En fin d'après-midi je reviens au bureau, après une réunion à l'extérieur. Là je trouve trois de mes collaborateurs en train de regarder je ne sais quoi sur ces maudits téléphones connectables à internet. Un peu suspicieux je m'approche et vois défiler des images vidéo sous leurs regards focalisés. Cette fois je ne laisse pas passer la chose et leur rappelle vertement qu'il sont au travail, et payés pour ça. Dispersion immédiate des trois compères...

Je pense être quelqu'un de plutôt souple et tolérant mais il y a des limites à ne pas dépasser. Depuis quelques temps je vois que de plus en plus d'aises sont prises avec ces limites : légers retards le matin, absences signalées au dernier moment, discussions personnelles un peu trop prolongées, lenteur à se mettre au travail, allongement des temps de pause, usage du abusif du smartphone... Jusque-là je ne disais rien, comptant sur un ressaisissement spontané, mais la colère couvait.

Ce qui est amusant, si on peut dire, et qui me donne toute légitimité pour donner de la voix, c'est que lesdits collaborateurs se plaignent souvent des difficultés de leur travail, et notamment pour recadrer les personnes que nous accueillons. Un peu faux-cul, mes collaborateurs se plaignent tantôt de ceux qu'ils encadrent (des incapables !), tantôt de notre hiérarchie (des incapables !), et me laissent entendre que je suis trop acccomodant avec tout le monde. Ils attendent de moi davantage de fermeté... envers ceux qui leur posent problème. Bref : c'est la faute des autres ! Heureusement, deux de mes collaborateurs ont un peu plus de jugeotte et savent évoquer notre responsabilité collective dans la bonne marche de l'activité. Et puis je sens bien que ma fermeté est attendue, y compris par ceux qui flirtent avec les limites de mon indulgence.

Je déteste de plus en plus la posture de victime et ne manque pas une occasion d'en appeller à la responsabilité de ceux qui s'y complaisent. S'il y a des dysfonctionnements, qu'ils commencent par s'occuper de la part qui leur revient ! Sauf que... c'est pas facile d'assumer le fait d'être "le méchant", celui qui rappelle les règles, voire celui qui déclenche une prise de sanctions disciplinaire. Ah ben oui, il faut parfois en passer par là ! Mais il est plus facile de rester inerte et de continuer à se plaindre...

Il y a quelques temps j'avais fait usage d'une formule peu élégante, mais que je n'avais pu réprimer dans mon élan : si vous voulez que les choses changent, bougez-vous le cul ! Je suis un peu agacé par ces comportements de plainte passive, avec mes collaborateurs comme avec toute autre personne qui s'y livre avec complaisance. Mais au fond... je crois que c'est aussi contre moi que je suis en colère. Pour toutes ces années où j'ai attendu que les choses changent, et pour maintenant quand je me rends compte que je n'ai pas encore assez d'audace pour obtenir ce qui me tient à coeur. C'est un peu le cas avec ma supérieure hiérarchique, une personne inconsistante, fuyante, dépassée, incompétente dans sa fonction, et face à laquelle je n'ai pas encore trouvé la bonne façon de faire pour exiger la collaboration dont j'ai besoin pour conduire mon activité. Face à elle, je me vois entravé par un complexe hors d'âge face à l'autorité et ne sais pas comment me situer. En fait... je n'ai nul besoin d'elle et c'est directement avec son supérieur que j'aimerais traiter. Lui a de la consistance, du répondant, une vue à long terme et sait répondre clairement. J'ai très envie d'aller lui parler du "problème" que j'ai avec ma supérieure, mais c'est quand même assez délicat...

Bref : là c'est moi qui me sens un peu mal à l'aise de ne pas agir. Quoique... ce n'est peut-être qu'une question de temps et de préparation : que je sois suffisamment clair dans ce que j'ai à exposer et dans les propositions que j'ai à faire. Je n'ai précisément pas envie de seulement me plaindre passivement. Je veux apporter des pistes de réflexion, essayer d'avancer, de faire mieux... pour le bien de tous.