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Alter et ego (Carnet)
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31 janvier 2014

Recadrage

En fin d'après-midi je reviens au bureau, après une réunion à l'extérieur. Là je trouve trois de mes collaborateurs en train de regarder je ne sais quoi sur ces maudits téléphones connectables à internet. Un peu suspicieux je m'approche et vois défiler des images vidéo sous leurs regards focalisés. Cette fois je ne laisse pas passer la chose et leur rappelle vertement qu'il sont au travail, et payés pour ça. Dispersion immédiate des trois compères...

Je pense être quelqu'un de plutôt souple et tolérant mais il y a des limites à ne pas dépasser. Depuis quelques temps je vois que de plus en plus d'aises sont prises avec ces limites : légers retards le matin, absences signalées au dernier moment, discussions personnelles un peu trop prolongées, lenteur à se mettre au travail, allongement des temps de pause, usage du abusif du smartphone... Jusque-là je ne disais rien, comptant sur un ressaisissement spontané, mais la colère couvait.

Ce qui est amusant, si on peut dire, et qui me donne toute légitimité pour donner de la voix, c'est que lesdits collaborateurs se plaignent souvent des difficultés de leur travail, et notamment pour recadrer les personnes que nous accueillons. Un peu faux-cul, mes collaborateurs se plaignent tantôt de ceux qu'ils encadrent (des incapables !), tantôt de notre hiérarchie (des incapables !), et me laissent entendre que je suis trop acccomodant avec tout le monde. Ils attendent de moi davantage de fermeté... envers ceux qui leur posent problème. Bref : c'est la faute des autres ! Heureusement, deux de mes collaborateurs ont un peu plus de jugeotte et savent évoquer notre responsabilité collective dans la bonne marche de l'activité. Et puis je sens bien que ma fermeté est attendue, y compris par ceux qui flirtent avec les limites de mon indulgence.

Je déteste de plus en plus la posture de victime et ne manque pas une occasion d'en appeller à la responsabilité de ceux qui s'y complaisent. S'il y a des dysfonctionnements, qu'ils commencent par s'occuper de la part qui leur revient ! Sauf que... c'est pas facile d'assumer le fait d'être "le méchant", celui qui rappelle les règles, voire celui qui déclenche une prise de sanctions disciplinaire. Ah ben oui, il faut parfois en passer par là ! Mais il est plus facile de rester inerte et de continuer à se plaindre...

Il y a quelques temps j'avais fait usage d'une formule peu élégante, mais que je n'avais pu réprimer dans mon élan : si vous voulez que les choses changent, bougez-vous le cul ! Je suis un peu agacé par ces comportements de plainte passive, avec mes collaborateurs comme avec toute autre personne qui s'y livre avec complaisance. Mais au fond... je crois que c'est aussi contre moi que je suis en colère. Pour toutes ces années où j'ai attendu que les choses changent, et pour maintenant quand je me rends compte que je n'ai pas encore assez d'audace pour obtenir ce qui me tient à coeur. C'est un peu le cas avec ma supérieure hiérarchique, une personne inconsistante, fuyante, dépassée, incompétente dans sa fonction, et face à laquelle je n'ai pas encore trouvé la bonne façon de faire pour exiger la collaboration dont j'ai besoin pour conduire mon activité. Face à elle, je me vois entravé par un complexe hors d'âge face à l'autorité et ne sais pas comment me situer. En fait... je n'ai nul besoin d'elle et c'est directement avec son supérieur que j'aimerais traiter. Lui a de la consistance, du répondant, une vue à long terme et sait répondre clairement. J'ai très envie d'aller lui parler du "problème" que j'ai avec ma supérieure, mais c'est quand même assez délicat...

Bref : là c'est moi qui me sens un peu mal à l'aise de ne pas agir. Quoique... ce n'est peut-être qu'une question de temps et de préparation : que je sois suffisamment clair dans ce que j'ai à exposer et dans les propositions que j'ai à faire. Je n'ai précisément pas envie de seulement me plaindre passivement. Je veux apporter des pistes de réflexion, essayer d'avancer, de faire mieux... pour le bien de tous.

Commentaires
K
"...une servilité de néo-féodalisme. "<br /> <br /> Oui ! exactement !
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N
Bonjour Pierre,<br /> <br /> <br /> <br /> je comprends cette nécessité mondaine du recadrage, et en même temps, elle me laisse pantois, comme la lecture des phrases de cette nature : "Diriger une équipe, c'est comme diriger un troupeau. Dès qu'une brebis s'est égarée, il faut la recadrer"... no comment.<br /> <br /> <br /> <br /> Ce qui me surprend, c'est la docilité, cette capacité lentement ingurgitée, et devenue sûrement inconsciente, à se soumettre à un système normé sans réagir autrement que par la plainte et par l'avachissement ; système piloté par des "supérieurs" qui guident et orientent les "inférieurs". Bref, des cadres, des intermédiaires, comme le dit l'un des commentateurs plus haut.<br /> <br /> <br /> <br /> Je m'interroge sur la nature de ce monde-là, qui débute avec l'école, trouve des prolongements fonctionnels dans la famille et se déploie totalement, presque naturellement, dans l' "entreprise". Il s'agit pour moi, et on peut me dire que j'ai tort, d'une servilité, de néo-féodalisme.<br /> <br /> <br /> <br /> Monde où, pour reprendre quelques uns de tes termes, il ne sied pas d'être excessivement souple et tolérant, où il ne faut pas prendre d'aises. Monde qui exige des limites, des structures, un cadrage permanent et toute la bureaucratie qui l'accompagne. Monde où l'Etre ne peut pas être ce qui le constitue le mieux, soit en léger retard, rétif à l'urgence du temps qui passe, absent le plus souvent, nourrissant une autre présence, et puis lent, forcément, personnel, nécessairement, allongé, en pause, etc.<br /> <br /> <br /> <br /> On me rétorquera que cet Homme là n'est pas fait pour le travail, et on aura raison.<br /> <br /> <br /> <br /> Avec le sourire.<br /> <br /> <br /> <br /> A Toi.<br /> <br /> <br /> <br /> Nat
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L
Encore un écrit bien agréable à lire où l'expérience provoque la réflexion. Diriger une équipe, c'est comme diriger un troupeau. Dès qu'une brebis s'est égarée, il faut la recadrer et pas facile de ne pas heurter la sensibilité de chacun. Mais l'ambiance et la qualité de travail sont deux choses données par la manière de faire de celui qui dirige. Comme on fait son lit on se couche ou on a que ce qu'on mérite dit-on. Je pense que pour avoir des résultats, il faut dialoguer, faire confiance, responsabiliser et bien expliquer ce qu'on désire et qu'on travaille pour le bien de tous et non chacun pour soi. Apprendre à travailler en harmonie ou on sent le plaisir dominer n'est pas facile mais en expliquant bien les choses chacun fini par y mettre du sien et les résultats sont souvent là. Le respect entre les êtres humains est une grande "dynamique" et ils ne peuvent avancer que si il existe, qu'ils soient puissants ou misérables, jeunes ou vieux, beaux ou laids. Pour obtenir des résultats, il faut parfois commencer par là en expliquant que dans un travail, chacun est un maillon d'une chaîne et que si il casse, tout est fichu, qu'il faut recommencer. Alors chacun va peut-être se sentir responsable dans son petit coin et faire avancer le shmilblick ...... Dans tous les cas il faut positiver et garder son optimiste pour voir en chacun ce dont il est capable de faire, son potentiel, et essayer de lui montrer que se tirer vers le haut et une source de joie. Moi aussi je suis un peu idéaliste et je passe quelques fois pour une utopiste, mais pas tant que çà quand je vois ce qu'on peut obtenir d'un enfant Trisomique (mon petit-fils en l'occurrence) qui a intégré comme serveur en salle un grand groupe de la restauration après avoir eu son C.A.P avec 15 de moyenne et qui fait partie du conseil d'administration d'une association. Beaucoup d'investissement de part et d'autre mais quel résultat ! Diriger des hommes c'est beaucoup d'investissement, mais la moindre petite avancée est une belle victoire.
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S
Pas nécessairement besoin d'être hermaphrodite ..... <br /> <br /> "L'homme est une femme comme les autres"... Groucho Marx :)
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B
Lu avec le sourire. Mais comme je m'y retrouve. Enfin du temps de mon activité professionnelle. Ah là là, ce côté entre le marteau et l'enclume du cadre intermédiaire!<br /> <br /> Au moins là dessus au cours de mes années de responsable d'une équipe j'ai eu le sentiment de progresser, de devenir plus capable de tenir ma ligne, celle que je croyais objectivement bonne, tout autant à l'égard des tire au flan de la base que des injonctions hiérarchiques parfois absurdes.<br /> <br /> Cela dit si j'ai pu avancer c'est aussi parce que mon équipe a changé, que le rapport de force entre les tire au flanc et les gens concernés et impliqués dans leur travail s'est modifié, hasards heureux ou malheureux des nominations selon les règles il faut le dire, par trop figées de la fonction publique.
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S
ah oui j'oubliais .....<br /> <br /> <br /> <br /> bon week end !
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S
ah oui j'oubliais.......<br /> <br /> <br /> <br /> une de tes phrases que j'ai un peu modifiée et qui pourrait faire office de devise :<br /> <br /> <br /> <br /> " S'il y a des dysfonctionnements, qu'ils commencent par s'occuper de la part qui leur revient "<br /> <br /> <br /> <br /> " S'il y a des dysfonctionnements, que chacun commence par s'occuper de la part qui lui revient" ...
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S
Avec dans les rôles principaux hiérarchiques : <br /> <br /> la supérieure : la mère <br /> <br /> son supérieur : le père<br /> <br /> les autres : les frères /soeurs <br /> <br /> <br /> <br /> La mère : " face à laquelle je n'ai pas encore trouvé la bonne façon de faire pour exiger la collaboration dont j'ai besoin" <br /> <br /> <br /> <br /> le père : " Lui a de la consistance, du répondant, une vue à long terme et sait répondre clairement "<br /> <br /> <br /> <br /> les autres : "Je déteste de plus en plus la posture de victime et ne manque pas une occasion d'en appeller à la responsabilité de ceux qui s'y complaisent"<br /> <br /> <br /> <br /> Ou que rejoue-t-on de notre enfance et de notre schéma familial au travail ?<br /> <br /> <br /> <br /> Autant d'enjeux et de domaines pour y "grandir" et s'y épanouir : reconnaissance confiance autorité autonomie respect responsabilisation communication altérité etc etc <br /> <br /> <br /> <br /> Par ailleurs, considérer et estimer systématiquement que bon nombre d' "autres" vivent en "perpétuelles victimes" n'est-ce pas en quelque sorte s'assurer de ne pouvoir en être une soi-même au regard de certains autres ?<br /> <br /> <br /> <br /> ce que l'on rejette avec colère et "détestation" n'est-ce pas ce dont on a peur ?<br /> <br /> <br /> <br /> victime /bourreau/sauveur ou le petit manuel du savoir vivre :) <br /> <br /> <br /> <br /> des pistes à suivre ...ou pas
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C
oups: si on n'en paie pas...
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C
"Sauf que... c'est pas facile d'assumer le fait d'être "le méchant", celui qui rappelle les règles, voire celui qui déclenche une prise de sanctions disciplinaire. "<br /> <br /> <br /> <br /> "ma supérieure hiérarchique, une personne inconsistante, fuyante, dépassée, incompétente dans sa fonction"<br /> <br /> <br /> <br /> Célestine, sors de ce corps... <br /> <br /> <br /> <br /> Plus sérieusement, je me retrouve tellement dans ton billet que je suis impressionnée par cette concordance de vues. Je vis tous les jours les problèmes que tu rencontres, et la différence c'est que je ne suis jamais passée par la case "attentisme" ou "inertie". Me "bouger le cul" est ma ligne de conduite depuis toujours (professionnelle s'entend ;-) ) Je crois que c'est la société toute entière qui est atteinte par cette gangrène, comme dit Malou, de la passivité et du syndrome de l'éternelle victime. <br /> <br /> <br /> <br /> Ce sujet de société m'interpelle depuis longtemps...Depuis quarante ans que l'on enveloppe les enfants rois dans du coton, au point de les rendre névrotiquement capricieux, il faudrait peut-être se demander si on n'e paie pas les effets collatéraux dans le monde des adultes...Je dis ça, je dis rien.Mais j'en ferai peut-être un billet...
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