Lorsque je suis seul chez moi, le soir, je suis souvent en quête de réflexions intimes ou d'émotions fraîchement déposées sur quelques blogs. J'espère y trouver l'amorce d'un dialogue, un fil de conversation à suivre, une surprise favorisant l'échange, voire l'inspiration pour écrire un billet... Honnêtement, c'est plutôt rare. Je pourrais bien sûr aborder moi-même des sujets pouvant fertiliser un éventuel échange mais cela dépend des fluctuations de mon inspiration. Quand elle est en rade ça ne donne pas grand chose de bon. Je pourrais alors me tourner vers des formes de contact plus directes, comme le téléphone, voire proposer une soirée resto ou susciter des rencontres. Je pourrais... mais mon envie de partage ne surpasse généralement pas le plaisir que je trouve dans ma paisible solitude. Je reporte donc à plus tard la moindre initiative.

D'aussi loin que je me souvienne j'ai eu soif d'échanges et apprécié les discussions permettant d'aller plus loin dans la compréhension des rapports humains. Cette soif s'est trouvé largement étanchée à partir du moment où, vivant en couple, le dialogue m'était accessible au quotidien. Néanmoins j'ai ressenti confusément un manque et, progressivement, j'ai eu besoin de plus : plus d'approfondissement, plus d'intimité, plus de diversité. Bref, j'avais envie d'aller plus loin...

Et puis il y a eu internet. Là j'ai découvert, ravi, les formidables potentialités d'échange [et de séduction...] offertes par cet outil, et l'immense vivier de rencontres qu'il permettait. Un monde infini semblait s'ouvrir devant moi, stimulant ma gourmandise. Des années durant, ce média relationnel a eu mes faveurs et j'y ai consacré un temps considérable. J'en étais tellement satisfait que, lorsque je me suis retrouvé seul, je n'ai pas vraiment eu de craintes : « jamais seul, avec internet », pensais-je. J'aurais presque pu dire « enfin seul... » !

Mais à la longue, après en avoir épuisé les différentes modalités, les échanges par écrit m'ont montré leurs limites et perdu de leur intérêt : ils demandent beaucoup de temps, sont à la fois trop et pas assez précis, conduisent à se répéter, génèrent parfois des incompréhensions, libèrent des fantasmes, dépersonnalisent les interlocuteurs en les rendant interchangeables, etc. Passé l'étape de la rencontre épistolaire et malgré la réjouissante liberté de parole offerte, il y manque une part de l'essentiel que seule la réalité de l'autre et de son regard permet de saisir. La rencontre tangible, sensorielle, a donc tout naturellement retrouvé mes faveurs, fort de l'assurance acquise grâce à l'expérience internet. Mais, curieusement... je ne tente quasiment rien. Je ne sollicite aucune rencontre. C'est tout juste si je les accepte ! Pourtant mon envie de partage demeure, toujours un peu frustrée... mais je préfère souvent rester seul. 

C'est bizarre, non ? Incohérent, pour le moins.

Je ne sais pas exactement ce qui fait ça mais j'en ai une petite idée. Je me demande si ce ne serait pas la peur de me sentir... coincé. Envahi. Que l'autre [que j'imagine au féminin] me demande davantage que ce que je veux bien donner. En fait ça provient de ma difficulté à m'affirmer et faire preuve de franchise, de mon incapacité à dire simplement non, de ma crainte de blesser ou de décevoir. Et finalement de ma crainte de ne pas répondre à je ne sais quelle injonction ressemblant à "sois gentil" ou "fais plaisir". Alors je préfère rester confortablement seul plutôt que d'avoir à dire un cruel « je n'ai pas la même envie que toi ».

Je préfèrerais bien sûr dire « j'ai envie » et que cette envie rencontre celle de l'autre [ça c'est magique !]. Encore faut-il que je sente suffisamment d'   e s p a c e   et de   t e m p s   pour poser mes envies sans crainte. C'est à dire que je ne sente pas d'attentes trop fortes, lestées de déceptions en suspens. Toute forme de pression m'oppresse...

Finalement je ne me sens libre que seul.