De la doc là<br /> <br /> http://tabledesable.fr/pdf/WINNICOTT_capacite_etre_seul.pdf<br /> <br /> et là,<br /> <br /> http://1libertaire.free.fr/ApprivoiserSolitude.html<br /> <br /> <br /> <br /> si ça te parle.
Répondre
G
Pierre, je te lis toujurs avec delectation, même si je ne partage aucune, mais aucune de tes phrases tant je suis...ton contraire !<br /> <br /> Je revendique mon état de dépendant affectif, en quête permanente d'amour et d'attentions, je "vis avec" mon irrépressible besoin de compter pour l'autre, dans le regard de l'autre, prêt à toutes les compromissions ? compromis ? pour ne plus être solo, c'est à dire, exclu, isolé, trés seul, réduit au silence...
Répondre
L
Eh bien, Pierre, je vais peut-être t'étonner, ce soir, mais plus j'avance, plus je préfère la compagnie des femmes ! Je me sens tellement en harmonie avec elles, dans une totale sincérité, avec des sensibilités et des ressentis similaires. Cette non-peur d'être pleinement soi, de pouvoir se dire. Je ne trouve pas la même chose, même dans une relation amicale avec les hommes.<br /> <br /> <br /> <br /> Nous travaillons beaucoup avec un psy, en couple, et il y a des choses essentielles qui m'apparaissent dans nos différences : mon compagnon est cérébral, et je ressens de la froideur quand il s'exprime. Je suis plutôt émotionnelle, et il est parfois gêné par ce côté de ma personne. <br /> <br /> <br /> <br /> Il s'abrite derrière un mur, et chez moi, tout est ouvert.<br /> <br /> <br /> <br /> Alors, nous cheminons pour plus de compréhension et de communication, je ne sais pas ce qu'il en ressortira... mais je pense que notre démarche était fondamentale !
Répondre