En racontant mes états d'âme j'ai pour modeste ambition de toucher un petit bout de l'universel. Pour ce faire j'aimerais assez que mes écrits aient un petit air léger et enjoué, soient à la fois pertinents, intéressants et variés, afin de susciter de nourrissants échanges. Hélas... je n'écris évidemment pas comme cela. Pas comme je le voudrais. Ni dans le style, ni dans la tonalité, ni même par le contenu. L'inspiration, cette muse par laquelle je me laisse volontiers guider, me ramène souvent vers l'expression mal calibrée de pensées redondantes jetées un peu en vrac. A partir d'une idée de départ je me laisse toute liberté de suivre le chemin que dessinera l'enchainement des mots. C'est ma part de spontanéité. Mais en même temps, sitôt que les mots commencent à couler, j'oriente, limite, canalise et bride certains traits de mon expression selon je ne sais quels paramètres obscurs. L'autocensure veille. Par pudeur, je m'interdis certains développements qui pourraient m'exposer plus que je le souhaite. C'est normal, probablement assez sain, et nous agissons tous, peu ou prou, de façon similaire.
Sur le fond, toutefois, j'aimerais savoir prendre davantage de recul. Être plus évocateur que descriptif. Idéalement j'aimerais parler moins de "moi" et être plus général dans mon propos [je... je, JE... vous voyez, il est toujours dans mes pattes, celui-là !]. J'aspire aussi à être plus enthousiaste, plus positif. Le must serait d'être moins sérieux... Mais bon, je fais avec ce que je suis. C'est ma marque de fabrique, style laboureur. Alors, avec un brin d'admiration, je lis celles et ceux qui, sur leurs blogs, ont un talent que j'aimerais avoir. Sophie est de ceux-là. Son évocation toute simple d'un voyage en solitaire, à peu près aux mêmes dates que mon parcours acadien, m'a enchanté. J'ai trouvé son récit léger, précis, épuré. Frais et sautillant.
Cabot trail, Cap Breton, Nouvelle-Écosse
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Bien sûr comparaison n'est pas raison et ce n'est pas en ce sens que je mets en exergue la différence narrative. Non, c'est parce que dans son récit la rencontre a été un élément majeur, alors que dans le mien elle est restée embryonnaire. Ce qui a retenu mon attention c'est l'apparente aisance de l'auteure à rencontrer l'autre alors que, de mon côté, j'ai vanté... les attraits de la solitude. Certes, il y en a, indéniablement. Mais ceux de la rencontre ne lui enlèvent rien ! On peut fort bien allier solitude et rencontres, alternativement. C'est d'ailleurs ce qui est apparu dans les commentaires qui ont suivi mon texte. J'ai alors compris que mon récit était faussé par une mise en avant un peu trop poussée des plaisirs de la solitude. Mais étais-je moi-même dupe de mon insistance ? Ma dernière phrase ne mettait-elle pas en question tout ce qui l'avait précédée ?
Je n'en fais pas mystère : écrire sous d'autres regards est pour moi un moyen de "rencontrer" l'autre, mais aussi de me trouver. En exposant mes réflexions je me donne la chance d'avoir des avis différents, contraires, ou confortants. C'est une façon d'affermir mes idées, de les remettre éventuellement en question, ou de m'ouvrir à des modes de pensée qui me sont inconnus. Pour différentes raisons je n'ai pas souvent ce genre de partage en face à face avec des personnes de mon entourage. Ou du moins pas sur les sujets que j'aborde ici et qui me tiennent à coeur. Nombre d'entre eux reviennent régulièrement - obstinément, devrais-je dire - au premiers rang desquels la liberté, la solitude et les relations fortes tiennents des places de choix. A l'évidence il y a entre ces trois éléments quelque chose qui n'est pas vraiment stabilisé. Rien de difficile à vivre là dedans, seulement un équilibre en latence. "Ça" travaille en moi, encore. Lentement, patiemment. Quête existentielle à la fois sereine, continue, et tenace, dont l'énigme cherche à se résoudre par l'écriture. Grâce à votre présence...
peut-être que je me fais des films ... Mais est-tu en train de parler de moi?
Si ce n'est pas le cas, honte à moi d'être si égocentrique.
Mais vu que je parle dans un article des "Sophie" J'avoue que la ressemblance est troublante ...